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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
29 juin 2009

Histoires de têtes noires coupées

                            Histoires de têtes noires coupées                        

 

 

T_te_de_n_greMon récent billet sur le livre de François-Xavier verschave (De la Françafrique à la Mafiafrique) était accompagné d’un détail agrandi de la photo de couverture que je reproduis ici. J’avais en effet été beaucoup intrigué par cette image : une tête de Noir trônant sur un pieu planté au milieu d’un groupe de quatre colons.

            En fouillant dans mes souvenirs, je ne suis pas parvenu à retrouver des images ou des récits africains de «blancs coupeurs de tête ». Et pourtant je voyais sur cette photo de couverture la même scène de barbarie que celles abondamment publiées sur le net montrant  les familles américaines blanches rôtissant des noirs et prenant fièrement la pause devant  l’objectif du photographe pour la postérité. La barbarie des Français en Algérie, j’en ai entendu parler. Mais la luxuriante végétation derrière les quatre colons était la preuve que la scène ne s’est pas passée en Afrique du Nord.

            Où donc les français blancs ont pu aussi fièrement se livrer à une telle barbarie qu’on ne prête qu’aux Blancs d’Amérique ? C’est en lisant le livre de Benoît Hopquin (Ces Noirs qui ont fait la France) que la vérité m’a éclaté au visage. Un petit passage du livre parle des chasseurs d’esclaves des îles françaises qui avaient leur marque de fabrique les distinguant des rancheadores des îles espagnoles. Aux Antilles françaises, les chasseurs d’esclaves, « des Blancs mais aussi des Noirs, se faisaient rémunérer chaque main gauche coupée à un fuyard. Ils laissaient les corps à pourrir, sans sépulture […]. Ils ramenaient les preuves sanguinolentes dans un sac afin de recevoir paiement de leur sale besogne. Les trophées macabres étaient ensuite plantés sur les pieux, en place publique, pour l’exemple. » (p.96) Je lève les yeux, écoeuré  mais satisfait d’avoir l’explication de la photo qui m’avait tant intrigué quelques semaines auparavant.      

            Cependant la photo dont il est question me semblait trop récente au regard des tenues des colons. Je reprends donc le Livre de François –Xavier Verschave et j’entreprends de lire tous les éléments du paratexte et je découvre la mention suivante : « Couverture : répression d’une révolte en Côte d’Ivoire au début du XXè siècle. » (cla. Roger-Viollet). Ainsi donc les coupeurs de têtes noires n’étaient pas seulement des esclavagistes ! Ils étaient aussi de fiers colons d’une époque récente issus d’une société dite civilisée qui s’était donné pour mission de civiliser l’Afrique, coûte que coûte, même par décapitation.

 

Raphaël ADJOBI

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17 juin 2009

Téléphonie : comment combattre la mode des numéros masqués

                           Téléphonie : comment combattre

                                     la mode des numéros masqués

T_l_ph

            Depuis l’apparition des écrans sur les appareils téléphoniques, bon nombre d’usagers se sentent gênés dans leurs relations avec leurs différents correspondants. Aussi, outre le fait d’être inscrits sur la liste rouge de leur opérateur téléphonique (non publication de leur nom et de leur numéro dans l’annuaire), ils optent de masquer leur numéro quand ils émettent un appel. C’est à croire qu’ils conçoivent le progrès dans la communication comme une entrave à leur liberté. Mais à regarder le phénomène de près, ce sont ces « inconnus » qui deviennent gênants dans la sphère de la téléphonie.

            A l’origine, être sur liste rouge était une façon commode pour ceux exerçant un métier public à risque, tels les hommes de loi (avocats, magistrats…), d’éviter les menaces et les tentatives d’intimidation. Certains, pour échapper à un membre de leur famille ou à des  connaissances indésirables ont également choisi cette option. Peu  à peu, la pratique s’est généralisée comme si cela conférait de l’importance de dire : « je suis sur liste rouge ». Quels appels dérangeants ces derniers cherchent-ils à éviter ? Les démarcheurs de produits ? Les publicités par téléphone ? Soit. Mais alors pourquoi passent-ils des appels masqués ? Que l’on veuille trier ses correspondants en s’inscrivant sur une liste secrète, cela se comprend. Mais que l’on se permette d’appeler les autres en restant masqué me semble de la plus haute incivilité.   

            Qui oserait en effet ouvrir sa porte à un  individu qui se présenterait chez lui avec un masque sur le visage ? En tout cas pas moi. Et je suppose que vous non plus. Il est donc nécessaire de réfléchir à cette pratique avant de l’adopter. J’invite même le lecteur à la combattre en ne répondant pas aux « numéros masqués ». Je voudrais ici attirer l’attention des uns et des autres et susciter une réaction qui contribue à faire échec à la pratique immodérée des appels masqués qui n’est pas seulement le fait des centrales d’appels ou des sociétés chargées d’appâter les clients. Elle est aussi plus généralement le fait de simples particuliers qui deviennent ainsi des importuns. Ce serait même une façon idéale d’éviter les petits plaisantins et les prétendus camarades d’études dont l’expression traduit l’absence d’études et de la simple civilité.

