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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
15 décembre 2008

Les Noirs dans la publicité française

          Les Noirs dans la  publicité française

 

            Depuis 2008, on constate une très légère diversité ethnique dans l‘espace publicitaire français. Diversité très légère mais qui se remarque du simple fait que l’image du consommateur noir n’a jamais été considérée comme valorisante pour les enseignes commerciales. Il fut même un temps où les Asiatiques étaient plus nombreux dans les publicités télévisées, comme s’ils étaient plus représentatifs de la diversité française que les Noirs.

            Aujourd’hui, à la télévision française, même les publicités vantant les jeux présentent des Noirs qui ne sont pas des figurants mais des membres de famille. Nintendo montrent un couple mixte – femme blanche, homme noir - qui joue. Un organisme d’apprentissage de l’anglais montre un Noir avec sa femme blanche et leur enfant métis. Depuis Mai 2008, l’athlète noir Ladji Doucouré incarne à l’écran l’image de l’anti-transpirant de Menen. Malgré tout, trouver l’image de Noirs sur les emballages des produits de grande consommation est chose encore exceptionnelle au point de susciter la curiosité quand on en voit une.

            Il est très loin l’époque de la victoire de la France à la coupe du monde 1998 ; époque où de nombreux footballeurs noirs trônaient sur les grands panneaux publicitaires et crevaient les écrans des télévisions françaises. L’espoir a été de courte durée.

            Devant cette frilosité à utiliser l’image du Noir, il n’est donc pas étonnant qu’en 2008 il n’y ait encore aucun film français ou européen – produit par des blancs – ayant une tête d’affiche issue des milieux noirs. Dans un petit billet publié dans le Nouvel observateur du 19 juin 2008 (p.38), la réalisatrice blanche Eliane de Latour, pénalisée de choisir des Noirs pour des premiers rôles, interroge ceux qui dirigent les industries du cinéma européen sur le bien fondé de leur comportement. Elle ne se satisfait pas de l’argument selon lequel un film avec un acteur principal noir ne marchera pas parce que « le public ne s’identifie pas aux Noirs. » Ainsi donc « le public s’identifie à E.T, à un ours, mais pas à un acteur noir ? » interroge-t-elle. Mais alors, pourquoi Denzel Washington et bien d’autres attirent des foules en France ?

            Il faut croire que, comme autrefois on tenait les indigènes éloignés, l’on veut tout simplement tenir les Noirs loin de cette industrie afin qu’ils ne fassent pas concurrence aux acteurs blancs.

            Je termine mon article par une interrogation. Je vous présente ici une publicité du 19è siècle vantant les mérites d’un savon qui « lave plus blanc que blanc » - puisqu’il est capable de blanchir un Nègre. Regardez-là bien avant de lire la suite de mon message. Prêtez attention à la femme à gauche, l’enfant prenant son bain, l’homme au premier plan dont la main sort de l’eau de la bassine, enfin l’expression de l’homme à l’arrière plan levant les bras au ciel.

Carte_publicitaire_N_gre            La découverte de cette publicité m’emmène à me demander si la décoloration de la peau chez les Noirs est une pratique plus ancienne que la rencontre avec les Européens aux siècles de l’esclavage et l’élaboration des théories racistes à leur égard. Avec les théories du XIX è siècle selon lesquelles le Noir serait une dégénérescence du blanc (1), n’aurait-on pas fait croire aux Noirs qu’il leur était possible de quitter leur enveloppe noire pour se rapprocher de la race blanche dite pure ? On peut aisément croire que des populations africaines entières ont dû être très sensibles à cette publicité dont l’impact perdure encore aujourd’hui.

 

Raphaël ADJOBI          

(1) La couleur noire est due à un pigment brun, appelé la mélanine, qui colore la peau.

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4 décembre 2008

Lumières et Esclavage

Lumi_res_et_esclavage                            Lumières et esclavage

            De toute ma vie, c’est le premier livre se présentant comme un ouvrage de recherches dont le contenu m’a soulevé le cœur au point de me pousser à traiter en mon for intérieur son auteur de tous les noms. Lumières et Esclavage est assurément une insulte à la conscience et à l’intelligence humaines.

