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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël

6 septembre 2017

L'ivresse du sergent Dida (Olivier Roger)

                           L’ivresse du sergent Dida

                                                   (Olivier Rogez)

L'ivresse du sergent Dida

                Voici un agréable roman au ton résolument politique ! Ici, il n’est point question de soldat traquant l’ennemi sur un champ de bataille, s’attaquant aux femmes et aux enfants dans les villes et les villages envahis, mais de l’ambition politique qui pousse au pouvoir et des difficultés que l’on éprouve à le conserver.

            Dans un pays africain où, comme partout ailleurs sur ce continent, la France tente par des barouds d’honneur d’entretenir sa belle image en déclin rendant toute ambition nationale vaine, les soldats au pouvoir végètent dans une atmosphère de corruption leur conférant un semblant de pouvoir sur les plus faibles. Comme partout ailleurs dans le monde où il n’y a pas de vie politique véritable, quand le chef tout puissant vient à disparaître, s’expriment souvent des ambitions insoupçonnées. Et dans une telle circonstance, il n’est pas étonnant que la France cherche à faire en sorte que rien ne change dans ses affaires avec ce pays en misant sur des hommes qui lui conviennent.

            Mais voilà que le jeune sergent Dida, jusque là destiné à des tâches subalternes, décide de saisir l’occasion pour prendre le pouvoir avec l’aide d’un riche homme d’affaires dont le rêve se résume à « être en haut, et regarder les autres en bas qui t’envient à crever ».

            Bien entendu, la France, l’Onu et la communauté internationale se mettent en branle devant un sergent Dida ahuri de voir son petit pays poussiéreux considéré comme la prunelle de leurs yeux. Et c’est à partir de ce moment que l’auteur délivre les plus belles pages du livre et cela jusqu’à son terme ! Le récit et le discours politique deviennent alors éclatants de justesse, magnifiques ! Après Les Montagnes bleues de Philippe Vidal, c’est assurément le deuxième roman français montrant une vision politique claire pour les opprimés.

            Pour les puissances occidentales et le FMI, tant que le capitaine Dida ne touche pas à leurs intérêts, tant qu’il ne change rien à ce qu’ils ont contribué à mettre en place et qui fait partie de leurs certitudes, il peut garder le pouvoir. Malheureusement, nous savons qu’aucun pouvoir adossé à une armée non républicaine – non formée dans les écoles et selon les valeurs de la République – ne peut prétendre être républicain. Par conséquent, bientôt, le pouvoir vacille et les puissances étrangères se frottent les mains avec l’espoir de voir le pays dirigé par quelqu’un qu’ils connaissent et à qui ils auront remis les rênes. Les certitudes toujours !

            Mais contre toute attente, le capitaine Dida prône une révolution et se met à parler de dignité ! Voilà que contrairement aux autres Africains qui accèdent au  pouvoir par la magie du verbe mais ne savent quel chemin prendre pour sortir leur pays de son état lamentable pour accéder au rêve, Dida veut transformer son rêve en réalité. Voilà donc que « l’engrais organique issu de la putréfaction du régime faisait fleurir l’espoir d’un avenir meilleur, ou du moins décent ». Après tout, l’Australie n’a-t-elle pas été construite par des bagnards issus d’une société anglaise dont ils étaient la lie purulente ? Et « l’Amérique n’avait-elle pas été construite par des mafieux devenus de respectables hommes d’affaires ? » Avec la révolution, Dida devient populaire. Mais pour les soldats, c’étaient eux qui comptaient ; pas le peuple. Et comme en Afrique il suffit de brandir le chiffon rouge de l’ethnicisme ou du tribalisme pour que le monde entier vous donne raison, tous ceux qui voulaient sa place commencèrent à chercher dans leur passé un mot, une phrase, un geste, un regard qui serait subitement le signe de leur rejet et de celui de leur ethnie.

            Les analyses du rêve de Dida et des certitudes européennes représentées par l’ambassadrice de France permettent à l’auteur de rédiger des pages politiques magnifiques que chacun gagnerait à découvrir pour comprendre les relations entre pouvoir dominant et pouvoir dominé. De toute évidence, comme nous, Olivier Rogez a de l’admiration pour ceux dont « l’audace et le courage insensés (…) résident dans la volonté farouche de remettre en cause l’état des choses » françafricaines.

Raphaël ADJOBI

Titre : L’ivresse du sergent dida, 312 pages.

Auteur : Olivier Roger

Editeur : édit. Le passage, 2017

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24 août 2017

Le ventre des femmes (Françoise Vergès)

                                  Le ventre des femmes

                                 capitalisme, racialisation, féminisme

                                                     (Françoise Vergès)

Le ventre des femme

            Le ventre des femmes de Françoise Vergès est clairement un cri d’indignation face à la cécité et au mutisme dont le Mouvement Féministe Français (MLF) a fait montre au moment où l’Etat infligeait injustices et souffrances aux femmes d’outre-mer. En effet, dans ce livre, l’auteur « cherche à introduire des voix dissonantes dans le récit du féminisme » français que l’on a tendance à trop vite encenser.

            Au milieu du XXe siècle, lors de la départementalisation des anciennes colonies, l’Etat s’est trouvé face à une situation qu’elle considérait comme un problème épineux : entre ces terres lointaines et l'hexagone, l’inégalité héritée du régime esclavagiste puis colonial était extrêmement profonde ! Selon nos gouvernants, leur classement en départements aurait coûté trop cher. Il fallait donc remettre à plus tard sinon à jamais leur développement ; surtout si ce développement pouvait aiguiser l’esprit de liberté ou d’indépendance que clamaient certaines voix. Ils décidèrent alors de s’occuper financièrement de la misère de l’hexagone tout en négligeant sans vergogne celle des outre-mer.

            En attendant de penser peut-être un jour à nos territoires lointains aux besoins apparemment effrayants, nos gouvernants fourmillent d’idées pour donner l’impression que l’on s’occupe d‘eux. Et c’est l’île de la Réunion qui va leur servir de laboratoire. On pense un temps à déplacer les populations les plus pauvres vers l’Afrique et plus particulièrement vers Madagascar. Finalement, l’on choisit une solution plus radicale : une politique antinataliste limitant durablement la population non blanche de l’île. On procède alors à l'échelle industrielle à des avortements forcés et à la ligature  des trompes des femmes. Et tout cela se déroule dans le mutisme total des féministes françaises lettrées et cultivées qui découvraient ces traitements racistes et inhumains dans les journaux  alors même qu’en métropole elles luttaient pour obtenir le droit à l’avortement, le droit de disposer de leur corps, le droit de gérer leur ventre. Le ventre des négresses était indigne de leur combat.

            Le crime du féminisme français que dénonce ici Françoise Vergès se résume donc au fait que les femmes blanches de l’hexagone ont totalement adhéré à la politique de l’Etat qui a découpé la France en deux espaces : un « là-bas » et un « ici » ! En outre-mer, on pouvait violer les « droits de l’homme » et en France hexagonale ces droits étaient protégés. Mais ce que l’auteur s’applique à faire découvrir au lecteur, ce sont les raisons qui expliquent cette attitude des femmes blanches françaises qui n’ont jamais pris en considération le racisme et le colonialisme dont d’autres françaises étaient les victimes. Le Mouvement féministe français a volontairement fermé les yeux sur le fait qu’une femme française « colonialisée » et « racisée » a des problèmes spécifiques. Le MLF n'a pas voulu voir que l'Etat français avait une politique différente à l'égard de la femme selon la couleur et la géographie.

