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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
23 octobre 2008

Le génocide voilé

Le_g_nocide_voil_        Le génocide voilé

 

            Le génocide dont il est ici question est la traite négrière que les arabo-musulmans ont infligée à l’Afrique durant plus de treize siècles et qui subsiste encore sur le continent sous des formes très sournoises. Le ton ferme de l’introduction du livre faite par l’auteur est historique à mes yeux. Il me plaît en effet de savoir qu’un Africain noir de confession musulmane prenne enfin le passé de l’Afrique en main en osant dire clairement ce que fut l’Islam et ce qu’il est aujourd’hui comme héritage pour les Noirs d’Afrique. Après avoir lu le livre de Malek Chebel (L’esclavage en Terre d’Islam), je suis heureux de découvrir celui de Tidiane N’diaye. Nous sommes loin des discours traditionnels qui nous peignent le passé de l’Afrique sous ses atours idylliques.

            L’esclavage, forme suprême de la domination de l’homme par l’homme, est absolument une des caractéristiques fondamentales de l’histoire de l’Humanité. Et le premier chapitre du livre décrit scrupuleusement les formes d’asservissements pratiquées par les sociétés traditionnelles d’Afrique Noire. Cependant, comme l’affirme si bien Tidiane N’diaye sans toutefois tomber dans la hiérarchisation victimaire, « force est de reconnaître que la dimension prise par la traite et l’esclavage qu’ont subi les peuples noirs dépasse en nombre de victimes, en durée et en horreurs tout ce qui avait précédé. Et dans la genèse de ces malheurs, historiquement la traite négrière est une invention du monde arabo-musulman. » (p.16) La dimension et l’intensité de l’esclavage pratiqué par les arbo-musulmans semblent ici d’une cruauté rarement peinte, sinon jamais, dans les manuels proposés dans l’enseignement en Afrique. Préservation de la susceptibilité des musulmans ?

            A certains passages, ce livre rappelle dans son esprit celui d’Odile Tobner (Du racisme français) et nous oblige à nous demander lequel des deux esclavages – la traite atlantique (4 siècles) et l’esclavage arabo-musulman (13 siècles) – fut le plus cruel, le plus intense, le plus raciste. La cruauté de l’esclavage outre-atlantique se révélait dans les conditions de l’exploitation des Noirs entre les mains de leurs maîtres dans les plantations. La cruauté de la traite négrière des arabo-musulmans apparaît surtout dans les conditions d’enlèvement des Noirs sur leurs terres natales. Les conditions des voyages à travers le désert sont extrêmement déshumanisantes et mortelles. La peinture qu’en fait l’auteur donne à réfléchir sur la barbarie qu’a vécue l’Afrique. Las razzias que les chefs des tribus musulmanes du Nord, du Sahara et du Sahel opéraient ont contribué à détruire des villes noires entières. Ce commerce généralisé dans le monde musulman africain, Tidiane N’diaye ne le tait pas et cite les figures historiques des noirs qui ont été des ardents esclavagistes mais qui sont aujourd’hui louées dans certains pays. Il n’oublie pas non plus la castration massive des Noirs convoyés dans les royaumes du Moyen Orient et qui servent aujourd’hui encore comme gardes au Maroc et à la Mecque. Il parle également des armées essentiellement noires constituées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord grâce à la traite des Noirs.

            Les arabo-musulmans, venus nombreux de Perse et de Turquie, ont fait de chaque noir musulman un mercenaire pour la cause esclavagiste avec la bénédiction de l’Islam. L’aveugle solidarité musulmane qui poussent les noirs à tenir plus compte de la consonance du nom que des idées politiques vient de cette colonisation selon laquelle les bons musulmans peuvent faire la guerre aux mauvais musulmans et aux non musulmans. L’autre intérêt du livre est de nous permettre de comprendre le drame qui se joue au Soudan. Il nous montre que la crise humanitaire qui sévit dans cet immense pays est indissociable de la pratique de l’esclavage par les arabo-musulmans et les Touregs. D’autre part, les pirates Somaliens qui, dans l’Océan Indien prennent aujourd’hui les équipages des navires européens en otage pour obtenir des rançons vivaient dans un passé récent de la traite négrière vers l’Asie et le Moyen Orient. Le comptoir turc de Zanzibar était encore florissant au 20è siècle. Et tout cela, gouvernants africains et européens le savaient mais fermaient les yeux.