            L’objet du livre de Jean Erhard est clair : prendre la défense du XVIII è siècle – le siècle des Lumières -   accusé selon lui de tous les maux de la traite négrière parce que les penseurs et les hommes de Lettres seraient restés muets devant ce fléau et auraient même parfois montré des signes d’une certaine complicité. Alors que tous les analystes s’accordent aujourd’hui pour reconnaître et affirmer que les idées prétendument universelles sur l’égalité et la liberté n’incluaient pas les Noirs, l’auteur de Lumières et Esclavage persiste à croire et à chercher à nous prouver que les penseurs du 18è siècle sont des anti-esclavagistes. Peut-on dire que tous ceux qui ont défendu ou défendent en quelque point du monde les notions de liberté et d’égalité sont des anti-esclavagistes ? En tout cas, si le bateau négrier Le Voltaire n’avait à voir avec les affaires personnelles de Jean-Jacques Rousseau, Le Montesquieu portait ce nom avec l’accord de l’auteur de l’esprit des lois.  

            D’autre part, Jean Erhard essaie de nous faire croire que l’opinion publique française ignorait tout de la pratique de l’esclavage et qu’il est par conséquent aberrant que tous les Français aient à reconnaître ce commerce comme faisant partie de leur Histoire commune. Il oublie que Nantes et Bordeaux étaient alors les poumons économiques de la France grâce à la traite négrière.

            Cet auteur révisionniste va jusqu’à écrire que les châtiments prévus dans le Code Noir et infligés aux esclaves s’inscrivent dans la violence ordinaire  des lois de l’époque, et que « la condition […] officiellement imposée aux Nègres des îles ne diffère pas absolument et en tous points de ce que vivent alors les métropolitains. » On croit rêver ! Et ce qui illustre le mieux l’esprit révisionniste du livre et la mauvaise foi qui en émane, c’est un dessin assez grossier représentant un Noir endimanché et coquettement enturbanné coupant la canne censé montrer une vie d’esclavage presque plus heureuse que celle d’un paysan français. De toutes les images des esclaves au travail dans les îles, Jean Erhard a jugé que celle-là est plus représentative de la réalité. Insultant !

            Parfois même ce livre a tout l’air d’une moquerie. Pour l’auteur, les blancs du XVIII è siècle ont activement œuvré pour à la dignité du Noir en de nombreux domaines. Selon lui, « le Nègre accède à la dignité littéraire bien avant de se voir reconnaître sa dignité humaine » parce que les Blancs en avaient fait des personnages de romans, de contes et de théâtres. Quelle plénitude ! Mesdames et Messieurs les Noirs, estimez-vous heureux si un blanc fait d’un Noir l’un des personnages de son roman.                           

            Jean Erhard est de la race de ceux qui, dans quelques années, présenteront dans les manuels destinés aux écoliers français (blancs et noirs), les propos insultants de Jacques Chirac, de Pascal Sevran et de Nicolas Sarkozy comme une forme d’ironie visant à défendre la condition faite aux Noirs de la fin du XX è et du début du XXI è siècle. Certes, on attend d’un livre qu’il nous instruise et non point qu’il nous dise ce que nous voulons entendre ou qu’il nous flatte. Mais si au lieu de nous instruire, il s’applique à justifier l’injustifiable et à tordre le cou à la réalité vécue, c'est-à-dire les crimes et les mauvais traitements dont les traces restent indélébiles plusieurs siècles après, alors on est obligé de parler de révisionnisme. Mais dans ma malheureuse rencontre avec ce livre, j’ai appris de ma libraire une leçon qui me guidera à l’avenir : le choix de nos lectures doit tenir compte de la réputation de l’éditeur. Celui de Jean Erhard n’est pas de la race des plus exigeants.    

Raphaël ADJOBI

Auteur : Jean Erhard

Titre  :  Lumière et Esclavage (L'esclavage colonial et

l'opinion publique en France au XVIII è siècle)

Edition : André Versaille Editeur

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