Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

Lectures, analyses et réflexions de Raphaël

8 janvier 2009

La traite des Noirs et ses acteurs africains

La_traite_selon_Tidiane_DLa traite des Noirs et ses acteurs Africains

 

 

            Le livre de Tidiane Diakité arrive au bon moment du débat sur la traite négrière atlantique. Depuis la publication de celui de Pétré-Grenouilleau qui a fait de lui le maître incontesté de ce thème dans la conscience des français, la traite des Noirs est apparue pour beaucoup comme un événement anodin dans l’histoire de l’Europe. Celle-ci a en effet accueilli le livre et les entretiens accordés par l’auteur français comme le baume qui vient soulager sa conscience ployant sous le poids de la culpabilité d’un commerce éhonté. Désormais les Européens se satisfont de l’idée qu’ils n’ont fait que prolonger une pratique ancestrale africaine les dispensant donc du sentiment de culpabilité et des dédommagements que certains africains s’évertuaient à demander.

            Très vite, afin d’éviter les amalgames, Tidiane Diakité présente le vrai visage de l’esclavage tel qu’il était pratiqué sur le continent jusqu’au XV è siècle. Les témoignages des Portugais, les premiers commerçants européens en Afrique, attestent les récits oraux transmis de génération en génération recueillis sur le terrain.

Ce préalable clairement expliqué, l’auteur s’attache à nous présenter dans une démarche détaillée les premiers pas des particuliers portugais qui vont initier les premiers rapts et razzias sur les côtes africaines et l’introduction régulière des Noirs en Europe. Puis vient le temps de l’intérêt de l’état du Portugal pour ce commerce, et à partir de la deuxième moitié du XVI è siècle ses luttes contre les autres pays européens qui manifestaient à leur tour un grand appétit pour le commerce des esclaves.

La rentabilité de ce commerce supposait une vraie organisation de la part des Européens. Devant les premières résistances africaines aux rapts, vols et razzias qui causaient des dégâts dans leurs rangs, les négriers ont trouvé bon d’imposer aux rois africains des traités dans lesquels ceux-ci ont le sentiment de trouver leur compte mais en réalité fort avantageux pour les pays européens. Dès lors, les rois africains devinrent des acteurs actifs de la traite en entrant dans un commerce de troc : des êtres humains contre des produits européens. Ainsi, comme le démontre très bien l’auteur, pendant que, grâce à la traite négrière, les industries et les villes européennes se développent déversant des produits hétéroclites sur le continent noir, l’artisanat africain, florissant jusqu’au XV è siècle, allait être délaissé au profit de la chasse à l’homme. Quatre siècles et demi d’inactivité artisanale finiront par ruiner le génie africain, parce que « pour les générations nées dans ces siècles, la traite apparaissait comme la norme, l’unique référence ».

Dans ce livre, Tidiane Diakité s’applique d’une part à montrer l’ordre de succession des Européens sur les Côtes de l’ouest africain ; comment à la suite des Portugais et des Hollandais, les Français puis les Anglais ont mené la traite négrière à son apogée au XVIII è siècle. D’autre part, l’auteur nous fait apparaître des rois africains de plus en plus intéressés et se montrant des ardents défenseurs de l’esclavage et des habiles commerçants avec les négriers. Pouvoir insupportable à ces derniers qui, pour obtenir davantage d’esclaves sans trop de frais suscitaient des conflits interafricains en exploitant la jalousie ou l’animosité des camps adverses, sachant que les vainqueurs leur vendraient les vaincus.

Le livre présente enfin un historique très intéressant des luttes pour l’abolition de l’esclavage au XVIII è siècle avec la Grande-Bretagne, alors première puissance négrière devenue fer de lance de ce combat libérateur. Et chose extraordinaire, dans cette histoire douloureuse, le lecteur constate que malheureusement les moins réceptifs au sentiment d’humanité et au plaidoyer en faveur de la cessation de la traite furent les Africains eux-mêmes. Des siècles de pratique d’un  commerce essentiellement humain avaient fait d’eux des ardents et fiers défenseurs de l’esclavage au point de faire de l’Afrique le dernier bastion de la résistance à l’œuvre abolitionniste des Anglais.

J’aime les livres qui laissent parler les documents d’archives. Et celui-ci en est un. En cédant très souvent la place au narrateur de l’époque, l’auteur nous plonge dans la dure réalité des faits et l’on comprend mieux le présent. Il est certain que ce procédé est le plus sûr moyen de ne pas souffrir la contestation. Il y a dans cet essai quelque chose d’absolument pittoresque quant au comportement des Africains devant l’appât du gain que représentait la présence d’un navire négrier sur leurs côtes. Certaines pages de ce livre peuvent d’ailleurs permettre aux Africains d’aujourd’hui, et particulièrement les acteurs politiques et économiques, d’analyser leur comportement dans nos sociétés en pleine mutation et subissant la convoitise des Européens. D’autres pages encore éclairent cette facilité qu’ont certains à prendre les armes contre leur pays, le trafic des armes, le choix des productions économiques tournées vers la satisfaction du marché européen. Tout lecteur trouvera à travers ce livre de précieux éclairages à beaucoup d’autres problèmes de la vie moderne et notamment la difficulté des Africains à établir des perspectives d’avenir. Cependant, s’il est vrai que la « chaîne » de l’esclavage a deux bouts (africain et européen), on peut se demander si celui que tenaient les Africains - trop souvent façonné par les Européens pour coller à leur goût -  peut être considéré comme une œuvre essentiellement africaine.          