 

Raphaël ADJOBI

Auteur  :  Tidiane N’diaye

Titre     :  Le génocide voilé (enquête historique)

Edition : Continents Noirs NRF Gallimard.

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Commentaires
L
thank you !
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D
Celui-là pourrait m'intéresser! Je note les références. Merci!
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S
Merci pour le lien vers cet article dont j'ignorais l'existence. Je le lirai avec beaucoup d'attention. Je découvre par la même occasion le site d'Africultures. Deux fois mercis donc.
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T
Mon cher Gangoueus<br /> Vous connaissez les journalistes. Entre ce qu'ils enregistrent - souvent plusieurs fois en votre présence -, et ce que vous découvrez par la suite à l'écran, nous avons toujours des surprises. François Busnel m'a enregistré 45 mn et n'a passé que 5 iminutes de l'entretien, suivant ses propres critères. Et ce n'est pas la première fois. Mais c'est souvent le prix à payer pour voir votre travail montré par les grands médias. Heureusement encore que j'ai la chance d'être publié et imposé par Gallimard. Quant à Cheikh Antan Diop, vérifiez quand même s’il ne s’agit pas de Ibn Batouta qu’il cite et non Ibn Khaldoun. Si vous ne vous êtes trompé cela ne me surprendrait pas. Car en Anthropologue allergique au « mélange idéologie – sciences », je vous avouerais que très jeune, j’ai eu l’occasion de lui notifier de vives voix ce que je pensais d’une partie de ses travaux, lorsqu’il m’a fait parvenir son dernier ouvrage CIVILISATION OU BARBARIE. Hélas pour beaucoup de nos frères africains, particulièrement les Afrocentristes fanatiques, ne veulent pas admettre qu'il a pris quelques aises avec des réalités historiques. Il m’a fallu 23 ans de recherches minutieuses et fatidiques pour arriver à cette conclusion. Le magazine AFRICULTURES vient de publier le résultat de mes travaux, sur les véritables origines de la civilisation égyptienne. Cela me vaut en ce moment les pires attaques d’éminents intellectuels africains.<br /> Voici le lien :<br /> <br /> http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=8357 <br /> <br /> Vous me direz ce que vous en pensez<br /> Cordialement
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G
Cher Tidiane Ndiaye,<br /> <br /> L'angle dans lequel vous répondez, je ne peux qu'approuvez votre propos. Je pourrais d'ailleurs étoffer votre argumentaire par des anecdotes croustillantes que j'ai personnellement vécu en France avec des collègues berbères ou arabes, des dérapages verbaux liés au fait que dans l'inconscient des maghrébins "noirs = esclaves". Du tout chaud, j'en ai plein les tiroirs. Vous savez, il n'y a qu'à voir comment beaucoup de noirs et d'arabes ont grandi dans les mêmes cités et pourtant trouver un petit lascar black ayant pour femme une rebeuh relève du miracle absolu.<br /> <br /> Vous avez donc parfaitement raison de produire cette réflexion pour apporter un vrai débat avec nos frères (ennemis?) arabes...<br /> <br /> Il n'empêche que ce n'est pas l'orientation qu'a pris votre intervention à la Grande Librairie. Peut-être est-ce le fait de la présentation de Busnuel et de la réalisation de cette émission plaçant le cadre de votre entretien sur Gorée.<br /> <br /> Comme je le signalais à St Ralph, je lis actuellement Ségou de Maryse Condé, et le racisme entre correligionaires musulmans y est très présent. La question n'est pas nouvelle? Pourquoi est-elle éluder par l'intelligentsia négro-africaine?<br /> <br /> A propos de Ibn Khaldoun, j'étais resté sur ces récits de voyage que Cheikh Anta Diop avait abondamment cité dans son essai L'Afrique noire précoloniale. Découvrir avec vous qu'en rentrant en Andalousie, cet intellectuel arabe avait développé une idéologie raciste m'a beaucoup étonné, puisqu'il a eu le temps d'observer la cour de l'empire du Mali à son faîte.<br /> <br /> Encore une fois, Monsieur Tidiane Ndiaye, ma remarque ne concerne que la gestion de cette émission. Pour le reste, croyez que vous m'avez donné envie de lire vos livres... et de les critiquer sur mon blog.<br /> <br /> Bien à vous,
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