Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
23 février 2010

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur (le film)

L_oiseau_moqueur_2Du silence et des ombres

            Je viens de découvrir avec un grand plaisir le film réalisé à partir du livre de Harper Lee : Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur. Grégory Peck y incarne magistralement le personnage de Atticus Flinch grâce à une désinvolture presque synonyme de naïveté dans une Amérique où la conviction de la supériorité des blancs n’admet ni doute ni contestation.

            Le début du film peut faire croire à ceux qui disent que le roman de Lee est un roman pour enfant qu’ils ont raison ; tant leur présence crève l’écran. Mais c’est aussi dans cette première partie que le sens pédagogique de l’œuvre se révèle dans toute son évidence. La présence et le rôle de la servante noire qui semble conduire les enfants de Atticus avec rigueur et bienveillance nous rappelle constamment la dimension humaine de l’œuvre et du personnage de Atticus Flinch. C’est parce qu’ils baignent dans un cadre sain, exempt de tout préjugé que leurs interrogations et leurs actes face au déroulements des événements sont chargés d’humanité.   

Raphaël ADJOBI

Titre : Du silence et des ombres

MEP Vidéo. / Mes éditions préférées /1962

Durée : 123 mn / Lauréat de trois Oscars.

Publicité
17 février 2010

Côte d'Ivoire : Les rebelles pillent mais ne construisent pas

         A Bouaké, les "com-zones" règnent en seigneurs

                          sur le nord de la Côte d'Ivoire

  Enrichis, les ex-chefs rebelles bloquent la réunification d'un pays coupé en deux depuis 2002

    (Article du journal Le Monde du vendredi 12 février 2010 n° 20234, par Christophe Châtelot)

Rebelles_Bouak__2

                Le drapeau ivoirien flotte de nouveau sur la préfecture de Bouaké, la "capitale" rebelle située à 350 km au nord d'Abidjan. Dans la chaleur. Dans la chaleur étouffante de ce début février, l'atmosphère est plombée et le bâtiment plongé dans la léthargie. <<l'important c'est le symbole, de montrer que l'état est de retour>>, reconnaît Traoré Vassiriki, secrétaire générale de cette préfecture fantomatique. Car trois ans après sa signature, l'accord politique de Ouagadougou (APO) qui devait réunifier la Côte d'Ivoire, coupée en deux par la rébellion née au nord en 2002, n'y est pas parvenu. D'Abidjan, le président Gbagbo ne contrôle que le sud. Au nord, les ex-rebelles des Forces Nouvelles (FN) sont enracinés. ce bicéphalisme persistant a provoqué le report - à cinq reprises déjà - de la présidentielle. Et plus personne ne croit en la tenue du scrutin en mars.

                Officiellement, "la zone de confiance" qui séparait physiquement le nord et le sud a été officiellement démantelée. L'ex-chef de la rébellion, Guillaume Soro, a été nommé en 2007 premier ministre par son ancien adversaire Laurent Gbagbo. Mais dans sa préfecture de Bouaké, comme partout au nord, Traoré Vassiriki doit se contenter de "symboles". Le pouvoir réel se trouve à trois cents mètres de son parking désert, à l'Infas, un ancien centre de formation des professions de santé devenu le siège des Forces Nouvelles. Allers, venues, agitation, ballet de puissants véhicules tout-terrain... Ici, on travaille.

                En ce dimanche 31 janvier, les dix "com-zones" du pays - sanglés dans leurs uniformes camouflés et repassés, coiffés d'un béret rouge, bleu, vert ou noir simulant une vraie armée - y sont réunis en conclave. Ces commandants des Forces armées des forces nouvelles (FAFN) qui menèrent la rébellion en 2002 contre le pouvoir central d'Abidjan sont avec leurs milices les véritables maîtres du terrain. Toute la partie nord-ouest (CNO) de Côte d'Ivoire (60% du pays, 30% des Ivoiriens) est sous la coupe du Cherif Ousmane dit "guépard", Ouattara Zoumana, allias wattao et autres seigneurs de guerre. Sous-officiés bodybuildés au début de la rébellion, les "com-zones" règnent aujourd'hui en maîtres, qui ne se lassent pas de piller leurs domaines. <<Ils contrôlent les précieuses ressources naturelles et le commerce>>, dénonce le dernier rapport d'évaluation de l'ONU, remis en décembre 2009 au Conseil de sécurité.