                                         

Raphaël ADJOBI         Une conférence sur les réparations

 

Auteur : Tidiane Diakité

Titre : La traite des Noirs et ses acteurs africains

Editeur : Berg International

Publicité
15 décembre 2008

Les Noirs dans la publicité française

          Les Noirs dans la  publicité française

 

            Depuis 2008, on constate une très légère diversité ethnique dans l‘espace publicitaire français. Diversité très légère mais qui se remarque du simple fait que l’image du consommateur noir n’a jamais été considérée comme valorisante pour les enseignes commerciales. Il fut même un temps où les Asiatiques étaient plus nombreux dans les publicités télévisées, comme s’ils étaient plus représentatifs de la diversité française que les Noirs.

            Aujourd’hui, à la télévision française, même les publicités vantant les jeux présentent des Noirs qui ne sont pas des figurants mais des membres de famille. Nintendo montrent un couple mixte – femme blanche, homme noir - qui joue. Un organisme d’apprentissage de l’anglais montre un Noir avec sa femme blanche et leur enfant métis. Depuis Mai 2008, l’athlète noir Ladji Doucouré incarne à l’écran l’image de l’anti-transpirant de Menen. Malgré tout, trouver l’image de Noirs sur les emballages des produits de grande consommation est chose encore exceptionnelle au point de susciter la curiosité quand on en voit une.

            Il est très loin l’époque de la victoire de la France à la coupe du monde 1998 ; époque où de nombreux footballeurs noirs trônaient sur les grands panneaux publicitaires et crevaient les écrans des télévisions françaises. L’espoir a été de courte durée.

            Devant cette frilosité à utiliser l’image du Noir, il n’est donc pas étonnant qu’en 2008 il n’y ait encore aucun film français ou européen – produit par des blancs – ayant une tête d’affiche issue des milieux noirs. Dans un petit billet publié dans le Nouvel observateur du 19 juin 2008 (p.38), la réalisatrice blanche Eliane de Latour, pénalisée de choisir des Noirs pour des premiers rôles, interroge ceux qui dirigent les industries du cinéma européen sur le bien fondé de leur comportement. Elle ne se satisfait pas de l’argument selon lequel un film avec un acteur principal noir ne marchera pas parce que « le public ne s’identifie pas aux Noirs. » Ainsi donc « le public s’identifie à E.T, à un ours, mais pas à un acteur noir ? » interroge-t-elle. Mais alors, pourquoi Denzel Washington et bien d’autres attirent des foules en France ?

            Il faut croire que, comme autrefois on tenait les indigènes éloignés, l’on veut tout simplement tenir les Noirs loin de cette industrie afin qu’ils ne fassent pas concurrence aux acteurs blancs.

            Je termine mon article par une interrogation. Je vous présente ici une publicité du 19è siècle vantant les mérites d’un savon qui « lave plus blanc que blanc » - puisqu’il est capable de blanchir un Nègre. Regardez-là bien avant de lire la suite de mon message. Prêtez attention à la femme à gauche, l’enfant prenant son bain, l’homme au premier plan dont la main sort de l’eau de la bassine, enfin l’expression de l’homme à l’arrière plan levant les bras au ciel.

Carte_publicitaire_N_gre            La découverte de cette publicité m’emmène à me demander si la décoloration de la peau chez les Noirs est une pratique plus ancienne que la rencontre avec les Européens aux siècles de l’esclavage et l’élaboration des théories racistes à leur égard. Avec les théories du XIX è siècle selon lesquelles le Noir serait une dégénérescence du blanc (1), n’aurait-on pas fait croire aux Noirs qu’il leur était possible de quitter leur enveloppe noire pour se rapprocher de la race blanche dite pure ? On peut aisément croire que des populations africaines entières ont dû être très sensibles à cette publicité dont l’impact perdure encore aujourd’hui.

 

Raphaël ADJOBI          

(1) La couleur noire est due à un pigment brun, appelé la mélanine, qui colore la peau.

4 décembre 2008

Lumières et Esclavage

Lumi_res_et_esclavage                            Lumières et esclavage

            De toute ma vie, c’est le premier livre se présentant comme un ouvrage de recherches dont le contenu m’a soulevé le cœur au point de me pousser à traiter en mon for intérieur son auteur de tous les noms. Lumières et Esclavage est assurément une insulte à la conscience et à l’intelligence humaines.

            L’objet du livre de Jean Erhard est clair : prendre la défense du XVIII è siècle – le siècle des Lumières -   accusé selon lui de tous les maux de la traite négrière parce que les penseurs et les hommes de Lettres seraient restés muets devant ce fléau et auraient même parfois montré des signes d’une certaine complicité. Alors que tous les analystes s’accordent aujourd’hui pour reconnaître et affirmer que les idées prétendument universelles sur l’égalité et la liberté n’incluaient pas les Noirs, l’auteur de Lumières et Esclavage persiste à croire et à chercher à nous prouver que les penseurs du 18è siècle sont des anti-esclavagistes. Peut-on dire que tous ceux qui ont défendu ou défendent en quelque point du monde les notions de liberté et d’égalité sont des anti-esclavagistes ? En tout cas, si le bateau négrier Le Voltaire n’avait à voir avec les affaires personnelles de Jean-Jacques Rousseau, Le Montesquieu portait ce nom avec l’accord de l’auteur de l’esprit des lois.  