            Du simple fait que l’on n’ouvre pas sa porte aux visiteurs portant un masque, il importe que chacun s’oblige à ne pas répondre aux appels dont les numéros sont  masqués. Si le correspondant masqué juge son appel important, il ne manquera pas de vous laisser un message. Sans un mot de sa part, il vous aura signifié que rien n’est urgent où d’une grande importance. Faites donc comme moi, ne répondez pas aux appels masqués. Soyez certains que si les non-réponses à ce type d’appels se multiplient, les personnes concernées réfléchiront par deux fois avant d’importuner les autres avec leur masque.

Raphaël ADJOBI

10 juin 2009

De la Françafrique à la Mafiafrique

                      De la Françafrique à la Mafiafrique

 

Mafiafrique

 

            Voilà un petit livre qui me permet de découvrir François-Xavier Verschave que je n’avais jamais lu. Ce texte est la retransmission par Judith Cypel de son exposé-débat qui a eu lieu le 3 décembre 2003  à l’espace Renaudie d’Aubervilliers (Seine-Saint-denis).

            Il est ici question de la naissance et du fonctionnement, depuis 1960, des relations franco-africaines connues désormais sous le vocable Françafrique puis de son évolution en système mafieux généralisé que le conférencier appelle Mafiafrique. Délibérément, François-Xavier Verschave  parle plus du rôle de la France que de celui des gouvernants africains. Cependant, le lecteur comprend clairement que ce système fonctionne exactement de la même manière qu’aux temps de l’esclavage avec la criminalité financière en plus.

            Cette analyse de la mise en place de la Françafrique est très intéressante ; surtout le rappel des figures illustres africaines qui voulaient la vraie indépendance promise officiellement. On retiendra aussi les techniques employées par la France pour la mettre en oeuvre : envoyer des soldats très efficaces déguisés en mercenaires pour que la France ne soit pas responsable de ce qui se passe ; affaiblir un pays pour qu’il vende moins cher son pétrole ou autre exploitation en finançant militairement l’opposition et le pouvoir en place,

comme en Angola ; organiser des coups d’état comme la réinstallation de Sassou Nguesso au pouvoir (p.29-32 ; lecture vivement recommandée) ; pratiquer la désinformation pour que le peuple français ne perçoive rien des fourberies politiques et financières. Edifiants !

            Mais où va l’argent que toute cette politique de mainmise et de destruction apporte aux acteurs français de la Françafrique ? C’est à cette question que répond la deuxième partie de l’exposé. Eh bien, dit François-Xavier Verschave, cette situation permet aux « plus grandes banques françaises d’avoir la moitié de leurs comptes non déclarés dans les paradis fiscaux. » En d’autres termes, cet argent alimente des caisses illicites et permet aux gouvernants français de faire ce qu’ils veulent : financer leurs partis, faire des coups d’état…

            A voir de près, cet exposé montre l’antagonisme existant dans le monde entre d’une part la construction de biens publics que tentent de réaliser les états et d’autre part la criminalité financière qui passe son temps à détruire cette construction par la sauvegarde des paradis fiscaux, ces « pays vassaux, serviteurs de finance parallèle ». Ceux-ci sont en effet un pan économique non négligeable des grandes banques qui par ce biais échappent aux fiscs nationaux , c’est à dire à la contribution ordinaire au fonctionnement des états. T_te_de_n_gre 

            En annonçant ce 3 décembre 2003 que, dans cinq ans, les paradis fiscaux constitueront un drame pour les conquêtes sociales (p.46-47), le public qui écoutait François-Xavier Verschave ce jour-là ne pensait pas entendre un discours prémonitoire. Mais la crise mondiale va lui donner raison en éclatant à la face du monde dans la deuxième moitié de 2008 et au début de 2009. C’est à dire, exactement cinq ans après ! Aujourd’hui, les paradis fiscaux qu’il pointait du doigt en 2003 sont au centre des débats des nations.

            Afin de mieux saisir la complexité des réseaux françafricains, il me faudra lire d’autres ouvrages de l’auteur. Grâce à ce petit livre, la face immergée de l’iceberg que constitue ce système semble prendre une dimension plus grande encore puisqu’elle révèle la face financière qui rejoint un fonctionnement de la finance mondiale. Un peu étourdissant tout cela mais passionnant. Un petit livre à lire et à relire. Le détail de la photo est aussi à regarder.

