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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
29 juin 2007

Les victoires de Sarkozy

Les_femmes_de_Sarko          Les victoires de Sarkozy

            Les feux d’artifice et les bravos ont enfin laissé la place à la vie ordinaire. Nous voilà enfin sortis d’une longue période d’agitation qui nous a coûté beaucoup d’encre et de salive. Les présidentielles, les législatives, la formation du gouvernement puis son remaniement, tout est bel et bien fini. Cette fois, nous n’aurons même pas à garder le souvenir des pleurs des vaincus comme si pour ces derniers la défaite était prévue. Et dans le silence retrouvé, les socialistes se disent dans le secret de leur cœur que leur défaite a évité à la France le spectacle des querelles du couple présidentiel à l’Elysée. Ouf ! l’honneur est sauf. Et Ségolène Royale doit être soulagée d’avoir échoué si près du but pour ne pas avoir la lourde tâche d’appliquer un programme auquel elle n’a jamais cru. Elle peut donc dire merci à Sarkozy.

            Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais il suffit de jeter un regard en arrière pour voir l’état du champ de bataille et par la même occasion l’état de la France au terme des joutes politiques. Inutile de s’attarder sur la maison socialiste en ruine malgré quelques meubles précieux sauvés in extremis du sunami bleu avec en prime le scalp d’Alain Juppé qui n’avait déjà pas beaucoup de cheveux. 

            A côté des ruines de la maison socialistes, on peut faire deux constats qui constituent les véritables victoires de Sarkozy : les cendres du Front National et la présence d’éléments des minorités au sein du gouvernement.

Le Pen domestiqué

            Depuis près de trois décennies, les partis traditionnels négligeaient l’importance du Front National et de son idéologie sur la scène nationale. Même à droite, souvent on acceptait de cohabiter avec le Front National tout en refusant de s’afficher avec ses partisans. Profiter des voix du FN mais ne pas adhérer à sa politique. Ce qui est souvent ressenti comme du mépris par les amis de Jean-Marie Le Pen. Et pendant des décennies, le Front National ne cesse de marteler qu’il y a trop d’immigrés en France. Il fut même une époque où il faisait coïncider le nombre des chômeurs avec le nombre d’immigrés travaillant sur le territoire français au point de faire croire au petit peuple que le plein emploi et le bonheur social passent par une expulsion pure et simple des étrangers concernés. Et aux yeux de beaucoup de Français blancs, tous les Maghrébins et tous les Noirs étaient ces immigrés qui mangent le pain des Français. Petit à petit, le temps aidant, le Front National et son leader se sont installés dans le paysage politique comme un élément du folklore national, une spécificité française de la même façon que l’on parle du Parti Communiste aujourd’hui.

            Puis il y eut le tremblement de terre de 2005. Le Front National parvint au deuxième tour, contre toute attente. Un sursaut national hypocrite se produisit alors et lui barra la route. Tout le monde souffla avec soulagement. Mais à l’approche des élections de 2007, le spectre du Front National commença à hanter les esprits. A gauche, on se répétait : «  plus jamais ça ! Votons utile. » Le vote utile, c’était tout ce que la gauche proposait aux Français. Car le programme était si flou que personne aujourd’hui n’est capable d’en citer un seul projet concret.

            Nicolas Sarkozy, lui, a compris que la France est diverse et a donc des besoins divers. Les soucis des minorités vivant dans les quartiers surpeuplés, ceux des partisans du FN, et ceux des riches qui croient fermement que l’Etat français les détrousse sans cesse ne sont pas les mêmes. Il va donc s’adresser à chaque groupe et lui proposer de s’occuper de ses soucis. Au nom de quoi, en effet, doit-on négliger les soucis des 15 à 18 % des Français qui estiment que l’on doit stopper l’immigration sauvage ? Pourquoi doit-on continuer à fermer les yeux devant ses bateaux qui échouent quotidiennement sur les plages de l’Europe avec leur cargaison de malheureux en guenilles ? Lui, Nicolas Sarkozy, affirme que c’est une situation détestable auquel il faut trouver une solution. Dès lors, ce sont les partisans du FN qui vont voter utile afin que leurs idées aient des chances d’être appliquées. Le résultat, nous le connaissons : en quittant la bannière FN pour voter utile, les partisans de Jean-Marie Le Pen ont réduit ce parti en un groupuscule d’illuminés sans intérêt. Et pour parachever sa victoire sur un parti que lui seul a été capable de mater, Nicolas Sarkozy va se montrer en vainqueur magnanime. Il ne va pas humilier celui qu’il a réduit à presque rien. Il va, dans un geste très républicain, le recevoir à l’Elysée au même titre que les autres leaders des partis du pays. Hier, cette rencontre aurait fait couler beaucoup d’encre et de salive. Aujourd’hui elle est passée presque inaperçue comme si tout le monde lui était reconnaissant d’avoir réussi là où tous les partis ont échoué.