            D’autre part, Jean Erhard essaie de nous faire croire que l’opinion publique française ignorait tout de la pratique de l’esclavage et qu’il est par conséquent aberrant que tous les Français aient à reconnaître ce commerce comme faisant partie de leur Histoire commune. Il oublie que Nantes et Bordeaux étaient alors les poumons économiques de la France grâce à la traite négrière.

            Cet auteur révisionniste va jusqu’à écrire que les châtiments prévus dans le Code Noir et infligés aux esclaves s’inscrivent dans la violence ordinaire  des lois de l’époque, et que « la condition […] officiellement imposée aux Nègres des îles ne diffère pas absolument et en tous points de ce que vivent alors les métropolitains. » On croit rêver ! Et ce qui illustre le mieux l’esprit révisionniste du livre et la mauvaise foi qui en émane, c’est un dessin assez grossier représentant un Noir endimanché et coquettement enturbanné coupant la canne censé montrer une vie d’esclavage presque plus heureuse que celle d’un paysan français. De toutes les images des esclaves au travail dans les îles, Jean Erhard a jugé que celle-là est plus représentative de la réalité. Insultant !

            Parfois même ce livre a tout l’air d’une moquerie. Pour l’auteur, les blancs du XVIII è siècle ont activement œuvré pour à la dignité du Noir en de nombreux domaines. Selon lui, « le Nègre accède à la dignité littéraire bien avant de se voir reconnaître sa dignité humaine » parce que les Blancs en avaient fait des personnages de romans, de contes et de théâtres. Quelle plénitude ! Mesdames et Messieurs les Noirs, estimez-vous heureux si un blanc fait d’un Noir l’un des personnages de son roman.                           

            Jean Erhard est de la race de ceux qui, dans quelques années, présenteront dans les manuels destinés aux écoliers français (blancs et noirs), les propos insultants de Jacques Chirac, de Pascal Sevran et de Nicolas Sarkozy comme une forme d’ironie visant à défendre la condition faite aux Noirs de la fin du XX è et du début du XXI è siècle. Certes, on attend d’un livre qu’il nous instruise et non point qu’il nous dise ce que nous voulons entendre ou qu’il nous flatte. Mais si au lieu de nous instruire, il s’applique à justifier l’injustifiable et à tordre le cou à la réalité vécue, c'est-à-dire les crimes et les mauvais traitements dont les traces restent indélébiles plusieurs siècles après, alors on est obligé de parler de révisionnisme. Mais dans ma malheureuse rencontre avec ce livre, j’ai appris de ma libraire une leçon qui me guidera à l’avenir : le choix de nos lectures doit tenir compte de la réputation de l’éditeur. Celui de Jean Erhard n’est pas de la race des plus exigeants.    

Raphaël ADJOBI

Auteur : Jean Erhard

Titre  :  Lumière et Esclavage (L'esclavage colonial et

l'opinion publique en France au XVIII è siècle)

Edition : André Versaille Editeur

26 novembre 2008

Blogueurs, qui sommes-nous ?

Blogueurs, qui sommes-nous ?

Ordi_et_blog

La devise du blogeur : si tu veux être visité, laisse ta signature.

            Afin d’apporter ma contribution à la chaîne de « taguage » initiée par Théophile Kouamouo, je vais pour une fois vous parler de moi et vous indiquer des blogs que je fréquente passionnément.    

            Qu’il est loin déjà le temps où, en France, les blogs étaient synonyme de batifolage des adolescents. Une conception qui explique sans doute le retard de l’implantation des blogs dans le paysage Internet français. Heureusement, en quelques années, les choses ont beaucoup évolué.          Et quel bonheur de voir que dans la blogosphère les africains de la diaspora et ceux vivant sur le continent ont très vite compris les immenses potentialités de ce moyen de communication !

            Me concernant, le blog fut au départ une espèce de coffre-fort dans lequel je pouvais jalousement conserver mes poèmes et mes essais qui encombraient les cahiers que je pouvais égarer en quelque malheureuse circonstance. Quand la guerre éclata en Côte d’Ivoire et que

la France

jouait au marionnettiste, j’ai abandonné poèmes et essais pour participer activement à des forums sur Internet et principalement à celui du journal Lacroix qui avait consacré une rubrique à

la Côte

d’Ivoire. La fermeture de ce forum m’a d’ailleurs fait perdre des textes dont je ne suis pas mécontent ; des textes qui montrent la naissance de ma passion pour les relations franco-africaines. Cette passion faite d’indignation grandit davantage devant l’absence de place concédé à l’histoire des Noirs français dans l’Histoire générale de

la République Française.

La découverte de l’histoire du Chevalier de Saint Georges me plongea pour de bon dans la lecture et la divulgation de tous les écrits concernant le peuple Noir. Depuis, j’ai découvert l’existence de trois jeunes historiens noirs qui me permettent de boire à des sources que je ne soupçonnais pas. Il s’agit de Claude Ribbe, Dieudonné Gnammangou et Runoko Rashidi.

            Mais bloguer, ce n’est pas seulement écrire, c’est également partager des connaissances et des informations. C’est apprendre à faire attention au regard et aux propos de l’autre. Un échange qui vous oblige à garder le cœur humble. Et dans cet univers je suis avec beaucoup d’intérêts les productions de quelques blogueurs que je tague ici :

Guy Evrard Mbarga : nullement communicatif mais dont j’apprécie le travail parce qu’il me permet de découvrir la vie des Noirs Sud-Américains.