                Les experts décrivaient notamment "une économie de type féodal" tenue par les "com-zones", sécurité, circulation des marchandises, coton, cacao, diamant, essence et armement, rien ne leur échappe. Pas une taxe ne rentre dans les caisses d'Abidjan. Tout comme les paris de la Loterie nouvelle de Côte d'Ivoire (Lonci), version nordiste de la Lonaci abidjanaise. "L'argent va au Burkina Faso, au Mali ou dans les paradis fiscaux", explique un haut responsable de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci).

"Les élections, la réunification, le désarmement, c'est du cirque. Les affaires sont trop bonnes" (Un cadre des Forces nouvelles)

                Il n'y a guère que le slogan écrit sur les murs du lycée de jeunes filles fraîchement repeint et rouvert grâce à l'aide internationale pour proclamer "la Côte d'Ivoire, unie à jamais". <<Et non ! Nous avons braqué le nord et nous ne le lâcherons pas>>, rectifie en souriant un cadre du FN. <<Les élections, la réunification, le désarmement, tout cela c'est du cirque. les affaires sont trop bonnes>>, ajoute-t-il.

                ce trentenaire gère l'un des corridors partant de Bouaké où passent plus de 500 camions par semaine. <<Cumulés, les péages aux différents barrages des FN me coûtent jusqu'à 100 000 francs CFA (environ 170 euros) par semi-remorque>>, calcule un industriel. <<Le coût de la tonne transportée est l'un des plus élevé au monde>>, confirme Jean-Louis Billon, puissant homme d'affaire ivoirien.

                A quelques carrefours de la ville, des policiers des Forces nouvelles règlent tout aussi vainement qu'à Abidjan une circulation chaotique. Et rackettent les conducteurs pour moins cher que dans la capitale économique rongée par la corruption. Cherif Ousmane - et non les casques bleus pakistanais de l'Onuci déployés dans la ville - a aussi remis de l'ordre dans ses troupes de volontaires qui ne gagnaient leur vie qu'en terrorisant la ville. Mais on ne peut parler d'administration. Les fonctionnaires qui avaient fui les combats ne sont d'ailleurs revenus qu'au compte-gouttes.

                Et surtout, le désarmement des milices - 6000 hommes, selon les Forces nouvelles - , leur casernement ou leur intégration dans le Centre de commandement qui associe l'état-major loyaliste et celui des ex-rebelles sont illusoires. <<Nous attendons l'argent d'Abidjan pour rénover les quatre casernes>>, se justifie le "com-zone" Wattao. <<Nous désarmons mais, en fait, nous avons encore nos armes>>, ajoute-t-il, elliptique, le regard dissimulé derrière ses larges lunettes de soleil. Le rapport de l'Onu dénonce, quant à lui, le réarmement des ex-rebelles (et aussi des forces royalistes) au mépris de l'embargo international.

                Certes, à Bouaké, les habitants ordinaires ne regrettent pas de vivre dans une zone franche où l'eau et l'électricité sont gratuites. <<A Abidjan, c'est le désordre, mais à Bouaké c'est le non-droit et l'arbitraire>>, résume un militant des droits de l'homme. Le temps de l'union sacré est d'ailleurs révolu. <<C'est de plus en plus dure pour tous les Ivoiriens [49% vivent avec moins d'un dollar par jour]. Mais moi, je vis ici, et je vois les "com-zones" pleins aux as. Et nous, nous ne voyons pas la couleur de l'argent>>, se lamente Fanta.

                Inscrite dans un programme de réinsertion des anciens combattants financé par la coopération allemande, la GTZ, cette ex-rebelle à la carrure de catcheuse est déçue. <<J'ai fait le coup de feu pour un idéal, confie-t-elle. Je suis allée à la baston>>. <<Mais cet idéal a disparu depuis longtemps>>, regrette-t-elle, une casquette kaki vissée sur la tête, relique de cette époque.