Raphaël ADJOBI

Tire : Le ventre des femmes, capitalisme, racialisation, féminisme, 229 pages.

Auteur : Françoise Vergès

Editeur : Albin Michel, 2017

25 juillet 2017

La ligne idéologique financière et colonialiste d'Emmanuel Macron enfin tracée !

    La ligne idéologique financière et colonialiste

                   d'Emmanuel Macron enfin tracée ! 

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            Compte tenu de sa soudaine irruption sur la scène politique nationale puis internationale, nombreux sont les Français et les étrangers qui n’avaient aucune opinion sur M. Emmanuel Macron. Alors tous évitaient sagement de le juger avant de le voir à l’œuvre ou tout au moins de connaître ses pensées.

            Pendant la campagne présidentielle, la manière dont il avait fermement fait taire la polémique née à droite et à l’extrême-droite autour de sa déclaration selon laquelle la colonisation est un crime contre l’humanité avait séduit. En effet, après avoir ouvertement clamé que sa génération ne pouvait vivre à l’ombre d’un traumatisme qu’elle n’a pas connu, il avait ajouté avec une rare franchise que « la colonisation a entraîné la négation du peuple algérien ; que cela a produit une guerre qui n’était pas digne de la France ».

            Avec ces mots, Emmanuel Macron avait clairement semblé se situer aux antipodes des fiers héritiers du colonialisme français qui se croient obligés d’entretenir dans l’opinion publique une imaginaire supériorité sur les autres peuples. Dès lors, nous étions nombreux à penser que sa jeunesse serait pour notre pays un gage de probité intellectuelle et morale devant les drames humains, loin des discours coloniaux et paternalistes habituels.

            Mais voilà que très vite il aligne deux propos méprisants : « le kwassa-kwassa pêche peu ! il amène du comorien » et « dans une gare, on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien ».

            Si l’évocation du « kwassa-kwassa (qui) amène du comorien » nous a renvoyés au drame de Mayotte depuis qu'elle est séparée des Comores et rattachée à la France, tout le monde a semblé tomber d’accord pour qualifier son propos de plaisanterie de mauvais goût. Mais quand Monsieur Macron a opposé ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien, il nous a clairement placés en face d’une idéologie financière selon laquelle celui qui génère de l’argent est intéressant, et celui qui ne rapporte rien, n’est rien !

            Comment peut-on en France se taire quand un président dit qu’il y a parmi nous deux catégories de personnes, celles qui réussissent et celles qui ne sont rien ? Comment peut-on ne pas être convaincu que quiconque est capable de mépriser l’autre avec une telle violence est prêt à tous les maux, à toutes les entreprises funestes ? Nous n’avons pas attendu longtemps pour être éclairés sur sa vision de l’humanité. C’est lors du G20 qu’il va montrer à la terre entière qu’à l’ENA, de génération en génération, tout le monde trempe ses lèvres dans la même coupe et en ressort avec la même ivresse colonialiste.

            Evoquant les problèmes de l’Afrique – à ses yeux insurmontables – M. Macron dit, dépité : « quand des pays ont encore aujourd’hui sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien ! »

            L’omniprésence militaire française dans les pays francophones et les multiples coups d’Etat orchestrés dans de nombreuses contrées d’Afrique pour piller sans résistance leurs matières premières ne seront-ils donc jamais dans la bouche d’un président français comme les freins au développement de ce continent ? A dire vrai, d’un gouvernant à l’autre, d’une génération à l’autre, on évite d’évoquer les nécessaires mesures décolonisatrices pouvant générer un essor économique de l'Afrique francophone hors du giron de la France, parce que les ressources de ces anciennes colonies, on y tient !

            Voici d’ailleurs clairement énoncés par Just-Jean Etienne Roy, en 1860, les principes essentiels de la colonisation sur les terres lointaines et auxquelles nos dirigeants jurent fidélité à tout jamais. Aucun de nous ne doit se permettre de les ignorer, car le sous-développement de l'Afrique n'est pas "civilisationnel" comme l'affirme M. Macron ; il n'est pas  une condition ou une situation propre à l'Afrique.

            Selon Just-Jean Etienne Roy, depuis la fin de l’esclavage en 1848, la gestion de ses colonies des Amériques et de l’océan indien puis celles conquises en Afrique ont inspiré à la France des mesures suprêmes : outre le fait qu’elles doivent être pour les « produits du sol et de l’industrie de la mère patrie des débouchés […] constamment ouverts », il faut « favoriser l’agriculture coloniale, c’est-à-dire les denrées destinées à la consommation de la métropole ; exiger de ces établissements (colonies) qu’ils ne vendissent leur récolte qu’à la métropole ; et enfin leur interdire d’élever les denrées récoltées à l’état de produit manufacturé ». En d’autres termes, éviter l’industrialisation et donc le développement de ces colonies.

            Voilà donc clairement ce que sont les pays africains pour la France et les règles immuables auxquelles elle les soumet et qui les empêchent d’être véritablement indépendants et développés. Voilà pourquoi le rapport Vedrine affirme sans vergogne que « l’Afrique est l’avenir de la France ». On oublie d’ajouter que dans ce cas, l’Afrique n’a pas d’avenir pour elle-même par la seule responsabilité de la France. Car on ne peut être à la fois esclave et libre.

            Occultant cette réalité de fait, aujourd’hui comme hier, on ressort l’argument compréhensible par le commun des Français - qu'on prend pour un imbécile prêt à tout croire - on clame haut et fort que le problème de l’Afrique, c’est sa surpopulation ; une surpopulation qui serait incompatible avec le développement économique ! Pour M. Macron, la liberté des peuples africains à disposer d’eux-mêmes coûterait trop cher à la France. Rectifions ici sa grosse erreur concernant le taux de fécondité des Africaines : la moyenne n’est pas de 7 à 8 enfants, mais de 5 enfants en Afrique subsaharienne et de 4,7 sur tout le continent. Les Africains ont bien compris que ce qui coûterait trop cher à la France si elle établissait des relations normales avec leur continent, ce n’est pas nourrir le trop grand nombre d’enfants noirs mais perdre les gisements de pétrole, de  minerais en tout genre ainsi que les immenses plantations d’hévéa bien utiles pour ses industries automobiles. Les Africains savent aussi que leur continent deviendra bientôt l'un des plus grands marchés au monde grâce justement à la croissance de sa population et à l'augmentation de son niveau de vie. Et alors, comme la Chine et l'Inde, elle échappera à la petite France dont la population aura beaucoup vieilli. Elle aura alors oublié les siècles où l'esclavage la vidait régulièrement de ses forces vives. Est-il nécessaire de rappeler à M. Macron que la natalité en France n'est sur une courbe favorable que grâce aux Dom-Tom et notamment à l'immigration de l'Afrique Subsaharienne ? Ne voit-il pas que la population des pays d'Europe occidentale qui n'ont pas de régions ultramarines vieillit plus vite que celle de la France ? N'entend-t-il pas que partout on assure que l'immigration est une chance pour l’Europe devenue la Vieille parce qu'elle n'a pas su se renouveler ? Pour paraphraser Françoise Vergès (Le ventre des femmes), disons simplement que ce qui pourrait être analysé comme un apport d'énergie, une espérance, est transformé en une menace et un péril parce que l'Occident a peur que l'Afrique lui échappe. Oui, le discours de M. Macron traduit bien cette idée que pour les intérêts des capitalistes occidentaux « la fertilité des femmes du tiers-monde équivaut quasiment à une menace terroriste ».    