Mohamed Billy : dont la sobriété des textes et la curiosité incitent à l’humilité. C’est sa curiosité qui a hâté ma lecture du livre de Runoko Rashidi que j’avais en ma possession depuis bientôt un an.

Théophile Kouamouo, Théo pour les intimes. Ce jeune journaliste a suscité l’admiration de tous pour avoir osé dire non là ou beaucoup auraient plié l’échine. Depuis, il apparaît comme un agitateur d’idées ou initiateur de débats. Suivre son regard se promenant sur les productions des médias est très instructif.

Hilaire Kouakou : dernier venu parmi mes amis blogueurs. J’aime le côté terroir de son blog même s’il ne dédaigne pas les questions nationales.

Yoro : Il est assurément l’œil qui balaie

la Côte

d’Ivoire. C’est la camera de surveillance !

Djé : Prompt à « tirer l’épée » et vous pousser dans vos derniers retranchements. A disparu quelque peu de la circulation mais revient en douceur.

Gangoueus : j’ai découvert un peu tard que ses lectures cosmopolites et ses réflexions sont agréables à suivre. 

Aphrika : qui semble avoir pris le même chemin que moi et que j’encourage à creuser son sillon sans relâche.

Je n’oublie pas Ben dont les contacts sont devenus plus rares ; le Pangolin dont j’apprécie les visites.

A bientôt

Raphaël ADJOBI

19 novembre 2008

Histoire millénaire des Africains en Asie

                     Histoire millénaire des Africains

                                                   En Asie

L_Afrik_en_Asie

            Le titre du livre est à lui seul le résumé de son contenu. Aucun savant, aucun peuple ne peut contester depuis la fin de ce deuxième millénaire après Jésus-Christ que les ancêtres originels de l’espèce humaine aient évolué d’abord en Afrique pour ensuite migrer par vagues successives vers l’est. Il y a deux ou trois ans, j’ai vu le magnifique film montrant les ancêtres primitifs, les Homo erectus, quitter l’Afrique pour aller coloniser d’abord le Moyen Orient, puis l’Europe et l’Asie. Runoko Rashidi confirme que ce chapitre ne souffre d’aucune contestation scientifique.

 

            Mais quand on aborde les époques plus modernes à partir de quelques millénaires avant Jésus-Christ, malgré bien souvent la concordance des constats, les conclusions diffèrent et parfois de manière très surprenantes. Il apparaît clairement que chaque fois que les Européens se trouvent devant des résultats de fouilles archéologiques qui leur révèlent que les habitants d’un lieu ne sont pas – de l’avis général – Aryens, ils concluent qu’il y a problème. Tous les éléments noirs ou négroïdes découverts ne suffisent pas à les convaincre du passé nègre du site. Non, se disent-ils, il est impossible que les Noirs d’Afrique soient à l’origine de quelque grandiose civilisation de l’Antiquité.

            Ce livre est à la fois le résultat des lectures des travaux d’éminents anthropologues, de travaux d’archéologues et aussi des recherches personnelles de l’auteur sur le terrain au Moyen Orient, en Afrique et en Asie. Un grand voyageur Runoko Rashidi ; et ce sont les voyages qui ont confirmé ses recherches.

 

            La première partie du livre donne les preuves de la présence des Noirs au Moyen Orient  depuis plusieurs siècles. Runoko Rashidi démontre que contrairement à l’idée selon laquelle les grandes migrations des Noirs hors de l’Afrique se sont faites sous le joug de l’esclavage, la présence africaine en Irak et en Iran par exemple étaient vieille de plus d’un millier d’années avant les fameuses révoltes des esclaves Noirs au VIII è sicle (ap. J-C) et leur règne de quinze ans sur le sud de l’Irak actuel. Histoire très connue que rapporte également Malek Shebel dans L’Esclavage en Terre d’Islam. Puis il nous présente les Têtes-Noires de l’antique Sumer, le pays biblique de Shinear en Mésopotamie florissant au troisième millénaire avant Jésus Christ que certains chercheurs nomment abusivement des Eurafricains. Là-dessus, je ne vous en dis pas plus.

 

            Il y a dans ce livre des pages parfois troublantes comme la colonisation du Sud de l’Arabie par les éthiopiens qui étaient des chrétiens au début du premier millénaire ; ou encore la présence des Noirs dans le sud du japon longtemps avant son peuplement par des peuples venus du Nord.

                                       

            Quant à la présence des Noirs en Asie du sud, les preuves abondent aussi bien en monuments qu’en présence de traces de Noirs aux traits négroïdes. Ce qui prouve que longtemps avant les Ethiopiens et les Egyptiens aux traits fins, il y avait des peuples noirs des forêts d’Afrique qui ont gagné tous ces lieux de la terre. Si la majorité des peuples d’Asie d’aujourd’hui adorent des Bouddhas aux traits moins négroïdes, c’est tout simplement parce qu’ils ont senti le besoin d’ériger d’autres monuments aux traits proches des leurs plutôt que ceux négroïdes qu’ils avaient trouvés. Les ruines d’Angkor dont l’auteur publie quelques photographies parlent d’elles-mêmes. Tout semble confirmer la thèse de nombreux chercheurs selon laquelle les Noirs seraient les premiers habitants de l’Asie.