                <<On voulait chasser le régime corrompu de Laurent Gbagbo [président en fonction depuis 2000], oublier le tribalisme en donnant aussi une chance aux gens du nord marginalisés. Pour ça, on a arrêté l'école, on a rejoint les "com-zones". Maintenant, on galère, alors qu'ils nous avaient promis une vie meilleure>>, lâche-t-elle. <<Aucune des parties n'a intérêt à reprendre les affrontements>>, juge un responsable de l'Onuci. Mais pour Fanta, malgré son amertume, <<si ça chauffe à nouveau, j'y retourne>>.

Christophe Châtelot (Le monde / 12/02/2010)                  

9 février 2010

Haïti, à l'ombre de Toussaint Louverture

              Haïti, à l’ombre de Toussaint Louverture

Le blogueur Yoro à lancé il y a quelques jours, une chaîne de solidarité particulière à l'adresse de Haïti. Le principe est simple : écrire quelques lignes pour ce pays. Ensuite taguer trois autres blogueurs. J'ai été tagué par Mohamed Billy. Je m'exécute donc, mais de bonne grâce. 

Aider Haïti, c'est bien ; mais savoir ce qu'il constitue comme symbole, c'est encore mieux. Cela permettra à bien des gens de ne pas le traiter d'ingrat plus tard.

Toussaint_Louverture

            Dans le drame qui vient de secouer Haïti en ce début de l’année 2010, nombreux sont certainement les Africains et les Afrodescendants du monde entier qui suivent les événements avec une pointe au cœur à cause de la symbolique que représente ce minuscule pays dans la conscience collective des Noires. Ce drame rappelle en effet à chacun que Haïti est la première république noire sortie du joug de l’esclavage et de la traite négrière qui ont duré cinq siècles.

            Dès lors, on ne peut que penser à la figure historique du principal héros de son indépendance : Toussaint Louverture. Arrêté au cours de son entrevue avec le général Brunet le 7 juin 1802, il fut transféré avec toute sa famille sur un navire qui appareilla sans trop tarder pour la France. Un arrêté consulaire en date du 23 juillet 1802, signé par Napoléon, le fit transférer et interner au fort de Joux, où il sera tenu au secret avec son domestique Mars Plaisir. Il arrive à cette forteresse située sur la frontière suisse, près de la ville de Pontarlier, le 23 août 1802 et n'en sortira que mort le 7 avril 1803.

            Quelques mois après sa mort, la guérilla noire vient à bout des forces françaises. Vaincues, celles-ci quittent Saint-Domingue le 19 novembre 1803 qui devient alors une colonie autonome. Le 1er janvier 1804, Jean-Jacques Dessalines officialise l'indépendance de la colonie. La naissance de la République noire d'Haïti sonne alors comme la victoire posthume du général en chef des armées françaises de Saint-Domingue, Toussaint Louverture. Dans la fièvre de la Révolution française (1789), quand les esclaves de l'île sonnèrent le signal de la révolte après le célèbre épisode d'une réunion connue sous le nom du « serment du Bois Caïman », c'est en effet Toussaint Louverture qui a rallié à lui les nombreuses bandes et formé une troupe de plus de 2000 hommes. Suite au vote dans l'allégresse de  la première abolition de l'esclavage en février 1794, l'homme avait progressivement installé sur l'île un « pouvoir noir » qui avait abouti à l'adoption d'une constitution coloniale en juillet 1801. Il prit alors le titre de gouverneur général de l'île s'attirant aussitôt l'opposition de Napoléon Bonaparte avec la pression des colons.Le_fort_de_Joux

            Aujourd'hui où tout le monde invoque le ciel, appelant Dieu et tous les saints au secours de l'île, je voudrais ici rappeler l'unique trace du séjour de Toussaint Louverture sur le sol français. Le fort de Joux est le seul lieu où les visiteurs peuvent honorer cette figure noire qui s'est illustrée dans des événements ayant eu un lien étroit avec la Révolution française.

            Oui, Toussaint Louverture est un héros de la Révolution française ; ce qui faisait dire au Président François Mitterand, lui rendant hommage dans ce qui fut sa cellule, qu' « il est un des grands hommes de son siècle, il est le symbole de l'émancipation des esclaves noirs mais aussi de l'émancipation de tous ». Aussi, dans le cadre du bicentenaire de la Révolution française, la ville de Pontarlier (Le Comité du bicentenaire et le Conseil général) a édité en 1989 un petit ouvrage en hommage à Toussaint Louverture. Ce petit ouvrage, que j'ai pu acquérir lors d'une visite au fort de Joux au milieu des années 90,  reproduit les documents officiels de son incarcération, de son combat contre la maladie, ainsi que les différentes représentations qui ont été faites de lui en Europe au 19 è siècle, et un rappel de son combat dans son île à l'avènement de la Révolution française.