Les outre-mer savent que ce discours cache un crime en marche

            Si les propos de M. Macron visaient directement l’Afrique, nos compatriotes des outre-mer ont dû sentir leur cœur saigner. En effet, ils ont sûrement été replongés dans les décennies qui ont suivi 1946, année où le classement des colonies en départements suscitait des débats sur le coût de l’égalité entre ces territoires qui venaient de sortir de l'esclavage et l’hexagone. A cette époque, les hommes politiques avaient passé leur temps à réfléchir aux moyens de préserver les intérêts de la France dans ses anciennes colonies sans les développer ; c’est-à-dire en les laissant jouer leur rôle de colonies comme défini plus haut.        

            Bientôt, l’origine de tous les problèmes ou difficultés économiques de ces colonies fut trouvée ; et l’île de la Réunion fut montrée du doigt avant les Antilles : « le problème n°1, c’est la démographie, le grand mal de ce pays », assura Michel Debré en 1969 avant de souligner plus tard (1974) « la fainéantise alimentée par la naissance d’enfants nombreux sur cette île de l’océan indien ». C’était, comme le montre excellemment Françoise Vergès dans Le ventre des femmes, le bel argument sans cesse répété « pour justifier le non-développement économique, (le) contrôle des naissances et (l’)organisation de la migration ».  

            Afin de guérir la Réunion et les Antilles du fléau de la surpopulation – ce mal imaginaire français – des solutions définitives furent préconisées : l’avortement forcé de milliers de femmes suivi de la ligature de leurs trompes, et l’émigration des populations de ces îles vers la métropole. L’histoire des enfants de la Creuse et du BUMIDOM est aujourd’hui entrée dans la mémoire collective comme un crime de l’Etat français. Mais ce que l’on n’a jamais dit, c’est que le vide créé dans ces îles a été comblé par une population blanche métropolitaine.

            Les propos de M. Macron rappellent donc étrangement ceux de M. Debré. Préparerait-il aussi l'immigration des populations africaines vers la France pour montrer qu'elle est généreuse ? De même que la question de la forte natalité dans les outre-mer aurait empêché la France de développer la Réunion et les Antilles, de même aujourd’hui cet argument sert de motif pour ne pas développer Mayotte et la laisser entre les mains des ONG qui en font peu à peu un paradis sexuel. Dans la même logique, la transformation de la démographie en « problème » central du sous-développement de l’Afrique voudrait permettre aux gouvernants français d’éviter d’affronter les questions politiques et sociales de ce continent. Et pourtant, ils savent comme nous qu’on ne peut à la fois entretenir une armée dans un pays étranger, battre la monnaie de ce pays pour mieux le confisquer, se mêler de la manière dont il doit être gouverné, et accuser la fécondité des femmes de le rendre inapte à toute forme de développement.

            Elle est absolument odieuse cette France de M. Macron qui fait du contrôle du ventre des femmes – pour reprendre l’expression de Françoise Vergès – l’argument essentiel de sa mainmise sur ces anciennes colonies. Elle n'est pas belle cette France qui pense que l'Afrique est juste bonne à traire, qu'il est impossible de la développer. N'oublions jamais que quand les gouvernants d'un pays commencent à pointer du doigt un mal imaginaire dans un corps étranger, le crime n'est pas loin.

                  Raphaël ADJOBI

avec la collaboration de Luis-Nourredine PITA

9 juillet 2017

Guerre et sexe ou la guerre des hommes et le sexe de la femme (Raphaël ADJOBI)

                                     Guerre et sexe

              La guerre des hommes et le sexe de la femme

Le sexe de la femme

            Dans le film-documentaire "Des voix au-delà de la censure" de Mor Loushy et Daniel Sivan (2015) retraçant la victoire en six jours d’Israël sur l’Egypte en 1967, on entend un jeune soldat israélien crier : « la première femme que je rencontre, je couche avec elle, même si elle a 90 ans ! » Le sexe de la femme comme moteur d’action du soldat – hautement et clairement exprimé par ce jeune homme – n’est pas propre à un peuple ni à une époque. Ce n’est pas non plus un simple écart de langage d’un soldat surexcité. Si la femme n’est pas souvent le sujet des guerres qui ont toujours secoué le monde, elle a cependant toujours été dans le cœur et l’esprit de l’homme au moment de brandir l’épée ou de sortir le fusil contre l’ennemi.

            Toutes les guerres menées dans les contrées lointaines par les empereurs, les rois et les chefs de gouvernement, toutes les croisades qu’ils ont organisées contre leurs ennemis avaient trois objectifs : affirmer la supériorité de leur force pour justifier par la même occasion leur droit ; piller les biens de l’autre tout en détruisant ou en flétrissant les marques de sa gloire ; enfin, jouir impunément du corps des femmes. Avant de se rapporter aux relations sexuelles entre le soldat et sa compagne à son retour de la guerre, au XIXe siècle, l’expression « le repos du guerrier » était depuis fort longtemps une réalité sur le lieu même de la victoire sur l’ennemi.

            Le meilleur exemple de cette pratique que nous fournit l’antiquité se trouve dans L’Iliade d’Homère. Dans ce récit, Briséis est la récompense offerte à Achille par l’armée grecque après une victoire sur l’ennemi. Cette captive dont il tombe amoureux va lui être ensuite retirée et attribuée à Agamemnon pour respecter la parole de l’oracle. S’estimant spolié, Achille refuse de combattre aux côtés des Grecs commandés par Agamemnon.

            Hier comme aujourd’hui, il est facile d’imaginer que les hommes qui partent loin de chez eux pour plusieurs mois, voire des années, éprouvent le besoin de s’unir aux femmes qu’ils rencontrent. D’autre part, s’agissant le plus souvent de femmes et de filles des vaincus, le droit de les posséder s’impose automatiquement dans l’esprit des vainqueurs investis du pouvoir de vie ou de mort. Une volonté de puissance qui fait du sexe de la femme  un élément du butin.

            Pourquoi les royaumes des siècles passés parvenaient-ils aisément à lever d’immenses armées pour des combats lointains ? Pourquoi les jeunes gens s’engageaient-ils gaiement dans les armées napoléoniennes pour des expéditions lointaines ? Echapper à la misère ainsi que jouir du respect dû à l’uniforme étaient certes des arguments séducteurs et enthousiasmants. Mais l’aventure et ses récompenses en nature insoupçonnées étaient des moteurs d’actions qu’on apprend très vite. Ainsi, jusqu’au XIXe siècle, les armées européennes étaient constituées de mercenaires étrangers attirés par l’appât du gain. Même si, aujourd’hui, dans les nations modernes, c’est le devoir national qui s’impose aux recrus, les effets des guerres - et qui les motivent aussi - sont les mêmes que ceux des siècles passés : pillage des biens, destruction des signes du pouvoirs de l’ennemi et accouplement avec les femmes.