 

            Je finis cet article sur un documentaire vu à la télévision française (Arte) le 8 novembre. Les fouilles de Méroé au Soudan, dirigées par une archéologue allemande ont révélé une civilisation aussi épanouie que celle de l’Egypte Ancienne. Des pyramides, des bas reliefs et des inscriptions hiéroglyphiques attestent des règnes de reines noires. Certains monuments rappellent même par leurs ornements la Grèce antique aux dires de chercheurs. Troublant !

 

            Nous entrons dans l’ère de la connaissance de la vraie Histoire des Noirs. Je termine avec cette recommandation du Dr. Chancellor Williams : « Les populations africaines de Palestine, d’Arabie et de Mésopotamie doivent être étudiées avec plus de minutie. Tout cela nécessite une nouvelle race d’érudits, une érudition dont la seule mission sera de découvrir la vérité, et qui ne devra pas frémir de terreur si cette vérité venait à se révéler contraire à ce que l’on préférerait croire. » (in Destruction of Black Civilisation ; citée par Runoko Rashidi, p.15).

 

Raphaël ADJOBI         

 

Titre : Histoire millénaire des Africains en Asie

Auteur : Runoko Rashidi

Edition : Monde Global

Collection essais / Histoire des Diasporas / Lire aussi : Les premiers habitants de la Chine

Publicité
12 novembre 2008

Le Rancheador ( journal d'un chasseur d'esclaves)

El_Rancheador                    Le Rancheador

 

          Journal d’un chasseur d’esclaves

 

            J’ai été tout de suite séduit par la qualité de l’introduction du livre faite par Anne-Marie Brenot qui en est également la traductrice. On se rend très vite compte que cette introduction est le travail d’une spécialiste de l’Amérique latine. Son analyse du style du chasseur d’esclaves, celle des détails ayant retenu ou non l’attention de cet employé  témoignent de son habitude à sonder l’histoire des administrations coloniales sud-Américaines ainsi que les habitudes des esclaves.

            Nous savons tous que l’Histoire de l’Amérique latine, et particulièrement celle des îles, est avant toute chose une grande partie de l’Histoire de l’esclavage des Noirs. Mais ce livre qui est le journal d’un chasseur d’esclaves est très original parce qu’il est un rapport d’activité. C’est le rapport d’une activité officiellement reconnue par l’administration coloniale espagnole à Cuba. Cependant, l’auteur  de ce rapport, Francisco Estévez, l’a écrit avec l’intention de se « disculper en cas de médisances et à faire foi devant les autorités en cas de contestations. » Aussi n’hésite-t-il pas à souligner la dangerosité de sa tâche et la célérité dont il fait preuve pour répondre aux sollicitations des planteurs pour qui un esclave qui prend la fuite est un voleur puisqu’il constitue une perte énorme pour son maître.

            Tout en montrant qu’il fait consciencieusement son travail de chasseur d’esclaves marrons  (« Mon unique désire étant leur extermination ») il souligne l’immensité de sa tâche en dévoilant la bravoure et les ruses des esclaves. Il mentionne le nombre de jours qu’il consacre à chacune de ses opérations ou sorties, et il nous découvre par la même occasion que le marronnage n’est pas seulement le fait de quelques esclaves isolés puisqu’il découvre des campements qui comptent jusqu’à 19 cases (p.75), ou d’autres pouvant compter jusqu’à 80 ou 90 personnes (p.68). Le Ranchéador souligne aussi la difficulté qu’il a à trouver des guides, surtout parmi les Noirs libres (p.76).

            Les détails de ce journal montrent à quel point les esclaves qui prenaient la fuite étaient organisés et combien ceux qui restaient docilement dans les plantations étaient majoritairement solidaires de leurs activités nocturnes. Contrairement à ce que l’on croit, les esclaves marrons (en fuite) exerçaient même une pression réelle sur certaines populations blanches qui pour ne pas subir leurs représailles préféraient taire la fuite de leurs esclaves ou la perte des produits de leur élevage ou de leurs champs. Dans ce livre, les dociles esclaves qu’on nous a toujours peints apparaissent des êtres assoiffés de liberté qui sont prêts à tout braver pour la conserver. Ce livre confirme l’idée de certains chercheurs comme Pierre H. Boulle (Race et esclavage dansla France de l’Ancien Régime) et Odile Tobner (Du Racisme Français) qui croient que la multiplication des rebellions des esclavages qui menaçaient l’effondrement du commerce coloniale et la perte des pouvoirs coloniaux ont été les principaux moteurs de l’abolition de l’esclavage. On peut peut-être ajouter que la rencontre de ces rebellions sans cesse renouvelées avec les idées humanitaires de quelques Européens a fait le reste. Plus jamais on ne devrait enseigner aux Africains que l’abolition de l’esclavage est due à la volonté de quelques philanthropes et aux discours persuasifs des intellectuels Européens.

 

Raphaël ADJOBI

 

Titre   : Le Rancheador (journal d’un

             Chasseur d’esclaves)          

Auteur : Francisco Estévez

             ( Traduit par Anne-Marie Brenot)

Editions :Tallandier

10 novembre 2008

Obama ou de l'appartenance raciale des métis

                                  Obama

          ou de l’appartenance raciale des métis

Obama_assis

            « Historique ! » est le qualificatif venu de tous les continents pour saluer l’élection de Barack Obama, le 4 novembre 2008, à la présidence des Etats-Unis d’Amérique. Selon les radios françaises, c’est le qualificatif qui est revenu le plus souvent à

la Une

des journaux américains. Une élection « historique » parce que l’élu est Noir ou métis. Une Française Blanche dit avoir été envoyée au lit par ses parents la nuit où l’homme a marché pour la première fois sur la lune. Aussi, pour rien au monde elle n’a voulu rater ça. Le parallèle n’est-il pas édifiant ? Une élection « historique » parce que, sans être directement issu de la minorité qui a vécu l’esclavage, l’élu en rappelle la marque visible dans son pays et aux yeux de l’humanité tout entière. Disons-le net, tout le monde reconnaît que le caractère historique de cette élection tient à la couleur de la peau de Barack Obama.

