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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
31 août 2015

La France noire (association loi 1901)

                            L A   F R A N C E   N O I R E

                                              (Association, loi 1901)

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Afin de promouvoir d'une part la commémoration de l'abolition de l'esclavage chaque 10 mai et d'autre part les figures illustres noires et leur contribution à la grandeur de notre pays, une association est née : La France noire.                               

L'absence de figures noires dans le paysage historique de notre pays est difficilement compréhensible, d'autant plus que nombreux sont les Noirs qui ont été, par le passé, hissés au rang de héros. Pourquoi donc les manuels d'histoire les ont-ils exclus de notre enseignement, privant une catégorie de nos enfants et petits-enfants de références valorisantes ? 

Nous ne pouvons pas nous contenter de déplorer cette blessante réalité ; si nous n'agissons pas nous en devenons les complices. La France noire fait donc appel à vous pour un devoir moral : donner un sens à l'avenir de tous nos enfants en les rendant fiers de leur passé. 

Vous pouvez, Noirs et Blancs, aider La France noire à atteindre ce but en lui accordant votre soutien ou en la rejoignant. Avec une cotisation annuelle de 10 € ou un don de votre choix, vous nous aiderez à commémorer le 10 mai 2016 l'abolition de l'esclavage avec une grande exposition, dans l'Yonne, sur les Français noirs illustres. Exposition qui sera ensuite prêtée aux enseignants des lycées et collèges comme prolongement des œuvres qu'ils auront étudiées. Vos cotisations ou vos dons nous permettront aussi de participer au financement - comme le font d'autres associations françaises - des sorties scolaires sur les sites historiques mettant en évidence la contribution des Noirs à l'Histoire de France. Ce sera la meilleure façon d'encourager les enseignants à introduire dans leur pratique des œuvres qui parlent des Noirs.    

N'apprenons pas seulement le passé des Français blancs ; apprenons aussi le passé des Français noirs ! Avec La France noire, inscrivons enfin l'œuvre des résistants et des combattants noirs dans l'histoire de notre pays et dans la culture de tous nos enfants. Votre adhésion ou votre contribution volontaire participera donc à promouvoir une plus grande fraternité dans notre pays.            

      Le président                                 La secrétaire et trésorière

     Raphaël ADJOBI                                    Françoise PARRY

REJOIGNEZ-NOUS ICI : lafrancenoire.com 

courriel : lafrance.noire@gmail.com                                Tel : 06.82.22.17.74

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26 août 2015

Tous Hyperactifs ? (Patrick Landman)

                                                Tous hyperactifs ?

                                                   (Patrick Landman)

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            Souvenons-nous de cet homme politique français qui, du haut de son piédestal républicain, proposait que l'on cherchât dès les petites classes de nos écoles les signes annonciateurs de la violence dont fait preuve la jeunesse de notre époque. Nous savons trop bien que ce discours suscita beaucoup d'émoi et d'indignation. Mais à regarder les choses de près, cet homme ne faisait en fait qu'appliquer aux ressentiments de la jeunesse face à la surdité des autorités politiques devant ses maux une démarche déjà en usage dans le monde médical : il s'agit du surdiagnostic des troubles psychiques et leur surmédicalisation ou surtraitement chimique, qui constitue un problème grave. 

            Aujourd'hui, on voudrait médicaliser tous les comportements, tout soigner par des psychotropes : la mélancolie, le manque d'estime de soi, un lien affectif trop prononcé ou pas assez. Suite à ces pseudo-maladies mentales liées à l'humeur, voici que depuis quelques années nous assistons à une épidémie d'hyperactivité chez l'enfant. Tout enfant quelque peu agité ou instable, impulsif, inattentif, étourdi ou tête-en-l'air est aussitôt qualifié d'hyperactif. Or, dans le langage médical, l'hyperactivité est une maladie psychiatrique nécessitant un traitement approprié. 