Les minorités Valorisées

            La deuxième victoire de Sarkozy s’était clairement dessinée  lors des campagnes pour les élections présidentielles. Pour la première fois en France, un candidat à l’élection présidentielle a un projet clair et net pour les minorités : la discrimination positive pour les rendre plus visibles dans les structures sociales, économiques et politiques du pays. Avant lui, les hommes politiques refusaient la notion de « minorité » importée, selon eux, des pays anglo-saxons et qu’ils substituaient volontairement par le mot « communautarisme » pour faire peur. D’autre part, Nicolas Sarkozy est le premier homme politique français à avoir confié une partie de sa campagne aux minorités du pays. En métropole comme aux Antilles, on ne voyait pas que des blancs défendre ses idées. Après sa victoire, trois femmes issues des minorités entrent au gouvernement, non pas pour s’occuper des problèmes des minorités, mais pour servir la République selon leurs compétences. Et à ceux qui pensent que ces nominations sont de la poudre aux yeux, il convient de répondre que c’est déjà beaucoup que d’habituer les Français à voir la diversité nationale dans les rangs de nos dirigeants.

            Ainsi donc, en quelques mois, Nicolas Sarkozy a réalisé là ce que la gauche laissait espérer depuis des décennies aux minorités sans jamais oser l’accomplir. Quelle gifle ! Le parti Socialiste qui dit se battre pour les égalités, ce parti qui attire les voix des minorités en criant partout prendre leur défense ne leur a jamais rien proposé. Ce parti n’a jamais compris que la France n’est point monobloc et monochrome. La France n’est plus blanche depuis des siècles et il faudra l’accepter une fois pour toutes en faisant tomber les verrous institutionnels hérités de l’histoire (napoléonienne pour la plupart) qui rendent ses minorités invisibles. Et comme 25 à 30 % des adhérents de ce parti sont des militants de « la diversité », il se doit de relever le défi que vient de lui lancer le nouveau président. Sinon, les minorités françaises voteront de plus en plus à droite. Comme disent les Ivoiriens, « qui est fou ? »

Raphaël ADJOBI

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15 juin 2007

Strange Fruit (Une analyse de Raphaël ADJOBI)

Billie_Holiday                Strange fruit

 

                  (Un fruit étrange)

    

Les arbres du sud portent un fruit étrange.

 

Du sang sur les feuilles, du sang sur les racines,

 

Un corps noir se balançant dans la brise du Sud.            

 

Etrange fruit pendant aux peupliers.

 

 

Scène pastorale du vaillant Sud.

 

Les yeux exorbités et la bouche tordue, 

 

Parfum de magnolias, doux et frais.

 

Puis une odeur soudaine de chair brûlée.

 

 

Voici un fruit à picorer par les corbeaux

 

Que la pluie fait pousser, que le vent assèche.

 

Pourri par le soleil, il tombera de l’arbre.

 

Voilà une étrange et amère récolte !

 

              Abel Meeropol         

 

Lynchage_1

            Strange Fruit est un poème qu’il faut lire en ayant à l’esprit un paysage rural semé de champs de coton qui laissent voir ça et là quelques arbres isolés ou quelques bosquets procurant un peu de fraîcheur. Il faut imaginer qu’au siècle dernier, dans les années 30, au plus fort des lynchages dans les campagnes américaines, quand un promeneur empruntait une route serpentant dans ce paysage de rêves, au détour d’un chemin, il n’était pas rare qu’il voie suspendu à un arbre un étrange fruit. Un fruit noir qui ensanglantait les feuilles et les racines de l’arbre qui le portait. 

            Ce fruit étrange dont il est question désigne les corps des victimes noires des lynchages que l’on pendait aux arbres quand elles n’étaient pas brûlées vives. Ces images, Abel Meeropol, un enseignant juif d’origine russe, les avaient découvertes par le biais des photographies que les familles blanches s’adressaient sans vergogne et sur lesquelles on les voyait rayonnantes à côtés de leur victime. Choqué par cette pratique, il écrivit et publia un poème (Bitter Fruit) sous le pseudonyme de Aka Lewis Allan. Il en fera par la suite une chanson et la proposera à la chanteuse noire américaine de jazz et de bleues, Billie Holiday. Celle-ci, déjà célèbre, chantera pour la première fois ce texte, devenu Strange Fruit, au Café Society, seul club antiségrégationniste de New York.