            Inutile de s’attarder sur les pillages qui sont choses connues de tous. Les multiples musées de France et d’Europe très riches en objets d'art africains, asiatiques et amérindiens sont l’œuvre des invasions coloniales ou des voyageurs cupides. Le musée du Quai Branly à Paris peut être considéré comme la reconnaissance officielle de cette pratique. Signalons que durant la guerre des Américains et des Anglais contre l’Irak, appelée guerre du golfe, les musées de ce pays ont été littéralement vidés par les Américains. Quelques années plus tard, c’est dans la discrétion que les objets volés ont été en grande partie restitués pour satisfaire la demande insistante de l’Irak de recouvrer son patrimoine artistique (Beaux Arts magazine, octobre 2013).

                                 Après les pillages, le sexe !  

            Laissons les pillages de côté et intéressons-nous plutôt au soldat et au sexe de la femme. Quand les occasions de défaire l’ennemi et d’abuser de ses femmes et de ses filles se font rares, les armées étrangères organisent de véritables curées ! Un couple de soldats français nous en a d’ailleurs fait un récit glaçant sur Internet. De jeunes filles recrutées dans le pays, ou dirigées vers les camps des soldats par des rabatteurs, sont livrées à la sexualité débridées des hommes. Tous les soldats ayant servi durant de longues périodes dans les contrées lointaines qui nieraient cela seraient des menteurs.

            Récemment, l’armée française a été accusée d’avoir profité de la détresse de jeunes africaines entassées dans des camps de refugiés. J’ai été surpris par l’indignation des imbéciles de tous bords : ceux qui jugeaient la chose impossible et ceux qui disaient être sincèrement horrifiés par un tel comportement. Quand on fabrique des armes pour aller faire la guerre loin de ses propres frontières qu’on oublie de protéger, on se met dans les meilleures dispositions pour être coupables de tous les maux ! En tout cas, chacun doit retenir que c’est une pratique ordinaire des armées étrangères de s’offrir le corps des filles et des femmes des vaincus ou considérées comme telles parce que placées sous leur protection. Les Français ne peuvent à la fois accepter que leurs soldats, dans la force de l’âge, demeurent des mois, voire des années, dans les pays africains et s’indigner quand ils couchent avec les jeunes femmes des pays qu’ils dominent de leur présence armée ! Porter l’uniforme militaire et posséder une arme sont les signes évidents d’un pouvoir absolu sur le corps de l’autre quand on est en terre étrangère. Le coup de feu et le coup de sexe sont deux pouvoirs que le soldat exerce alternativement selon les circonstances.

            Tout le monde devrait retenir que partout où il y a eu une concentration d’hommes, on a encouragé l’établissement de maisons de prostitution. A l’époque de l’esclavage - même si les colons pouvaient allègrement abuser des femmes noires - des prostituées européennes ont été envoyées dans les Amériques par les royaumes colonisateurs. Jeune homme, j’ai même vu dans le sud de la Côte d’Ivoire un village de travailleurs étrangers dans une plantation d’ananas disposant de maisons d’habitation de prostituées. Cette mesure était vivement conseillée aux grands planteurs d’ananas pour éviter les agressions sexuelles et les liaisons amoureuses avec les autochtones. C’est le même esprit qui prévaut en Europe où l’Onu n’envoie jamais de casques bleus africains. On se souvient aussi de la précipitation avec laquelle, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, la France renvoya les soldats africains chez eux, et avec quelle rigueur certains furent parqués dans un camp dans le sud. Si nos soldats aiment les missions de longue durée en Afrique, c'est parce que le repos du guerrier leur est assuré sur cette terre.

Raphaël ADJOBI    (Pour contacter l'auteur du blog, cliquer sur sa photo)

4 juillet 2017

La reine Ginga, et comment les Africains ont inventé le monde (José Eduardo Agualusa)

                                          La reine Ginga

                  et comment les Africains ont inventé le monde

                                 (José Eduardo Agualusa)

La reine Ginga

            En 1620, à vingt et un ans, le père Francisco José de Santa Cruz quitte son Pernambouc natal (une province du Brésil) pour rejoindre les frères jésuites à Sao Salvador du Congo dans la lointaine Afrique qui a vu naître sa grand-mère. Huit ou neuf mois après son arrivée, il entre comme secrétaire au service de dona Ginga, sœur du roi du Dongo, celle qui deviendra bientôt la « fameuse reine d’Angola qui terrorisait les Portugais ».

            Ce livre est une très belle immersion  dans les relations houleuses et belliqueuses que les royaumes portugais et hollandais ont entretenues au Brésil et en Angola à partir de la fin du XVIe siècle. En effet, s’il est vrai que ce récit se veut une histoire romancée de la vie politique de la reine Ginga et de ses relations avec les Portugais et les Hollandais qui se disputaient l’Angola durant son règne, il est surtout l’histoire de la colonisation de deux continents dont l’un est transformé en pourvoyeur de captifs et l’autre en broyeur d’esclaves.

            Les lecteurs apprécieront la distance constante que prend le narrateur par rapport aux préjugés européens sur l’Afrique et les Noirs. On pourrait croire que sous sa peau blanche, les sangs noir de sa grand-mère et indien de sa mère entretiennent en lui le scepticisme et le rationalisme et surtout un humanisme digne de celui de Montaigne qu’il lit avec délectation. Cependant, il est plaisant de constater que seules la sincérité et la pureté de son cœur le dirigent en toutes circonstances. 

            Grâce à l’absence de cupidité en son cœur – chose rare à une époque où négriers et « religieux ne s’intéressaient qu’au nombre de pièces qu’ils pouvaient rafler et envoyer au Brésil » - son regard distancié lui permet de se poser des questions pertinentes avec beaucoup de candeur et aussi de garder l’esprit analytique pour une meilleure connaissance de la réalité. Ainsi, les lieux communs sont éclairés et pulvérisés par des faits historiques et les discours coloniaux perdent tout leur sens devant les dictons et les fables qui rythment la pensée africaine qu'il découvre.

            On peut croire qu’en choisissant un héros candide et non point cupide, José Eduardo Agualusa a voulu aller au plus près de la vérité historique avec ce livre. Une belle façon de se débarrasser de l'habituel discours colonialiste européen. On y trouve d’ailleurs un très beau conte qui est une excellente réponse à tous les Européens qui, hier comme aujourd’hui, « pensent qu’ils ont le devoir de sauver l’Afrique », à tous les hommes politiques qui se font les fiers héritiers du colonialisme français au point de réclamer en ce XXIe siècle l’enseignement de ses prétendus bienfaits.

Raphaël ADJOBI

Titre : La reine Ginga, et comment les Africains ont inventé le monde, 232 pages

Auteur : José Eduardo Agualusa

Editeur : Editions Métailié, 2017.

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26 juin 2017

Quatre artistes congolais mourront-ils bientôt ?

Quatre artistes congolais (RDC) mourront-ils bientôt ?

                         ILS SONT LIBRES !! (2/07/2017)

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            Pour dénoncer les massacres dans deux régions de leur pays, quatre artistes de la République Démocratique du Congo se sont allongés sur un trottoir de la ville de Goma. Trois d'entre eux étaient couverts de peinture rouge symbolisant le sang des victimes.