            J’ai lu ça et là que certains Noirs refusent que l’on dise que le nouveau président Américain est noir. Ils préfèrent que l’on dise qu’il est métis parce qu’il y a du sang blanc qui coule dans ses veines. 

            Je me permets de dire ici que le sentiment de ses personnes importe peu parce que se situant très loin de la réalité des faits. Vous pouvez sous le toit de votre demeure être convaincu que cet homme n’est pas tout à fait noir, l’histoire et la vie quotidienne dans laquelle évolue l’homme le classent comme Noir. Selon la pratique des règles chez les blancs depuis les siècles de l’esclavage, quiconque a du sang noir est Noir ou n’est pas Blanc. Nulle part en Europe ou aux Etats-Unis, un métis issu d’un Noir n’a été considéré autrement qu’un Noir ou homme de couleur. En d’autres termes, les blancs ont toujours refusé d’accepter les métis comme des éléments de leur « race ». Que vous le vouliez ou non, il en est ainsi. Et ceux qui ont des enfants métis ou qui sont métis eux-mêmes le savent très bien. C’est comme si les blancs les obligeaient a choisir leur camp.

Qu’on le veuille ou non, dans la conscience collective des blancs, Obama est Noir. Et celui-ci se reconnaît lui-même comme un élément de la communauté Afro-Américaine et non point comme membre de la communauté Anglo-Américaine. Dans ce pays composite que sont les Etats-Unis d’Amérique, on a aucune honte à se définir comme Latino-Américain, Afro-Américain, Juif-Américain, Italo-Américain, Anglo-Américain, Sino-Américain etc. C’est, conscient du caractère composite et fièrement assumé par son pays que McCain a salué le vainqueur qu’il considère Afro-Américain en ces termes : « C’est une élection historique. Je reconnais la signification particulière qu’elle a pour les Afro-Américains, la fierté qui doit être la leur ce soir. […] nous savons tous les deux (Barack Obama et lui) que, même si nous avons fait un long chemin depuis les injustices anciennes qui ont entaché par le passé la réputation de notre nation et qui ont empêché des Américains de jouir pleinement de leur nationalité, leur mémoire reste une blessure […] Il n’y a plus aucune raison maintenant pour les Américains de ne pas chérir leur citoyenneté. »

            Aucun blanc ne dit qu’Obama est Anglo-Américain ; tous reconnaissent qu’il est Afro-Américain à cause de la couleur de sa peau qui ne peut selon eux que le classer dans la « race » noire. La couleur de la peau n’est pas si anodine qu’on veut le croire. Elle est la marque essentielle dans la manière dont les Blancs, les Jaunes, les Rouges ou les Noirs se reconnaissent et reconnaissent les autres races. A ce propos, Cheik Anta Diop affirme l’existence de l’idée de race dans la conscience collective de l’humanité, et cela qu’on le veuille ou non. « Une classification raciale est conférée à un groupe d’individus qui partagent entre eux un certains nombres de traits anthropologiques, ce qui est nécessaire pour qu’on ne puisse pas les confondre avec d’autres. Deux aspects doivent être distingués, le phénotype et le génotype. […] Si on ne considère que le génotype, je peux trouver un Noir qui, au niveau de ses chromosomes, se rapproche plus d’un suédois que Peter Botha. Mais ce qui compte dans la réalité c’est le phénotype. C’est l’apparence physique. Ce Noir, même s’il se rapproche plus au niveau de ses cellules du Suédois que Peter Botha, lorsqu’il se trouve en Afrique du Sud, c’est à Soweto qu’il vivra. Dans toute l’histoire, c’est du phénotype qu’il a toujours été question ; nous ne devons pas perdre ce fait de vue. Le phénotype est une réalité, l’apparence physique est une réalité. […] C’est le phénotype qui nous a causé tant de difficultés à travers l’histoire, c’est donc lui qui doit être considéré dans (les) relations. Il existe, est bien réel et ne saurait être nié. »

            Il est clair – parce que c’est une réalité de fait - que ce n’est point le sang qui coule dans nos veines qui détermine notre appartenance raciale mais bien la couleur de notre peau. Métis ou pas, lorsqu’il allait jouer en Afrique du Sud au temps de l’Aparteid, après les matchs, Yannick Noah était relégué au même statut que les Noirs, c’est à dire au même statut que les gens auxquels il est apparenté au regard de la couleur de sa peau. Récemment aux Etats-Unis d’Amérique, un Blanc qui faisait du porte-à-porte pour la campagne d’Obama avait sonné à la porte d’une maison en Virginie Rurale. Quand il a demandé à la dame pour qui elle comptait voter, elle a crié à son mari à l’intérieur : « Qui on soutient déjà ? – le nègre », a répondu une voix. Elle s’est alors tournée vers le bénévole et lui a dit : « On vote pour le nègre ! » (1)          

Raphaël ADJOBI

(1) Lu dans le journal Le Point.