            Force est donc de constater que cette qualification hâtive du comportement des enfants conduit les adultes à deux attitudes abusives graves : premièrement, ils font de toute « immaturité banale à un âge donné un trouble psychiatrique qu'on traite avec des médicaments au lieu de laisser simplement l'enfant grandir ». Deuxièmement, ils soumettent tout enfant agité à un traitement médical fait de psychotropes qui les abrutissent en lieu et place de l'éducation rigoureuse adéquate qui aurait canalisé les caprices et les débordements de son âge. Combien de jeunes enfants dont les parents sont souvent absents, trop occupés ou en instance de divorce se retrouvent chez les médecins parce que devenus impossibles à gérer ? Là où la bonne éducation fait défaut, où les problèmes sociaux, pédagogiques et psychologiques font leur nid, on a immédiatement recours aux médecins et à leurs prescriptions de traitements chimiques. 

            Et c'est justement l'attitude des médecins et surtout des industries pharmaceutiques que ce livre dénonce avec force. Celles-ci s'arrogent le pouvoir de baisser ou d'augmenter le seuil d'entrée dans des prétendues pathologies selon le bénéfice qu'elles attendent des produits lancés sur le marché. Et elles incitent les médecins à se rendre complices de leurs stratégies commerciales. Pour emporter l'adhésion du lecteur, Patrick Landman analyse certaines conclusions des chercheurs qui alimentent les fonds de commerce des industries pharmaceutiques, afin de montrer qu’elles n’ont aucun fondement scientifique, et que le TDAH* est une pseudo-maladie.

            Tous Hyperactifs est certes un livre technique vu le domaine qu’il aborde. Cependant, ses analyses claires et limpides le rendent accessible à un grand public.

* TDAH : trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité.

Raphaël ADJOBI

Titre : Tous hyperactifs ? 218 pages

Auteur : Patrick Landman

Editeur : Albin Michel, 2015         

13 août 2015

Amour, Colère et Folie (Marie Vieux-Chauvet)

                                    Amour, Colère et Folie

                                        (Marie Vieux-Chauvet)

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            Ce livre est assurément le cri de l'âme haïtienne qui, traversant ses entrailles marquées par toutes les dictatures – particulièrement celle de François Duvalier (1957 - 1971) – et les humiliations successives dues aux antagonismes raciaux hérités de l’esclavage, nous parvient par la plume douloureusement troublante de Marie Vieux-Chauvet (1916 - 1973). C'est un livre en trois parties parcourant les trois thèmes qui en constituent le titre. Nous sommes ici loin de l’image d’Epinal de la première république noire du monde qui berce notre imaginaire.

                                               Premier livre : AMOUR          

            Amour nous permet de découvrir toutes les facettes de la société haïtienne du milieu du XXe siècle. La complexité de cette société apparaît d'abord dans la vie amoureuse ou sentimentale des trois sœurs Gramont – huit ans de différence entre chacune d'elles – sous le toit desquelles se déroulent les événements.

             Félicia vient d'épouser Jean Luze, un jeune français mystérieusement arrivé sur l'île et travaillant pour une firme américaine. Mais voilà que sa jeune sœur Annette, vingt-trois ans, s'est mise dans l'idée de le séduire à tout prix. Quant à Claire, l'aînée, trente-neuf ans, parce qu'elle n'a jamais été mariée personne ne la soupçonne d'aimer un homme. Par ailleurs, Claire est noire alors que ses deux sœurs sont des « mulâtresses-blanches ». Et dans cette société haïtienne de cette époque où la couleur de la peau détermine le rang, elle est à la fois la domestique et la maîtresse de la maison familiale héritée de leurs parents défunts, accomplissant les travaux les plus fastidieux et gérant le train-train quotidien de la fratrie. Evoluant dans la totale indifférence de ses sœurs, Claire prépare savamment sa vengeance. Car, dans le secret de son cœur, elle aime passionnément Jean Luze. 

Parallèlement à ce récit des passions qui agitent le cœur des sœurs Gramont, Amour – en fait le journal intime de Claire – est  surtout la peinture sociale d’Haïti telle qu’elle n’a jamais été portée à la connaissance du monde. Une société qui, après l'occupation américaine et la politique de désoccupation continue à « vivre en plein XXe siècle ce qu'à connu la France de Louis XVI » ; une société où l'on se poudre et gémit de voir son teint brunir, où l'on s'habille comme les femmes des salons des siècles passés ; une société où « les classifications sociales (sont) basées sur la couleur de la peau »,  où les familles déchues et celles qui prospèrent sur leurs cendres se livrent « une guerre froide de ressentiments, de rancunes et de haines ». Amour un est témoignage déchirant sur les humiliations et les souffrances que le monde blanc inflige chaque jour au Noir par les préjugés qu'il a construits, la peinture d'une société où le Noir a le sentiment d'être dans un esclavage à domicile. 