            Cette simulation d'une mort violente n'a pas été du goût des représentants de l'autorité publique. Les quatre artistes ont été mis sous les verrous. Cependant, contre toute attente, les personnes chargées de les emmener leur ont laissé le temps de dénoncer l'injustice qui les frappe et aussi la complicité de tous ceux qui se contentaient de les filmer ou de les enregistrer sans rien faire et sans rien dire.

            C'est vrai qu'aujourd'hui, partout dans le monde, on préfère filmer une noyade plutôt que de plonger au secours de la victime ou appeler les pompiers ; on préfère filmer la voiture qui fonce sur un piéton plutôt que de l'alerter du danger ; on préfère filmer un animal qui dévore un enfant plutôt que de l'abattre.

            Si ces images doivent à leur tour déclencher des actions violentes contre l'injustice ou le crime, alors elles sont nécessaires. Si elles visent à récolter des indignations sans lendemain réparateur, alors les auteurs de ces images qui ne les exploitent pas dans leur plénitude apparaîtront sûrement comme des complices. Celui qui dénonce doit être le premier à agir ! Sinon, on comprend que sa seule ambition, c'est la recherche de la notoriété.

            Nous attendons que celui qui a publié cette scène organise le soutien populaire des artistes avant qu'ils ne connaissent la mort !  

Raphaël ADJOBI

20 juin 2017

Le noir nous va si bien, petit récit des Français noirs et le cinéma français blanc (Louis Guichard et Guillemette odicino)

                         Le noir nous va si bien

    Petit récit des Français noirs et le cinéma français blanc           

                      (par Louis Guichard et Guillemette Odicino)

Aïssa Maïga

Je vous propose ici un bel article de Télérama (n° 3514 du 20 au 26 mai 2017) sur les comédiens français noirs ou Africains-Français. Les auteurs attirent tout de suite l’attention sur le fait que « de Firmine Richard à Aïssa Maïga, d’Alex Descas à Omar Sy, les acteurs de couleurs connus sont rares. Les autres ? Cantonnés aux rôles de faire-valoir des Blancs… Mais les scénarios qu’on leur propose évoluent. » Alors la question qu’ils posent est la suivante : « Un cinéma post-racial va-t-il advenir ? » En tout cas, au regard d’un courrier, évoquant l’expérience anglaise, reçu par le journal à la suite de l’article, ce n’est pas demain la veille.

« Omar, si, mais les autres, non ! » Telle est la blague inusable qui circule parmi les acteurs noirs à propos du manque de travail, c’est-à-dire de rôles au cinéma. Omar Sy, 39 ans, personnalité préférée des Français… Depuis le triomphe historique, en 2011, d’Intouchables, d’Eric Toledano et Olivier Nakache (plus de dix-neuf millions de rentrées en France), tous les films montés sous sur son nom attirent les foules. Avant lui, aucun comédien noir n’avait connu chez nous un succès aussi massif et durable. Mais où sont les autres Français de couleur sur les écrans ? Omar Sy est-il devenu l’alibi d’une tenace fermeture à l’autre, d’un deni de diversité, ou son rayonnement signifie que les temps ont changé ?

Firmine Richard

            Sur ce sujet, Firmine Richard, née en Guadeloupe il y a soixante-neuf ans, s’emporte vite, tant son constat à elle est, avant tout, celui du surplace. Quand un directeur de casting l’a repérée, dans un restaurant parisien, elle avait travaillé à la poste puis à la RATP, mais jamais dans le spectacle. Engagé dans le rôle principal de Romuald et Juliette, de Coline Serreau (1989), avec Daniel Auteuil, elle s’est jetée, à 40 ans, dans cette nouvelle vie inespérée. Mais elle a souvent déchanté. Ce qui l’énerve : le nombre incalculable de rôles de femme de ménage qu’on lui a proposés depuis cette Juliette, durant presque trois décennies – y compris dans l’un des films dont elle est le plus fière, Huit femmes, de François Ozon (2001). « J’en ai refusé, des scénarios où j’avais une serpillère et deux répliques… »

            Dans le film d’Ozon, la domestique noire était, d’abord, un clin d’œil cinéphile aux mélos de Douglas Sirk. La majorité des petits rôles proposés aux Noirs par le cinéma français n’ont pas cette excuse. Alex Descas, 59 ans, a lui aussi débuté dans les années 1980. Enfant d’ouvriers d’origine antillaise, il a fait toute sa scolarité à Paris et son apprentissage de comédien au cours Florent, sans ressentir d’écart entre lui et les autres débutants. La réalité du monde du travail lui a ensuite sauté au visage : « Pour moi, il n’y avait tout simplement pas de rôle. Juste quelques figurations, ou ce qu’on appelle, dans le jargon du métier, des silhouettes : de dealer, de voyou… C’était très violent d’être confronté à ce rien. J’ai préféré prendre mes distances, retourner aux petits boulots, et je l’ai fait savoir à quelques directeurs de casting que je connaissais. En substance, leur réaction fut : voilà qu’il veut des rôles de Blanc ! Alors que je voulais des rôles tout simplement. »

              Un fantasme blanc : apprendre au Noir à faire le singe !

            A l’époque, les clichés coloniaux persistent dans les scénarios, où le personnage éventuellement destiné à Alex Descas est fréquemment désigné comme « le Noir », sans nom ni prénom.« C’était pire que des caricatures : des Noirs fantasmés, introuvables dans la vraie vie. Lors d’un casting, un metteur en scène a voulu m’apprendre à marcher comme un Noir ! Un autre était déçu que je n’aie pas d’accent et me demandait de le prendre. J’ai toujours refusé ces films dont j’aurais pu avoir honte, pour moi, mais également pour mes semblables », raconte Descas.

Alex Descas

            La cinéaste Claire Denis donne, la première, un grand rôle à Alex Descas dans S’en fout la mort (1990). Elle qui a grandi en Afrique, auprès d’un père administrateur civil dans les colonies françaises, laisse libre cours à une fascination érotique mêlée d’empathie. Le partenaire d’Alex Descas est Isaac de Bankolé, que la réalisatrice a filmé dans Chocolat, en 1998, et qui a été le premier Noir récompensé par un césar (du meilleur espoir masculin). « Isaac, porté par le triomphe public de la comédie Black Mic-Mac (1986), de Thomas Gilou, concentrait alors la totalité des propositions, comme s’il n’y avait de la place que pour un seul Noir. Mais, en dehors de Claire Denis, Isaac ressentait le même effarement que moi devant la nature des rôles : par la suite, il a travaillé quasi exclusivement avec des cinéastes étrangers, et d’abord Jim Jarmusch. »

            A Cannes, cette année, Alex Descas présentera, avec Juliette Binoche, en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs, Un beau soleil intérieur, signé à nouveau Claire Denis. Elle lui a donné ses plus beau rôles, comme celui du père taiseux et bienveillant de 35 Rhums (2008), inspiré des films d’Yasujiro Ozou. Et elle a sans doute influé sur le cours de sa carrière de comédien, souvent orientée vers l’art et essai (Charunas Bartas, Olivier Assayas, Raoul Peck, Parice Chéreau…). Mais aujourd’hui, malgré ce parcours cohérent, Alex Descas partage le constat de son aînée Firmine Richard : les choses n’ont guère évolué depuis une trentaine d’années. La fiction cinématographique reflète trop peu la réalité sociale du pays. « Même de grands metteurs en scène modernes que j’admire ne bougent pas dans ce domaine. Ils se cantonnent toujours au même monde bien blanc. » Quinquagénaire, il s’attriste du gâchis observé autour de lui, parmi sa génération : « Je connais des acteurs noirs dont j’ai envié l’éclat, le talent, la personnalité, mais qui n’ont rien pu en faire : aucun emploi. »