            Dans une mise en scène sobre avec le public plongé dans le noir et un faisceau de lumière éclairant la silhouette de Billie Holiday, celle-ci chanta d’une voix déchirante accompagnée des seules notes d’un piano. A la fin de sa prestation, le public désorienté garda un silence de mort. Puis, un spectateur osa battre des mains entraînant peu à peu le reste du public dans un tonnerre d’applaudissements. Depuis, cette chanson compte parmi les réquisitoires artistiques les plus vibrants contre le lynchage couramment pratiqué dans le Sud et l’Ouest des Etats-Unis. Seize ans avant que Rosa Parks ne devienne célèbre en refusant de céder sa place dans un bus en Alabama, grâce à « sa voix déchirée et déchirante », Billie Holiday a permis à ce poème de faire prendre conscience du racisme et du pouvoir de l’art dans le combat pour les droits des noirs.

            Voilà donc une œuvre que les écoliers noirs d’Afrique et d’ailleurs devraient étudier afin de ne jamais oublier ce qu’ont vécu ceux qui ont quitté brutalement la terre d’Afrique pour l’Amérique lointaine. Et il faut qu’ils sachent aussi que si l’on ne pend pas toujours des noirs, aujourd’hui on plastique leurs maisons, on les abat toujours au fusil, et on les frappe jusqu’à ce que mort s’ensuive à la batte de base-ball. Ainsi, entre 1980 et 1986, on a recensé cent vingt et un meurtres imputables à l’ultra droite américaine (source : Centre du renouveau démocratique, basé en Alabama). Les morts motivées par la haine raciale n’ont donc pas disparu du sol américain.   

 

Raphaël ADJOBI

 

(Bibliographie : Article de Dirk Ingo Franke publié par Arte.tv. / Article de Jeannine Dath pour Théâtre Varia / Articles de Torpedo et Wikipedia / Photos : Wikipédia et Afrostyly)         

Livres à retenir : 1) Without Sanctury, Le lynchage aux Etats-Unis en cent trente photographies. 2) Freedom, histoire photographique de la lutte des Noirs américains, édit. Phaiton, 2003. 3) L’empire du mal, dictionnaire iconoclaste des Etats-Unis ; auteur : Roger Martin, éditions Cherche-Midi, 2005. 

 ° L'histoire d'une autre chanson célèvre sur l'esclavage : Amazing Grace

               Strange Fruit

 

Southern trees bear strange fruit,                       
Blood on the leaves and blood at the root,             
Black bodies swinging in the southern breeze,
Strange fruit hanging from the poplar trees.

Pastoral scene of the gallant south,
The bulging eyes and the twisted mouth,
Scent of magnolias, sweet and fresh,
Then the sudden smell of burning flesh.

Here is the fruit for the crows to pluck,
For the rain to gather, for the wind to suck,
For the sun to rot, for the trees to drop,
Here is a strange and bitter crop
.

Composed by Abel Meeropol (Aka Lewis Allan)

        Originally sung : Billie Holiday

 

 

6 juin 2007

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur

Ne_tirez_pas_sur_l_oiseau_moqueur        Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur

 

                        (Roman de Harper Lee)

 

Ce roman est à inscrire au nombre des plus belles narrations de la littérature du XXè siècle. Il y a des livres qui rencontrent indiscutablement l’unanimité des lecteurs. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur est de ceux-là.   

            Ce qui fait le charme du livre, c’est avant tout le style de la narration : il est empreint d’une fraîcheur due au fait que tout est mené sous le point de vue d’une enfant d’à peine neuf ans mais qui est pleine d’humour. Cet humour tient d’ailleurs à la naïveté ou à l’innocence du regard de l’enfant qui ne peut que surprendre les adultes que nous sommes. Et cette naïveté ou innocence va admirablement servir le sujet de ce livre qui est tout simplement une évidente et affreuse injustice qui ne sera présentée que dans la deuxième partie du roman..

            Le sujet du livre : Dans les années 30, dans une petite ville d’Alabama nommée Maycomb, le père de la petite Jean Louise est commis d’office pour défendre un jeune noir accusé du viol d’une jeune blanche de 19 ans. Atticus Finch, cet avocat intègre et rigoureux qui élève seul ses deux enfants, Jem et Scout (Jean Louise), va tenter d’accomplir sa tâche tout en essayant de préserver l’innocence de ses enfants confrontés aux préjugés et au mensonge des blancs.             