23 octobre 2008

Le génocide voilé

Le_g_nocide_voil_        Le génocide voilé

 

            Le génocide dont il est ici question est la traite négrière que les arabo-musulmans ont infligée à l’Afrique durant plus de treize siècles et qui subsiste encore sur le continent sous des formes très sournoises. Le ton ferme de l’introduction du livre faite par l’auteur est historique à mes yeux. Il me plaît en effet de savoir qu’un Africain noir de confession musulmane prenne enfin le passé de l’Afrique en main en osant dire clairement ce que fut l’Islam et ce qu’il est aujourd’hui comme héritage pour les Noirs d’Afrique. Après avoir lu le livre de Malek Chebel (L’esclavage en Terre d’Islam), je suis heureux de découvrir celui de Tidiane N’diaye. Nous sommes loin des discours traditionnels qui nous peignent le passé de l’Afrique sous ses atours idylliques.

            L’esclavage, forme suprême de la domination de l’homme par l’homme, est absolument une des caractéristiques fondamentales de l’histoire de l’Humanité. Et le premier chapitre du livre décrit scrupuleusement les formes d’asservissements pratiquées par les sociétés traditionnelles d’Afrique Noire. Cependant, comme l’affirme si bien Tidiane N’diaye sans toutefois tomber dans la hiérarchisation victimaire, « force est de reconnaître que la dimension prise par la traite et l’esclavage qu’ont subi les peuples noirs dépasse en nombre de victimes, en durée et en horreurs tout ce qui avait précédé. Et dans la genèse de ces malheurs, historiquement la traite négrière est une invention du monde arabo-musulman. » (p.16) La dimension et l’intensité de l’esclavage pratiqué par les arbo-musulmans semblent ici d’une cruauté rarement peinte, sinon jamais, dans les manuels proposés dans l’enseignement en Afrique. Préservation de la susceptibilité des musulmans ?

            A certains passages, ce livre rappelle dans son esprit celui d’Odile Tobner (Du racisme français) et nous oblige à nous demander lequel des deux esclavages – la traite atlantique (4 siècles) et l’esclavage arabo-musulman (13 siècles) – fut le plus cruel, le plus intense, le plus raciste. La cruauté de l’esclavage outre-atlantique se révélait dans les conditions de l’exploitation des Noirs entre les mains de leurs maîtres dans les plantations. La cruauté de la traite négrière des arabo-musulmans apparaît surtout dans les conditions d’enlèvement des Noirs sur leurs terres natales. Les conditions des voyages à travers le désert sont extrêmement déshumanisantes et mortelles. La peinture qu’en fait l’auteur donne à réfléchir sur la barbarie qu’a vécue l’Afrique. Las razzias que les chefs des tribus musulmanes du Nord, du Sahara et du Sahel opéraient ont contribué à détruire des villes noires entières. Ce commerce généralisé dans le monde musulman africain, Tidiane N’diaye ne le tait pas et cite les figures historiques des noirs qui ont été des ardents esclavagistes mais qui sont aujourd’hui louées dans certains pays. Il n’oublie pas non plus la castration massive des Noirs convoyés dans les royaumes du Moyen Orient et qui servent aujourd’hui encore comme gardes au Maroc et à la Mecque. Il parle également des armées essentiellement noires constituées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord grâce à la traite des Noirs.

            Les arabo-musulmans, venus nombreux de Perse et de Turquie, ont fait de chaque noir musulman un mercenaire pour la cause esclavagiste avec la bénédiction de l’Islam. L’aveugle solidarité musulmane qui poussent les noirs à tenir plus compte de la consonance du nom que des idées politiques vient de cette colonisation selon laquelle les bons musulmans peuvent faire la guerre aux mauvais musulmans et aux non musulmans. L’autre intérêt du livre est de nous permettre de comprendre le drame qui se joue au Soudan. Il nous montre que la crise humanitaire qui sévit dans cet immense pays est indissociable de la pratique de l’esclavage par les arabo-musulmans et les Touregs. D’autre part, les pirates Somaliens qui, dans l’Océan Indien prennent aujourd’hui les équipages des navires européens en otage pour obtenir des rançons vivaient dans un passé récent de la traite négrière vers l’Asie et le Moyen Orient. Le comptoir turc de Zanzibar était encore florissant au 20è siècle. Et tout cela, gouvernants africains et européens le savaient mais fermaient les yeux.

 

Raphaël ADJOBI

Auteur  :  Tidiane N’diaye

Titre     :  Le génocide voilé (enquête historique)

Edition : Continents Noirs NRF Gallimard.

16 octobre 2008

Aya de Yopougon (Marguerite Abouet)

Aya_de_Yopougon                                     Aya de Yopougon

 

                                                   (bande dessinée)

 

 

            Enfin une bande dessinée africaine qui tient la route.  Marguerite Abouet raconte ici les histoires ordinaires des filles d’Abidjan. Mais elle a choisi de situer les aventures de son héroïne dans le quartier populaire de Yopougon ; Yop City, pour les intimes !

            Avec son coéquipier Clément Oubrerie qui signe les dessins, Marguerite Abouet révèle dans ce premier tome non seulement un talent de grande observatrice des faits de la société ivoirienne mais aussi une excellente narratrice qui manie agréablement l’humour. Aya de Yopougon est un récit plein de fraîcheur africaine aussi bien au niveau du texte que des situations mises en scène.