                          L'espoir viendra des réalisateurs Noirs

            A ses yeux, le seul porteur d’espérance s’appelle Lucien Jean-Baptiste : « lui-même comédien, il a compris qu’il ne fallait pas attendre des rôles qui ne viendraient jamais. Il a écrit ses propres films, connectés avec la société plurielle et mélangée d’aujourd’hui, et s’est durablement inscrit dans le paysage du cinéma français. Aux jeunes Noirs attirés par le métier, je conseille de suivre son exemple. » Lucien Jean-Baptiste, acteur-réalisateur de 53 ans, né en Martinique, vient d’obtenir un triomphe en salles avec Il a déjà tes yeux(un million quatre cent mille entrées) après celui de La première étoile, en 2009. Plein d’énergie et d’autodérision, attiré par le métier d’acteur dès l’enfance, il a longtemps réprimé ce désir, incompris par sa famille : la parole du conseiller d’orientation ayant force de loi, on le voulait mécanicien. Il a attendu la trentaine pour passer le concours de la classe libre du cours Florent, en un dernier sursaut, à tout hasard, avant de « retourner aux Antilles boire du punch jusqu’à la fin des temps ». Confronté à son tour au manque criant de rôles, il s’est alors improvisé auteur-réalisateur, cultivant l’art de ruser avec les décideurs du cinéma français : « Le film de mes débuts, La première étoile, je l’ai vendu comme une comédie sur les Noirs en vacances à la neige, alors qu’il s’agit de souvenirs familiaux, plutôt douloureux, sur mes parents peinant à joindre les deux bouts. »

Lucien Jean-Baptiste

            Il constate, lui, une lente amélioration du sort des acteurs noirs : « Il y a eu un avant et un après Omar Sy dans Intouchables, preuve qu’un Noir pouvait atteindre près de vingt millions d’entrées. Ce rôle exubérant, caricatural pour certains, était une étape. Exactement comme il y a eu, aux Etats-Unis, les facéties d’Eddy Murphy avant le sérieux de Denzel Washington. »

            Aïssa Maïga, 41 ans, premier rôle féminin d’Il a déjà tes yeux, actrice noire la plus connue de France après Firmine Richard, juge elle aussi que les grandes années de Canal+, qui a lancé Omar Sy, ont influé favorablement sur les représentations sociales et les pratiques : « Non seulement cette chaîne a rendu Omar immensément populaire, comme elle l’avait fait avec Jamel, mais elle a monté ou financé des films avec lui. La profession s’est aperçue que des comédies avec une tête d’affiche de couleur marchaient. Un cercle vertueux s’est mis en place. »

            La jeune femme, née au Sénégal, a débuté « en toute candeur », dans les années 2000, inconsciente de l’effet que sa couleur produirait lors des castings. Elle a tourné avec Claude Berri, Cédric Klapisch et Michel Gondry, mais n’a pas été épargné par les humiliations, qu’elle consignait dans un carnet, pour mieux les surmonter ; Elle a tenu bon, elle aussi, face à la persistance des stéréotypes : « Quand j’ai reçu le script d’Il a déjà tes yeux, j’ai sauté de joie : le portrait d’un couple de Noirs qui s’aiment, simplement ! Alors que, tant de fois, on m’a proposé des scénarios où mon mari me battait, où mon père voulait m’exciser, où mon frère était alcoolique… »

            Et maintenant ? D’abord, 2017 restera comme une année particulièrement encourageante : au premier semestre, en plus du grand succès public obtenu par le film de Lucien Jean-Baptiste avec Aïssa Maïga, il y a eu L’Ascension, histoire d’un jeune sans emploi qui gravit l’Everest pour prouver sa valeur à celle qu’il aime. Plus d’un million de spectateurs ont vu en salles cette comédie réalisée par un Blanc, Ludovic Bernard,  mais reposant entièrement sur les épaules d’un jeune acteur noir de 27 ans, Ahmed Sylla. Une telle conjonction au box-office suggère une attitude nouvelle du grand public, bien au-delà de l’accident heureux ou de l’exception.

            « La question de la présence des Noirs dans le cinéma est indissociable de leur place dans la société, rappelle Lucien Jean-Baptiste. Le problème, c’est que beaucoup d’entre eux sont issus de milieux défavorisés. Il faut mettre en place des programmes d’éducation dans les quartiers. Une heure de théâtre par semaine, à l’école, suffirait à faire naître des vocations de comédien. Changer les mentalités post-colonialistes est une affaire de société, au moins autant que de cinéma ».

            Pour tous, l’espoir porte sur l’effacement progressif du concept de « rôle de Noir(e) ». Alex Descas a récemment joué  sur scène dans Phèdre(s), face à Isabelle Huppert, sous la direction de Krzysztof Warlikowski. « Le théâtre de création distribue volontiers les rôles indépendamment de la couleur de peau, quitte à trahir joyeusement les textes. Pourquoi pas le cinéma ? » Lucien Jean-Baptiste songe à une version d’Othello où, à rebours de la convention, le rôle-titre serait tenu par un Blanc maquillé en noir, et celui de Iago, par un Noir fardé de blanc. Le directeur de casting Nicolas Ronchi, qui travaillait jadis pour Claire Denis et s’intéresse beaucoup à cette question, croit au volontarisme : « Pour n’importe quel rôle, je me sens le droit, et le devoir, de proposer à la production un comédien noir, quand bien même le scénario n’indique rien en ce sens. » Un pas, peut-être, vers la « société post-raciale » dont Aïssa Maïga a fait son idéal depuis que Barack Obama a lancé cette formule.

            A nouveau, les regards se tournent vers Omar Sy, qui disait dans Télérama, en janvier 2016 : « Ce que j’aime avant tout [quand je travaille aux Etats-Unis], c’est que là-bas je suis un Français, et pas un Noir. » Voilà qu’il s’apprête à importer ici cette sensation-là : on le verra, en octobre, tenir, dans une grosse production française (réalisée par Lorraine Lévy), le rôle si blanc du Dr Knock, d’après la pièce de Jules Romains. Une petite révolution. En tout cas « une étape décisive », selon Nicolas Ronchi : « Quand on est aussi connu et aimé, on joue qui on veut. Et ça ne peut que faire école. »

Louis Guichard et Guillemette Divino.

Photos : Jérôme Bonnet

Télérama 20 au 26 mai 2017

12 juin 2017

Urbi et Orbi (Olivier Merle)

                                                      Urbi et Orbi

                                                        (Olivier Merle)  

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            La locution Urbi et Orbi évoque pour le commun des hommes les bénédictions solennelles que le pape donne depuis Rome à cette ville et au reste du monde. En reprenant cette formule, ce livre d’Olivier Merle veut nous montrer comment le centre de la chrétienté s’est détaché du pays du Christ puis a dérivé pour s’être enfin ancré là où nous savons. Une dérivation extraordinaire du message de Jésus menée par des hommes portés par une foi magnifique ; des hommes parmi lesquels la figure de Paul émerge comme le plus grand tribun des premières heures de l’histoire du christianisme.

