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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
8 décembre 2018

A propos de la restitution à l'Afrique de ses œuvres d'art (par Raphaël ADJOBI)

  A propos de la restitution à l'Afrique de ses œuvres d'art 

Masque XIIe siècle - Nigeria

            Un an après le discours de Monsieur Macron à Ouagadougou en novembre 2017, plus personne ne se pose la question de savoir s'il faut ou non restituer les œuvres d'art africaines qui font les beaux jours de nos musées ou que nous entassons orgueilleusement dans les sous-sols de ces institutions. Aujourd'hui, il est plutôt question des moyens à mettre en œuvre pour les rendre à leur pays d'origine, et à quel rythme. Remarquons en passant que dans un pays dit démocratique comme la France où nous avons le grand défaut de croire qu'une fois qu'une loi est votée ou qu'une décision est prise, elle est définitive, il a suffi que le président exprime sa volonté personnelle pour que toutes les lois de la République convergent à la satisfaire. Il y a quelques décennies déjà, il a suffi que le président Jacques Chirac exprime sa volonté de voir les anciens combattants de l'empire colonial jouir enfin de la même pension que leurs frères d'armes blancs pour que les lois anciennes deviennent caduques. Même si la décision ne sera effective que sous le mandat de Nicolas Sarkozy. En clair, en France, ce n'est pas la raison et la réflexion des élus qui guident la république dite démocratique mais la force de la parole du président.

            Si le principe de la restitution de ses œuvres d'art à l'Afrique est désormais acquis, il convient tout de même de reconnaître que le débat qu'il a suscité,  avant et après le discours de Ouagadougou, a fait apparaître une évidence : le caractère vandale de l'action coloniale française en Afrique ! En effet, plus jamais, aucun adulte, aucun enfant voyant des arts africains dans un musée ne pourra dire que ce sont des biens français. Désormais chacun sait que ces objets sont le fruit d'un vol planifié par l'action dite civilisatrice de la colonisation française qui s'est appliquée à détruire tout ce qui n'était pas à son goût.

Figure de reliquaire - Kota, Gabon

            Mais au-delà de ce constat indéniable, il convient de dire ici combien il est indigne - pour ne pas dire honteux - pour la grande majorité des Français qui se sont exprimés sur ce sujet d'avoir fait preuve d'un manque de bon sens élémentaire. Quelle honte d'avoir vu s'étaler çà et là cette suffisance qui nous fait croire que nous sommes la mesure de toute chose et que par conséquent nos règles sont universelles et exigent que tout le monde s'y plie ; particulièrement les Africains ! Quelle honte de qualifier de "biens inaliénables" des œuvres que nous savons volées ou mal acquises ! Comment des œuvres volées ou que l'on prétend, sans preuve matérielle, avoir achetées à l'époque coloniale peuvent-elles entrer de manière légale dans les musées nationaux ?  Quelle honte de voir des voleurs rassemblés discutant pour savoir si leurs règles dites républicaines et démocratiques les autorisent ou non à restituer à autrui ce qu'ils lui ont pris ! Et de quel droit se permettent-ils de discuter de ce que l'Afrique fera de ses œuvres une fois qu'elle les aura recouvrées ? Toute une génération d'hommes et de femmes est incapable d'interroger l'histoire pour former son jugement : en 1815, après la défaite de Bonaparte, le Louvre qui avait pris le nom de Musée Napoléon en 1802 et s'était enrichi du butin des guerres avait dû alors restituer leurs biens aux états spoliés avec quelques grincements de dents dans les hautes sphères de l'Etat.       

            Il est certain que le débat franco-français hallucinant autour de la restitution des œuvres d'art africaines a renvoyé quelques rares personnes pleines de bon sens - et du sens de l'histoire aussi - à la fameuse Controverse de Valladolid, au XVIe siècle ; controverse durant laquelle toutes les éminences grises de l'Eglise catholique - pour ne pas dire d'Europe - s'étaient réunies pendant deux mois pour réfléchir à la question de savoir si les autochtones des Amériques étaient oui ou non des êtres humains, s'ils avaient une âme, s'ils descendaient d'Adam et Eve comme les Européens, et enfin s'ils avaient le droit de jouir d'une totale liberté hors du joug de l'esclavagisme.

            De toute évidence, hier comme aujourd'hui, pour beaucoup les Africains ne sont pas encore entrés dans l'humanité. Ainsi, pour tout ce qui concerne leur droit, il faut un débat entre hommes blancs. Hier comme aujourd'hui, le principe des droits de l'homme reste à géométrie variable aux yeux des Blancs quand il s'agit de l'appliquer aux Africains.

Raphaël ADJOBI 

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Commentaires
S
Bravo, Liss ! C'est exactement le contenu de la justification de la supériorité de l'homme blanc par rapport au sauvage. Pour le sauvage des Amérique et de l'Afrique, l'or n'était qu'un objet d'ornement ; chose inadmissible aux yeux des Blancs. Le sauvage aujourd'hui c'est celui qui ne sait pas quoi faire de toute cette terre qu'il occupe alors qu'il pourrait en tirer un grand bénéfice selon les règles européennes.
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L
Je suis justement en train d'étudier "La Controverse de Valladolid" en ce moment avec ma classe de quatrième, comme il y a deux ans. Les arguments brandis alors sont encore les mêmes aujourd'hui. Les partisans de l'esclavage des Indiens justifiaient ainsi le traitement qui était infligé à ces derniers : la preuve que les Indiens étaient de race inférieure, c'est qu'ils n'accordaient pas de l'importance à toutes les richesses qui dormaient dans leur sous-sol. Les Occidentaux qu'étaient les Espagnols avaient raison de s'approprier ces richesses qu'ils exploitaient mieux que les autochtones qui les négligeaient. Aujourd'hui, on entend la même chose : les Occidentaux justifient leur appropriation des biens africains en expliquant qu'ils les mettent mieux en valeur, qu'ils s'en occupent mieux, l'Africain n'étant qu'un enfant qui n'a aucune conscience de la valeur des choses...
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