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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
7 janvier 2020

Les activistes africains sont-ils crédibles ?

           Les activistes africains sont-ils crédibles ?

Les panafricanistes

            C'est à la fin de l'année 2010 et dans le courant de 2011 - suite à la déportation du président ivoirien, Laurent Gbagbo, au tribunal international de La Haye - qu'est véritablement né ce que tout le monde appelle aujourd'hui l'activisme africain. A ce propos, en juillet 2013, j'avais écrit dans un article devenu aussitôt célèbre sur Internet que "jamais, dans l'histoire, un leader noir n'a bénéficié d'autant de soutiens de la diaspora africaine et d'autant de sympathie de la part des populations d'Afrique noire". Après avoir cité des leaders africains morts dans le silence ou l'indifférence, j'avais conclu mon constat en ces termes : "durant ses 27 années de prison, jamais Nelson Mandela n'a bénéficié d'une telle sympathie populaire". Une vérité que personne ne peut réfuter sur le continent. L'activisme africain est donc récent ; et sa voix est celle de la jeunesse.

            Afin de ne pas paraître manipulé par quelques figures politiques africaines, très vite, l'activisme des jeunes va se développer autour d'un thème commun aux nations africaines plutôt qu'autour de tel ou tel leader politique qui serait porté comme étendard. En effet, les jeunes se sont fixé comme objectif de combattre le Franc CFA qu'ils ont d'ailleurs réussi à rendre impopulaire en moins de quatre ans. On peut donc leur dire bravo d'avoir compris qu'il leur appartenait de réaliser en terre africaine le combat littéraire des blogueurs et des médias de la diaspora !

            Cependant, force est de constater que presqu'aussitôt ces jeunes activistes se sont rendu compte du poids de la réalité politique du terrain sur lequel ils mènent leur combat contre cette monnaie coloniale qui a gardé toutes ses caractéristiques ou tous ses pouvoirs de prédation de la vie économique d'une quinzaine de nations au sud du Sahara. Ils ont très vite compris que les hommes politiques en place sont autant d'adversaires que l'institution monétaire contestée et les dirigeants français qui la tiennent en main. Aussi, comme pris au piège de leur indépendance politique, ils se voient obligés d'invoquer des noms d'illustres dirigeants africains morts pour avoir tenté de s'affranchir de la domination politique et monétaire du Franc CFA. Et dans leur liste des hommes politiques ayant combattu cette monnaie imposée à l'Afrique francophone, l'absence d'un homme surprend et même choque l'entendement : Laurent Gbagbo n'est jamais cité ! Un vrai parricide, selon nous.

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            Mais, en prenant un peu de recul, tout s'éclaire. Cette absence de référence à Laurent Gbagbo, ce mutisme sur les discours du prisonnier de la CPI quant à l'indépendance des institutions politiques africaines ne peut s'expliquer que par le parcours politique de cette jeunesse africaine qui découvre l'activisme. En effet, il suffit de jeter un coup d'œil en arrière pour constater qu'entre 2000 et 2011, presque toute la jeunesse des pays africains était nourrie de la haine de la Côte d'Ivoire et de celui qui l'incarnait. Toutes les analyses, toutes les explications politiques et juridiques avancées par Laurent Gbagbo pour ouvrir les yeux à l'Afrique étaient vues par cette jeunesse comme dilatoires. Seuls les Togolais et les Camerounais constituaient avec les partisans ivoiriens de ce président le noyau qui réclamait le respect des institutions des peuples du continent. Même l'appel d'Akra du président Obama à des institutions fortes pour une Afrique forte leur a semblé une recommandation mal venue. En fait, la jeunesse africaine de ces vingt dernières années qui constitue les activistes d'aujourd'hui est de toute évidence honteuse de son passé naïf, de son passé anti-Gbagbo. Toute cette jeunesse des pays du Sahel qui a conspué Laurent Gbagbo durant des années le traitant de xénophobe, cette jeunesse qui s'est délectée de la soupe françafricaine que chacun de leur président leur servait avec grandes louchées, est aujourd'hui honteuse de son passé mais incapable de faire son mea culpa. Alors, elle détourne son regard de Laurent Gbagbo, cherchant à l'éviter. Aujourd'hui, la jeunesse africaine sait qu'on ne peut efficacement lutter contre le franc CFA que si les pays africains sont dirigés par des présidents qui ne sont pas choisis par la France ! C'est aussi simple que cela. Elle sait que le succès de ce combat dépend de la qualité des pouvoirs qui seront installés sur le terrain africain. Rien ne sert de vociférer contre la France si les gouvernants travaillent pour la France plutôt que pour les pays africains. Sans des hommes de vision et de convictions, tout effort sera vain !         

            Disons donc que les jeunes activistes africains ont tort d'omettre le nom de la dernière victime - encore vivante - du combat contre le pouvoir du Franc CFA tout en invoquant ceux qui ne sont plus de ce monde. Puisque tel est leur comportement criminel, je voudrais leur rappeler qu'à l'époque de Maya Angelou - comme elle le dit elle-même dans Tant que je serai noire - Patrice Lumumba, Kwamé N'Krumah et Sékou Touré qui formaient le triumvirat sacré auquel les Noirs américains vouaient un culte n'étaient pas tous morts. Des Américains et des Antillais ont côtoyé Kwamé N'krumah et Sékou Touré comme des pères et des aînés vivants constituant avec eux le front anti-impérialiste. Il n'est donc pas nécessaire que les pères ou les aînés meurent pour être hissés au rang de guides sacrés. Il faut savoir les reconnaître et les rejoindre quand ils sont encore vivants.   

            Je redis donc aux jeunes activistes africains, qui semblent affectionner le culte des morts, que la vigilance et la réaction franche et massive sont encore nécessaires malgré l'apparente fraternité universelle dont on nous berce et qu'il serait encore bon de faire leur ce précieux conseil : vous ne serez les dignes successeurs de vos aînés que si vous agissez pour "faire savoir au monde qu'on ne peut plus tuer des leaders noirs dans le secret". Si on les tue, si on les embastille ou les condamne injustement sans que vous réagissiez, vous êtes responsables du mal qui leur est fait ! Si vous vous déclarez grands admirateurs des figures illustres de la cause des Africains mais avez tendance à montrer de l'indifférence à l'égard des leaders actuels qui souffrent pour avoir poursuivi leur combat, alors dites-vous que vous n'êtes pas crédibles.

Raphaël ADJOBI

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