            Pour ceux qui ont lu du même auteur Le fils de l’homme, se terminant par la lapidation d’Etienne – faisant de lui le premier martyr chrétien – et la fuite des disciples de Jésus hors de Jérusalem, Urbi et Orbi est clairement le récit des chrétiens hellénistes qui croient que le message du Christ n’est pas uniquement destiné aux juifs de Judée.

            Après la mort d’Etienne, le plus ardent défenseur de la Bonne nouvelle destinée à tous les Juifs, et même aux païens sous certaines conditions, est indiscutablement Philippe. Ce disciple de Jésus originaire de la très lointaine Hiérapolis près d’Ephèse est le contraire de Jacques qui prône l’attente patiente du retour de son frère monté au ciel après sa résurrection. Homme pieux, héritier de son frère à Jérusalem, Jacques est attaché à la loi de Moïse comme une moule à son rocher ; la propagation de l’Evangile  de Jésus est le cadet de ses soucis.

            Dans leur lent mouvement d’évangélisation des Juifs vivant hors de la Judée et de quelques païens souvent acceptés après beaucoup d’hésitation, Philippe et ses partisans auront un dangereux ennemi en la personne de Paul, un Juif romain originaire de Tarse qui, comme beaucoup, ne pouvait accepter qu'un crucifié puisse être le Messie d'Israël. Mais voilà que Jésus se révèle à ce persécuteur de la secte des nazôréens appelés « chrétiens ». Dès lors, celui qui n’a pas été le disciple de Jésus se reconnaît l’élu devant porter son message profondément universel. Aux Juifs qui s’accrochent à la Loi de Moïse comme l’alliance indéfectible conclue avec Dieu, il oppose la nouvelle alliance conclue entre Dieu et le monde par l’intermédiaire du sang et de la chair de Jésus. Pour lui, la Loi (de Moïse) n’est plus nécessaire pour être sauvé mais la Foi en Christ ! Paul déclare « l’union définitive et sans exclusive entre les païens et les juifs adorant le Christ ».

            A partir de ce moment, sous le regard du colon romain attentif au moindre trouble, une lutte d’influence acharnée se déclare entre ses partisans et ceux respectueux des recommandations de Jacques, le frère de Jésus. Dépassés, Philippe et Jean joueront difficilement les conciliateurs. C’est donc cette lutte entre l’Evangile universel – parce qu’ouvert aux païens – et l’évangile exclusivement juif ayant toujours la Loi de Moïse comme référence absolue que le livre nous peint ici. Et le résultat est éclatant, magnifique ! On y découvre le poids de la circoncision sur la propagation de la Bonne nouvelle et les conversions des païens. On apprécie le pragmatisme des apôtres hellénistes ainsi que le sectarisme des Juifs qui fait d’eux les plus grands ennemis de la foi chrétienne. Etat d’esprit qui les conduit à l’invention de la ségrégation dès le premier siècle de notre ère. Un livre éblouissant à l’image du personnage de Paul qui apparaît comme le cœur et la tête pensante du christianisme naissant.

Raphaël ADJOBI

Titre : Urbi et Orbi, 489 pages

Auteur : Olivier Merle

Editeur : Editions de Fallois, 2016.  

1 juin 2017

Izaurinda (Anna Maria Celli)

                                                   Izaurinda

                                             (Anna Maria Celli)

Izaurinda de Anna Maria Celli

            Dans ce roman, la force et la violence de l'écriture d'Anna Maria Celli rappellent étrangement celles de Artemisia Gentileschi* en peinture. L'une et l'autre ont la douceur angélique dans le regard mais la main ferme et tranchante qui rend le crime admirable.

            Izaurinda est l'épouse de Sem. Mais sa présence dans le récit est le plus souvent en filigrane, c'est-à-dire dans la conscience de Sem qui a quitté la désolation de son village de sable brûlant comme de nombreux hommes avant lui pour un horizon aux limites pesantes. Ce n'est pas un grand causeur Sem ; c'est un homme d'action, un homme qui agit en psalmodiant sa vie antérieure pour nous faire découvrir comment il a échoué à Paris, sur les bords de la Seine.

            Malheureusement l'exil ne fait pas de lui un homme libre parce qu'un pacte avec "le diable" est attaché à ses pas. Dans ce cas, la police devient l'ennemi à éviter à tout prix. Les deux femmes qu'il rencontre dans sa vie vagabonde sont deux êtres éloignés de l'image d'Izaurinda qui l'obsède. Deux femmes qui auraient pu le couver ; mais l'une porte en elle de manière trop forte la déchéance qu'il fuit et l'autre une étrange vacuité qui l'effraie.

            Ce roman se révèle être donc la fuite solitaire et taciturne d'un homme prêt à sauver sa vie bien que se sachant condamné par sa mission puis son crime. Une errance douloureuse qui tient le lecteur en haleine l'obligeant à se demander sans cesse combien de crimes le héros devra-t-il commettre pour être enfin délivré ou finir au cachot.

            Un roman à la structure simple mais au rythme complexe, brutal et poétique. 

* Artemisia Gentileschi est une peintre italienne dont l'œuvre est caractérisée par une forte accentuation dramatique ; d'elle, je retiens essentiellement son tableau "Judith décapitant Holopherne".

Raphaël ADJOBI

Titre : Izaurinda, 178 pages.

Auteur : Anna Maria Celli

Editeur : az'art atelier éditions, collection L'Orpailleur, 2017.

27 mai 2017

Allocution du président de La France noire à la commémoration de l'abolition de l'esclavage 2017 à Joigny (89)

            Allocution du président de La France noire

                   à la commémoration de l'abolition de

                                  l'esclavage 2017 à Joigny

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Merci Mme La sous-préfète de nous faire l'honneur de votre visite qui nous fait vraiment plaisir.

            Madame la Conseillère départementale, merci de votre présence qui nous honore également, et surtout pour votre constant soutien à La France noire.

            Monsieur le maire, merci de tout cœur pour tout ce que vous faites au sein de notre ville pour favoriser la fraternité nationale dans le respect de la diversité de la population de notre pays. A travers vous, La France noire voudrait aussi dire sincèrement merci à tous les conseillers municipaux pour leur soutien aux actions culturelles des associations de notre ville, et en particulier pour leur précieux soutien à la nôtre. Personnellement, j'ai appris à ne jamais perdre de vue que les grands esprits ou les grands projets sont souvent voués à l'échec s'ils ne font pas de belles rencontres. Merci donc parce que votre bienveillance à tous, jointe à la bonne volonté des adhérents, a permis la réalisation de l'exposition que nous présentons aujourd'hui. Cette exposition est désormais à la disposition de tous les établissements scolaires.

            Mesdames et Messieurs les chefs d’établissements ou leurs représentants, chers collègues enseignants, merci d’avoir répondu nombreux à l’appel de La France noire.

            Mesdames et messieurs les présidents des organisations associatives ou leurs représentants, merci de nous faire l’amitié d’être parmi nous ce soir.

Mesdames et Messieurs, chers amis,

Je vais aborder deux points dans mon intervention :

1) La nécessaire connaissance de l'autre pour construire la fraternité nationale.

2) Pourquoi l'esclavage des noirs dans les Amériques n'est pas un esclavage comme les autres.