            Le format choisi par l’éditeur confère à cette bande dessinée un aspect presque luxueux. C’est peut-être le prix qui pourrait être dissuasif sur le marché africain. Pour ma part, je me réjouis de voir sur le marché des livres écrits par les africains. Plus il y en aura, moins le public africain sera tenté de lire des histoires européennes qui n’ont rien à voir avec son mode de vie.

Aya_de_Yop_auteur

Raphaël ADJOBI

 

Titre   : Aya de Yopougon

Auteur : Marguerite ABOUET

Dessinateur : Clément OUBRERIE

Editeur : Gallimard (Collection : Bayou)

14 octobre 2008

Les démocraties contestées

Elections : Les démocraties contestées

Urne__lectorale_2

            En novembre prochain, deux élections majeures auront lieu dans le monde : aux Etats-Unis et en Côte d’Ivoire (si le miracle se produit). Aux Etats-Unis, nous saurons si dans le secret de l’isoloir les Américains auront vaincu la question raciale et auront envoyé un noir à

la Maison Blanche.

En Côte d’Ivoire, nous saurons si pour la première fois un peuple africain aura donné tort à

la France

et aux institutions internationales en refusant de donner la direction de leur pays à celui que l’ancien colonisateur a choisi. En d’autres termes, nous saurons si

la Côte

d’Ivoire a entériné la première révolution en Afrique Francophone depuis 1960 lorsqu’elle a bravé l’armée française en 2004 devant l’Hôtel Ivoire d’Abidjan.

            Puisque les Africains sont prompts à décrier les premiers pas de la démocratie moderne sur le continent, je voudrais leur rappeler ici que les élections présidentielles ou autres ne sont presque jamais parfaites ; même dans les pays où le suffrage universel est devenu une tradition électorale. Les Ivoiriens – particulièrement ceux qui ont versé leur venin sur leur pays et en ont fait le pays le plus raciste et le plus xénophobe de la planète depuis six ans -  ont tout intérêt à réfléchir sur cette liste d’élections contestées que je donne ici mais qui n’ont pas donné lieu à une guerre armée.

            1) En Colombie, en octobre 2004, malgré une commission internationale qui a surveillé le bon déroulement des votes, l’opposition a crié à la fraude et à la reprise des élections. Elle ne fut pas écoutée.                             2) En Afghanistan, à la fin du mois d’Octobre 2004, les partis d’opposition ont manifesté contre les irrégularités des votes.               

            3) Aux Etats-Unis, dès le 29 octobre, les Républicains ont dénoncé la présence sur les listes électorales de près de 100 mille faux électeurs. Le camp adverse a crié à la manipulation de l’opinion publique. Les deux camps ont fait appel à leurs avocats.

            4) Le 22 novembre 2004, après le premier tour des élections en Ukraine (48 millions d’habitants), l’opposition est descendue dans la rue en criant à la fraude. Le chef de l’opposition est proclamé Présidents par ses députés. 

            5) Le 5 janvier 2008, suite aux élections contestées au kénya, le Président élu mais contesté accepte de former un gouvernement d'union nationale ; ce que refuse son opposant direct qui réclame sa démission avant toute négociation. Une façon de s'enfermer dans l'impasse.

            6) Toujours en janvier 2008, en Georgie, on parle de preuves en images des fraudes électorales : images d'électeurs qui viennent voter à plusieurs reprises ; images de personnes tenant les urnes en train de les ouvrir avant la fin des votes.

            7) le 2 mai 2008, cinq semaines après les élections au Zimbabwé (29 mars 2008), la commission électorale livre enfin les résultats. Le président Mugabé est dévancé par son opposant qui n'obtient pas la majorité absolue (47 %). Celui-ci refuse un deuxième tour. Que prévoyait la constitution ? Election du président à la majorité absolue ou relative ?

            8) le 27 juillet 2008, élections aux Cambodge. Selon les médias, le gouvernement en place a institué dans le pays un système de rachat des voix ; ce qui lui permet d'influencer les votes et pérenniser sa mainmise sur le pays.

            9) Le 5 septembre 2008, élections en Angola. On déplore le manque de listes d'émargement dans de nombreux bureaux de vote.

10) Inutile de revenir en détails sur les conditions de la première élection de George Bush qui a permis au monde entier de voir et comprendre que même les vieilles démocraties reposent sur des fondements qui ne sont pas parfaits. En France, plus personne ne s'amuse à comptabiliser les votes nuls ou à faire des commentaires sur les bulletins d’électeurs non reçus. Cependant, suite à l’annulation de l’élection du maire de Perpignan en raison d’une fraude à « la chaussette » (le 16 mars 2008, le président du bureau de vote n°4, frère d’un colistier du maire sortant, a été pris en flagrant délit de fraude avec des bulletins dans ses chaussettes), le journal français La Croixn a publié une liste de toutes les élections des maires annulées ou contestées mais non annulées en 2008. Le recours en annulation représente une commune sur dix en France, soit 300 requêtes sur le territoire ; 10 % des maires voient donc leur élection contestée après chaque scrutin. En ce mois d’octobre, dix annulations et une confirmation ont été prononcées par les tribunaux administratifs qui ont six mois (à partir des élections) pour statuer sur  les recours en invalidation des élections municipales. Mais, précise le journal, « si les recours sont fréquents, les annulations sont rares ». Cependant, aux yeux d’un africain qui regarde une vielle démocratie, cela est beaucoup, sinon trop pour tempérer ses ardeurs à recourir aux armes afin d’obtenir justice.

      

Raphaël ADJOBI

Publicité
Publicité
Publicité