                                               Deuxième livre : COLERE 

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            Colère est le récit captivant d'une injustice, de la dépossession que vivent le vieux Claude Normil et sa famille qui voient leur espace vital – limité à leur maison avec son jardin – se réduire quotidiennement par la volonté des nouvelles autorités. C'est le tableau d'une société où les méprisés d'hier parvenus au pouvoir se montrent impitoyables, voire inhumains, poussant les mendiants tenaillés par la faim à « moucharder, à pactiser avec le diable ». C'est connu, « les faibles ne se sentent forts que la main sur une arme ; les êtres inférieurs aussi ». Mais c'est au moment où la famille va tenter désespérément d'arrêter la machine infernale que l'insoutenable apparaît sous la forme d'une proposition sordide.          

            Assurément, il faut être au fait de certaines pratiques particulièrement malhonnêtes des autorités des Etats, les avoir accomplies ou subies, pour les exprimer avec cette séduisante justesse. On lit Colère la gorge nouée, le cœur plein de mépris et de haine pour les bourreaux usurpateurs. C'est un récit qui ne se raconte pas, il se vit. Sa compréhension ne passe pas par l'esprit mais par les sens.

                                               Troisième livre : FOLIE

            Barricadé chez lui comme au fond d'un trou sans air, René, un métis, est plongé dans une profonde terreur parce que visiblement sa maison est environnée d'une milice qui a pris possession de la ville, semant partout la désolation et persécutant les poètes dont le crime est de « parler français et écrire des vers ». Une milice qui a tout l'air d'une société de diables « ni noirs, ni blancs, ni jaunes. Incolores ! Comme le crime ». Dans son abri viennent se refugier tour à tour André, Jacques et Simon – un Français blanc – tous des poètes quelque peu ivrognes, « sous-alimentés et méconnus » comme lui. De quoi ces mal-aimés sont-ils coupables ? « Si Jésus a été mis à mort, c'est qu'il disait quelque chose de plus [...] Qu'avons-nous dit ou fait de plus que les autres ? » se demande René. Comment sortir de cet enfer ? En face, par un orifice de la porte, il voit la maison de Cécile dont il est amoureux. Il lui semble qu'elle tente désespérément de lui venir en aide. 

            Folie est un récit énigmatique, démentiel et angoissant qui finit par être drôle.  Une histoire de fous ! se dit-on en le lisant. En effet, la hantise de la persécution que vit René et qu'il arrive à partager avec ses acolytes oscille constamment entre la démence et la vérité, entre la divagation et la réalité déjà soulignée dans Amour. 

            Folie est un récit qui semble suggérer une réflexion sur la place du poète dans la société. Ne serait-ce pas aussi une réflexion sur la place du métis, coincé entre le Blanc et le Noir, dans ces sociétés caribéennes où il est accusé de profiter des miettes du premier et paraît ainsi privilégié ?    

L'unité des trois livres : Amour, Colère et Folie est donc un ensemble de trois récits qui fonctionnent totalement ou partiellement – pour  les deux derniers – comme un huis-clos subissant le poids du monde extérieur. Un monde extérieur fait d'humiliations et de brutalités. En effet, si le premier livre accorde beaucoup de place au récit amoureux, il est surtout la critique du colonialisme et de sa main manipulatrice qui produit les nègres-colons ; ceux-ci « choisis en raison même de ce qu’ils représentent » – des gens sans valeur – et qui se font les « représentants de la haine et de la violence » qu’aucun honnête homme ne peut tolérer. Dès lors, ces humiliations et ces brutalités, que l’on retrouve dans les deux derniers livres, n’apparaissent que comme les conséquences de ce constat affligeant.

   ° Publié par Gallimard en 68 et jamais distribué - dictature des Duvalier oblige - ce livre a logtemps circulé sous le manteau en photocopies. Vous lirez avec intérêt la note introductive.  

Raphaël ADJOBI  / La reprise intégrale de ce texte est interdite.

Titre : Amour, Colère et Folie, 499 pages

Auteur : Marie Vieux-Chauvet (1916 - 1973)

Editeur : Zulma, 2015

     °Postface de Dany Laferrière (de l'académie française)  

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