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                       La nécessaire connaissance de l'autre

            La France noire est née parce que les Noirs de France expriment des besoins : besoin de reconnaissance  de leur qualité de citoyen à part entière ; besoin de prise en compte de la contribution de leurs ancêtres à la défense et à la construction de la France. C’est réellement la non satisfaction totale de ces besoins qui fait encore peser sur eux le racisme né au XVIIIe siècle.

            Beaucoup de nos compatriotes blancs sont conscients du racisme souvent sournois que subissent les Noirs de France. Ils s’en indignent, parfois ouvertement, et prônent plus de tolérance chaque fois qu’ils en ont l’occasion. Mais comme le dit si bien le sociologue Michel Wieviorka, contre le racisme et l’intolérance, « il ne suffit pas d’avoir de bons sentiments, il faut avoir des connaissances ». Des actions éducatives sont absolument nécessaires pour que s’installent dans les esprits des connaissances durables grâce à la répétition des enseignements. Des connaissances durables qui vont à leur tour modifier les comportements et conduire à des habitudes satisfaisantes pour tous.

            Pour aller vers cette fraternité qui est le troisième pilier de notre devise nationale, nous devons faire de la connaissance de l’autre et donc de son histoire un objectif essentiel. C’est pourquoi notre association a choisi comme devise « mieux connaître l’autre pour respecter sa différence ». Oui, mieux connaître l’autre est l’effort à accomplir par chacun de nous, le prix à payer par chacun de nous pour construire la fraternité nationale.

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            Qu'est-ce que cela veut dire concrètement sur le plan national ? La réponse est claire : intégrer la géographie et l’histoire des Français noirs à la géographie et à l’Histoire de France. C’est cet impératif que notre association a voulu symboliser par son logo. L’arc de cercle autour de la France métropolitaine ou hexagonale, représente l’ensemble des îles et terres françaises lointaines que nous ne voyons jamais et n’étudions jamais sur les bancs de l’école mais qui existent bel et bien. C’est dire que la France qui est absente des manuels scolaires existe physiquement et devrait permettre à tous les Français de se dire que nous avons la chance d’avoir un horizon large !                                  

            C’est vrai, l’autre, celui qui est différent de nous est toujours un peu bizarre. Il étonne, il suscite des interrogations, il choque même parfois. Pourtant, il faut accepter d’être étonné, d’être choqué. C’est une chose universellement et humainement normale ; aussi, le choc ou l’étonnement provoqué par l’autre ne doit pas nous pousser à le rejeter. Nous ne devons pas en faire un sentiment définitif modelant notre vie.

            Vous ne vous imaginerez jamais la réaction des Noirs, surtout des enfants, lorsqu’ils ont vu pour la première fois une personne blanche. Cela s’est toujours traduit par une véritable débandade des enfants : on court s’enfermer dans les maisons, se cacher dans les broussailles, on grimpe aux arbres, on crie à la mort en s’accrochant aux jambes de sa mère ou de son père. Et pourtant, ce sont ces mêmes enfants qui, après deux ou trois séjours du Blanc, courront à sa rencontre en ouvrant les bras lors d’une de ses prochaines visites.

            Pour connaître l’autre afin de respecter sa différence, il faut connaître son histoire. Et pour nous tous ici présents, connaître l’histoire des Noirs Français, c’est connaître l’Histoire de France avec toutes ses pages qui sont occultées, négligées ou tronquées qui parlent d’eux.

            Cela m'emmène à parler de l'esclavage et à vous dire

            pourquoi l'esclavage des Noirs dans les Amériques

                    n'est pas un esclavage comme les autres

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            Certes, la traite et l’esclavage des Noirs font partie des programmes pédagogiques. Cependant, leur enseignement - au regard des manuels scolaires - est très loin d’être satisfaisant et parfois même blessant parce qu’il apparaît clairement comme une déculpabilisation des bourreaux d’hier qu’étaient les négriers et les esclavagistes européens. Par ailleurs, les manuels scolaires ont tendance à mettre la traite et l'esclavage des noirs sur le même pied d'égalité que toutes les autres formes d'esclavage au point où le lecteur attentif peut se demander pourquoi c'est le seul esclavage qui fait l'objet d'un enseignement.

            La question est légitime et mérite des réponses claires. Les voici :

            Premièrement, cet esclavage est le seul connu de l’humanité qui n’a pas été pratiqué seulement par des individus véreux, mais par des Etats coalisés contre une seule catégorie de populations. Il ne s’agit donc pas du même esclavage que celui pratiqué dans de nombreuses sociétés traditionnelles. Il s'agit d’une entreprise industrielle de plusieurs royaumes qui se concurrençaient. Cette entreprise a d'ailleurs donné naissance à des traités dans les parlements des royaumes et entre les royaumes européens.

            Deuxièmement, cet esclavage est celui que chacun doit étudier parce que c’est le seul qui a changé durablement la conscience et la pensée européenne. Oui, cet esclavage a changé la conscience et la pensée européenne grâce à l’invention du racisme au XVIIIe siècle qui imprègne aujourd’hui encore les rapports humains sur la terre entière. Racisme popularisé à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle par les expositions coloniales. De ce fait, c’est la seule pratique esclavagiste qui, plus d’un siècle et demi après son abolition, laisse des traces aussi violentes et durables dans de nombreux pays européens ainsi que dans leurs anciennes colonies des Amériques.

            En effet, c’est la seule pratique esclavagiste qui a été théorisée scientifiquement, philosophiquement, religieusement et dont la France a eu la belle idée de codifier les brutalités qui le rythmaient avant tous les autres.                               

                        Que disent les théories européennes qui ont

                              durablement décidé du sort du Noir ?

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            D’une part, elles affirment que c’est Dieu qui a condamné l’homme noir à être l’esclave des autres peuples ; bien évidemment des Blancs. C’est la théorie de la faute de Cham, ce fils de Noé qui aurait vu son père nu, alors qu’il était ivre, et qui n’aurait pas recouvert sa nudité. La noirceur de sa peau serait donc le signe de sa malédiction !

            D’autre part, ces théories affirment que le Noir ne fait pas partie de l’humanité. Elles affirment qu’au départ, le Noir était un Blanc qui, peu à peu, avait dégénéré, était sorti de l’humanité et s'était rapproché de l’animalité, plus précisément du singe. Ces théories disent que l'animal est une machine perfectionnée, un automate. Elles assurent donc que le Noir est moins qu'un sous-homme. Pire : c’est un objet du même niveau qu’une chaise, un buffet, un meuble, comme le dit clairement le Code noir.

            Nous comprenons donc tous que l'esclavage des Noirs dans les Amériques se justifiait par une conception très réfléchie de la nature même du Noir et de la place que l’Europe lui réservait dans l’Histoire des êtres de la terre!            

            Voilà, mesdames et messieurs, pourquoi en regardant l’histoire particulière de la traite et de l’esclavage des Noirs dans les Amériques, la France a eu raison de décréter la traite et l'esclavage en général un crime contre l’humanité ; voilà pourquoi elle a eu raison de décréter une journée nationale pour saluer les luttes des esclaves pour leur liberté et les luttes des Blancs qui ont sincèrement voulu la fin du traitement inhumain qui leur était infligé.

            En métropole, notre pays a choisi le 1O mai pour marquer la fin d’une triste histoire, pour nous mettre périodiquement en garde contre l’intolérance. Et cette mise en garde nous concerne tous.

            Je vous remercie !

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