            Si donc ce livre est une véritable peinture du monde de l’arbitraire qu’était cette Amérique dans laquelle étaient perdus les noirs et contre laquelle ils mèneront leurs plus grandes luttes dans les années 60, il se veut également le témoignage d’une profonde humanité qu’un père veut laisser croître dans le cœur de ses enfants. En effet, cette relation entre Atticus Finch et ses enfants, ressemble beaucoup plus à une éducation à la Jean-Jacques Rousseau dans laquelle l’on laisse faire la nature ; ce qui aux yeux du commun des hommes ressemble plutôt à un manque d’éducation. C’est donc bien avec l’innocence de leur cœur que Jem et Scout découvrent l’injustice des hommes et non point avec les idées de leur père.

 

Titre : Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur

 

Auteur : Harper Lee

 

Edition : Le livre de poche

 

Raphaël ADJOBI

3 juin 2007

Comment la France a perdu l'Afrique

Livre_de_Glaser_et_SmithComment la France a perdu l’Afrique

                            

       (Antoine Glaser et Stephen Smith)

            Ce livre est vivement conseillé à tous ceux qui veulent avoir une vision globale de la politique africaine de la France depuis le début du XX è siècle. C’est en réalité essentiellement l’historique des relations entre la France et l’Afrique sub-sahélienne. On ne peut qu’être conquis par la qualité des analyses d’Antoine Glaser et Stephen Smith qui peignent ici les liens trop étroits entre l’ancien colonisateur et ses anciens colonisés.

 

            Si le commun des Français est loin d’avoir saisi l’importance des événements qui se sont déroulés en Côte d’Ivoire en novembre 2004, les deux auteurs voudraient l’imprimer dans la tête de leurs lecteurs. Ils n’hésitent pas à comparer le massif encerclement de l’armée française devant l’Hôtel Ivoire à une véritable prise de la Bastille. Les événements de cette journée qui se sont poursuivis jusque tard dans la nuit avec le safari des hélicoptères français tirant sur les manifestants massés sur les deux ponts enjambant la lagune Ebrié ont véritablement sonné, à leurs yeux, la fin d’une ère française en Afrique. Jamais, nulle part en Afrique noire, la France n’a été autant bousculée, huée ! Et sans doute jamais depuis 1960, l’armée française n’a réprimé aussi sauvagement une manifestation dans ces anciennes colonies.

 

            A ceux qui pensent que l’Afrique n’apporte rien à la France et qu’elle n’est pour celle-ci qu’un boulet, ils voudraient leur faire comprendre que c’est l’Afrique qui confère à la France sa notoriété dans le concert des grandes nations. Sans elle, le veto de la France à l’ONU n’aurait aucun sens ; et cela tout simplement parce que la France s’est toujours présentée devant les grandes nations du monde comme le parrain et le porte-parole des pays pauvres d’Afrique. D’autre part, l’Afrique est un marché de consommation pour la France. Enfin, la France s’est toujours octroyé le monopôle des investissements dans ces anciennes colonies ; en d’autres termes, c’est un marché où les investisseurs français ne souffrent pas la concurrence des autres pays développés. Et ce n’est pas rien d’avoir le monopôle des exploitations et des grands travaux dans tous les pays francophones d’Afrique. Enfin, ici et ailleurs dans les revues économiques, on souligne que malgré la crise qui sévit en Côte d’Ivoire, ce pays reste toujours la locomotive économique de l’Afrique de l’Ouest ; ce qui fait prendre conscience de la pauvreté des autres nations africaines.

 

            Les lecteurs africains trouveront dans ce livre toutes les explications quant à la manière dont la France a été impliquée dans les différents coups d’état survenus en Afrique. Ils sauront également comment la France organise officiellement la désinformation pour rendre les dirigeants africains responsables de tout ce qui leur arrive. En clair, presque rien ne se fait en Afrique francophone sans la bénédiction de la France ou son bon vouloir.

 

            Tous ces éléments et bien d’autres fournis avec force détails - dates et chiffres – font de cet ouvrage un précieux auxiliaire pour tous ceux que passionnent les aventures de la France sur la terre d’Afrique. D’autre part, les auteurs ne manquent pas de citer les sources des informations qu’ils donnent pour appuyer leurs analyses. Sources qui peuvent faire l’objet d’autres lectures.

 

Titre       : Comment la France a perdu l’Afrique

Auteur    : Antoine Glaser et Stephen Smith

Edition   : Calman-Lévy   

 

Raphaël ADJOBI

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