            

Raphaël ADJOBI

 

Auteur : François-Xavier Verschave

Titre : De la Françafrique à la Mafiafrique  (69 pages)

Edition : Editions Tribord

5 juin 2009

Mercenaires de la République française dans le conflit ivoirien

                    Mercenaires de la République française

                                       dans le conflit ivoirien

Mercenaires

Lentement mais sûrement, les langues se délient et les plumes se montrent de plus en plus allègres pour dénoncer les mensonges de la diplomatie française en Afrique. Le livre de Franck Hugo et de Philippe Lobjois vient d’asséner un coup de pioche supplémentaire à l’œuvre de démolition de cette diplomatie que malheureusement de pauvres africains considèrent encore comme une main salvatrice.

Cinq pages de ce volumineux livre ont suffi aux deux auteurs pour montrer clairement que, contrairement à ce que la France a fait croire à la terre entière au point de susciter des sanctions à l’ONU contre la Côte d’Ivoire, ce n’est point Laurent Gbagbo qui a engagé des mercenaires en 2002 pour défendre son pays. Un mercenaire témoigne que c’est bien la France qui a chargé Marqués, l’ancien bras droit de Bod Denard, de la mission d’intervenir avec la légion étrangère. Il s’est retrouvé en Côte d’Ivoire « avec une dizaine d’autres lascars, des légionnaires pour la plupart recrutés d’urgence. » Il ajoute, comme un fait nouveau, « Marqués a recruté une dizaine de sud-Africains. »

Ils avaient tous un mois à peine pour former une unité solide mais dépendant de l’armée de Côte d’Ivoire. « Vite, nous serons lâchés vers la zone assiégée pour stopper l’avancée de nos anciens copains. » Dans l’ouest, ajoute-t-il, après la prise de Danané par le MPCI, un nouveau mouvement rebelle apparaît : Le MPIGO, formé essentiellement de Yacoubas entraînés par des Yacoubas du Libéria armés par le président Charles Taylor. Dès lors, il n’était plus question d’aller vers le Nord.

En décembre 2002, quand le narrateur de cet épisode rentre en France, il constate que « la main droite (les politiques de la diplomatie française) feint de découvrir la présence de la main gauche » (les mercenaires au service de la France) sur le sol ivoirien. Un peu excédé par cette attitude de la France, le narrateur continue : « Encore une fois la même tactique depuis trente ans : Mercenaire en première ligne, service action en second et détachement de l’armée française en dernier. » Quand la France demande de manière « énergique » que les « méchants mercenaires » rentrent, poursuit-il, Gbagbo n’avait pas envie de les lâcher. « Il faudra toute la dextérité de la diplomatie française pour qu’il cède ». Alors la France promettra à Gbagbo « d’officialiser les soldats français sur place et transformer tout ça en opération Licorne ». Ce qui fut chose faite en janvier 2003.

Quinze jours plus tard, le 6 février 2003, à l’unanimité, les sénateurs français votent une loi interdisant le mercenariat en France. Longtemps, dit le narrateur, les mercenaires ont cru à une blague. Pour eux, la France se tirait une balle dans le pied ; mais ils se rassurent en se disant que la France moralisatrice n’a jamais été capable d’être morale. « On connaît la force des lois, dit un mercenaire, toujours votées jamais appliquées. » Amère, le narrateur poursuit en ces termes : « Faire croire que l’on faisait quelque chose, faire croire que l’on avait changé, que l’on ne gouvernait plus comme avant […] Autour de moi, tout le monde s’était gondolé de rire » à l’annonce de cette loi.

Je ne veux pas ici faire une analyse superflue de ce chapitre du livre. Ce témoignage est tout simplement à verser dans le dossier de dénonciation de la mauvaise foi de la France. Celui des deux auteurs qui raconte cette expérience en Côte d’Ivoire rappelle qu’en 2000, lors d’une conversation précédant son départ du pays, l’un des mercenaires avait dit à leurs anciennes recrues (les rebelles ivoiriens) qu’il appelle « nos anciens copains » : « Le pouvoir est à portée de main. Si j’étais vous, je monterais dans le Nord avec les ouattaristes, et je mettrais sur pied une vraie opposition armée » (p. 345)

Raphaël ADJOBI

Titre : Mercenaire de la République

         (15 ans de guerres secrètes)

Auteur : Franck Hugo / Philippe Lobjois

Edition : Nouveau monde édition           

Petite histoire de la légion étrangère : C’est le 10 mars 1831 que le roi des Français, Louis-Philippe 1er, annonce à la France entière la création d’une légion composée d’étrangers qui prend la dénomination de « Légion étrangère ». La loi stipule que « la légion étrangère ne pourra pas être employée sur le territoire continental du royaume. »

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