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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
20 février 2019

Des Marchés et des Dieux, comment l'économie devint religion (Stéphane FOUCART)

                         Des Marchés et des Dieux

                          Comment l'économie devint religion

                                       (Stéphane FOUCART)

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            Saviez-vous que la bourse de Paris dont l'architecture évoque une église ou un temple a été construite sur les ruines d'un couvent ? Saviez-vous que «la majorité des Bourses européennes bâties au XIXe siècle présentent peu ou prou des caractéristiques identiques - péristyle, fronton, plan quadrangulaire», ces mêmes signes extérieurs du sacré ? En partant de ce constat évident aux yeux de tous, Stéphane Foucart nous explique comment le dieu Marché - et non le dieu argent - a détrôné le Dieu de l'Eglise catholique qui a dominé l'Europe jusqu'au XVIIIe siècle après avoir lui-même détrôné les dieux romains.

            Devant cette évidente analogie entre le culte chrétien et la Bourse qui est le temple du dieu Marché, le lecteur ne peut que nourrir un ardent désir de comprendre. Et au fil des pages et des chapitres, notre curiosité est sans cesse renouvelée parce que nous avons le sentiment de découvrir les coins et recoins de la caverne d'Ali Baba. Ainsi, nous avons une explication claire du PIB (produit intérieur brut) - qui ne mérite absolument pas qu'on lui accorde l'importance qu'il a parmi nous - et une vision limpide des pratiques mises en place par les grands serviteurs des Bourses et des Marchés (Paris, Londres, New York, Tokyo...) pour faire entrer les pauvres et les secteurs de la vie ordinaire - eau, électricité, hôpitaux, enseignement, la poste - dans le marché de la consommation et donc de la croissance devenu le credo des économistes. Même le trafic d'organes humain est devenu un marché à conquérir pour nourrir la croissance et le PIB qui mesurent l'intensité du fonctionnement des Marchés.

            On découvre avec stupéfaction que détruire l'environnement, «abîmer le monde, le rendre moins accueillant génère automatiquement de la croissance» parce qu'il entraîne l'invention et la commercialisation de nouveaux produits pour la nourrir et entretenir les Marchés ; ce qui revient à dire que les écologistes sont des ennemis aux yeux des adorateurs de la Bourse et des grands serviteurs du Marché. Tous ceux qui ne reconnaissent pas publiquement qu'il n'y a pas de salut pour l'humanité hors du giron du Marché sont attaqués, dénigrés, excommuniés. Croire, c'est-à-dire effacer l'esprit critique, n'est-il pas la première caractéristique du fait religieux ? En effet, comme en religion, les économistes nous demandent de leur accorder notre confiance et de croire que le Marché est capable de faire des produits naturels en quantité finie sur notre terre des produits en quantité infinie ! Une prouesse qui relève du miracle ! Très vite, pour le lecteur, le CAC 40, le DOW JONES, le NASDAQ apparaissent comme un simple écran de fumée de l'encens des rites se rapportant à une autorité supérieure qui n'a «pas de visage, pas de parti [...] et pourtant (qui) gouverne le monde» (François Holland) : le Marché. 

Maurizio cattelan 1960 Bourse de Milan

            En lisant Des Marchés et Des Dieux, on retrouve le ton et la justesse des analyses de William Morris dans Comment nous vivons, comment nous pourrions vivre. A la fin du XIXe siècle, l'Anglais nous peignait le commerce mondial comme un monde de jeux où l'on parie sur les conquêtes et les défaites, un monde où les industriels organisent un véritable  «brigandage impuni et infamant» avec la complicité de leurs gouvernants. Avec Stéphane Foucart, c'est le dieu Marché et tous ses serviteurs qui sont mis à nu. En d'autres termes, le dernier confirme le premier en démontrant avec une agréable clarté  les mécanismes  qui alimentent les finances et contribuent à l'entretien de la splendeur des marchés. Cependant, si on quitte le livre de William Morris en se demandant à quel moment le riche sera-t-il satisfait de son sort pour ne pas s'enrichir davantage, on quitte celui de Stéphane Foucart en se demandant quel est le prochain dieu qui fera chuter le Dieu Marché de son piédestal pour prendre sa place ?

             °image : sculpture (1960) de Maurizio Cattelan devant la Bourse de Milan.            

Raphaël ADJOBI

Titre : Des Marchés et Des Dieux, comment l'économie devint religion, 253 pages.

Auteur : Stéphane Foucart

Editeur : Grasset, mai 2018.

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