Raphaël ADJOBI

°J'aurais tagué Gangoueus, Liss et Caroline K. ; mais tous trois ont déjà parlé de Haïti. Je me pose une question : que devient le blogueur haïtien Roody Edmé ?      

Auteur : Roland Lambalot (conservateur du musée de Joux)

Editeur : Office du tourisme de Pontarlier (1989)

1 février 2010

La sagesse du professeur de français

                    La sagesse du professeur de français

 

 

La_sagesse_du_prof            Cécile Revéret nous fait partager dans ce livre ses réflexions sur son métier d’enseignant et particulièrement sur sa fonction de professeur de français. Ses réflexions sont le fruit d’une trentaine d’années de pratique qu’elle a visiblement vécues comme un combat permanent pour le meilleur de la langue française, canal de tous les autres savoirs académiques mais aussi d’une culture générale qui élève l’être.

            Chaque fois que quelqu’un jette un regard en arrière pour rappeler ce qui, dans son métier, fonctionnait bien parce que produisant des fruits dont la bonne qualité n’est pas contestée, nous avons coutume de le qualifier de nostalgique. Eh bien, Cécile Revéret l’assume et démontre ici comment les multiples réformes qui se sont succédé depuis le début des années 80 ont contribué à transformer non seulement l’enseignement du français dans notre pays mais également à modifier la nature même des enfants dont la formation nous est confiée.

            Ce double constat, l’auteur de La sagesse du professeur de Français s’applique à le montrer par des exemples précis tirés de sa pratique professionnelle. Les parents d'élèves auraient tout intérêt à lire  ce livre afin de prendre connaissance de ce que pense un professeur de français du niveau actuel des enfants évoluant au collège et de ce qui est réellement attendu. Le chapitre consacré aux résultats des techniques de l'apprentissage de la lecture pratiquées dans les écoles primaires est éloquent. Un échec reconnu par tous les enseignants de France, sauf les hypocrites ou ceux qui n'aiment pas la lecture. Il est certain que ce n'est pas le maigre temps accordé à cet exercice dans le primaire - où l’on fait faire des exposés, et donc des recherches, à des enfants qui savent à peine lire - qui renversera la vapeur. C'est pourquoi, dans sa sagesse, l'auteur dit : « lorsque les élèves m'arrivent en 6è, je considère (...) que je travaille sur un terrain vierge. J'entreprends un travail de fond ». Combien de parents clament-ils désespérément que leur enfant n'aime pas lire ? Mais ont-ils vraiment pris la peine de vérifier que l'enfant sait lire, et surtout bien lire ? Car, à vrai dire, « lire mal, c'est à peine mieux que ne pas savoir du tout ».

            C'est avec ce ton franc que l'auteur analyse non seulement les méthodes d'enseignement imposées par l'Education Nationale mais également le système même qui les contrôle par le biais des inspecteurs.  Certes, la partie de sa réflexion touchant l'enseignement du latin apparaît comme un plaidoyer pour sa paroisse. Mais elle témoigne surtout de la grande attente des professeurs de langue vis à vis de leurs collègues de français qui apparaissent à leurs yeux à la fois comme la clef de voûte de notre système pédagogique et la source de toutes les solutions et peut-être aussi de tous les maux.

            Aujourd'hui, il semble que ce sont ceux qui n'ont pas aimé l'école qui en parlent le plus. On peut être certain que donner à organiser l'enseignement à ceux qui n'ont pas aimé l'école, c'est comme trouver le moyen de nous apprendre à la détester et préparer ainsi une ère de décadence culturelle. Aussi, je crois sincèrement que les enseignants doivent prendre plus souvent la parole plutôt que de laisser le soin à d'autres de dire ce qu'ils doivent faire. C'est aux enseignants de « s'enseigner » réciproquement en faisant connaître leurs expériences.   

 

Raphaël ADJOBI

 

 

Titre : La sagesse du professeur de français

Auteur : Cécile Revéret

Edition : L'œil neuf éditions

Publicité
Publicité
Publicité