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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
27 juillet 2020

Le chevalier de Saint-George (Claude Ribbe)

 

           Le chevalier de Saint-George

                                 (Claude Ribbe) 

Le chevalier de Saint-George

          Comment écrire un récit vivant et agréable tout en gardant une extrême proximité avec les archives ? En d’autres termes, comment faire émerger des archives une figure de l’Histoire, la rendre autonome et passionnante sans que jamais le lecteur ne perde de vue le lieu d’où il a été tiré ? C’est la prouesse réussie par Claude Ribbe avec Le chevalier de Saint-Georges qui relate la vie fabuleuse de cet aristocrate noir aux multiples talents qu’a connu le XVIIIe siècle.

          Avant la fin du siècle des Lumières, la noblesse était avant tout «une position sociale avantageuse convoitée par toute la bourgeoisie, sans distinction de couleur». Aussi les origines africaines et serviles de Saint-George, d’Alexandre Dumas (le père du romancier du même nom) et de bien d’autres métis ne choquaient personne dans la société française. On comprend donc que le jeune Saint-George, né esclave en Guadeloupe d’un père blanc reçoive à Paris une éducation aristocratique faite de cours d’escrime, d’équitation, de musique ainsi que d’autres matières théoriques. Mais si la renommée de ce jeune métis retient encore l’attention en ce XXIe siècle, c’est parce qu’il a été unanimement reconnu de son vivant comme le plus talentueux dans tous les arts qu’il a embrassés. Le futur président des Etats-Unis, John Adams, notera dans son journal – après un passage à Paris – que «c’est l’homme le plus accompli d’Europe pour l’équitation, la course, le tir, l’escrime, la danse et la musique». Ses talents d’escrimeur et de musicien lui permettront d’ailleurs de côtoyer des princes d’Europe et de devenir l’ami de la reine Marie-Antoinette. Sur cette dernière relation, Claude Ribbe livre des détails historiques très éclairants quant à l’évolution des sentiments de Louis XVI et de sa cour sur les Noirs.

         Mais le récit de la vie exceptionnelle et trépidante du «dieu des armes» et de ce génie de la musique qui devient, à 23 ans, premier violon et chef d’orchestre du Concert des amateurs, va être aussi mêlé à la politique au moment de la Révolution française. L’aristocrate Saint-George, l’ami des princes et de Marie-Antoinette, fut-il un fervent républicain ? C’est ce que l’auteur essaie de nous démontrer dans les dernières pages du livre après une analyse de la société française où le durcissement des mesures contre les Noirs devenait de plus en plus visible parce qu’ouvertement assumé. Et le lecteur comprend que dans toute société où la couleur de la peau est une infamie, il n’est pas nécessaire d’affubler les personnes racisées d’un autre signe distinctif pour les humilier et les rejeter.

Raphaël ADJOBI

Titre : Le chevalier de Saint-George, 207 pages

Auteur : Claude ribbe

Editeur : Perrin, 2004

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23 juillet 2020

¿ Cuántas lágrimas antes de vivir libres ? Combien de larmes leur faudra-t-il verser pour vivre libres ?

¿ Cuántas lágrimas antes de vivir libres ?

Combien de larmes leur faudra-t-il verser pour vivre libres ? 

° Texte écrit quelques jours avant l'assassinat de george Floyd. Emporté par cet événement, je l'ai oublié. Je viens de le découvrir cette nuit (23/07/2020). Texte écrit en mai 2020. Profondément touché par le ton de mon discours, je n'y ai rien changé. Je ne l'avais pas publié parce que je l'estimais inachevé. Aujourd'hui, je suis incapable de lui donner une suite. Je le laisse donc tel quel ; avec ses imperfections.

Amérique latine

          Depuis que les «Blancs ont infesté la terre comme des poux», aucun peuple parmi lequel ils se sont établis durablement ne connaît la paix. En nouvelle Calédonie, en Austalie, en Afrique du sud, de l’Amérique du nord à l’Amérique du sud, au Groeland, partout on ne lit que larmes et désolation.

          Les Noirs d’Australie ont pratiquement disparu et laissé la place à des Blancs qui se sont déclarés les autochtones des lieux. Partout dans les Amériques, il n’y a qu’un seul mot d’ordre : les populations d’avant l’arrivée des Européens doivent disparaître afin que l’homme blanc soit reconnu comme l’autochtone. Au Brésil et en Argentine, parce que des Noirs ont rejoint les populations faussement baptisées Indiens dans les forêts afin d’échapper à l’esclavage, il faut aujourd’hui leur contester le titre de propriétaires de ces terres immenses qui peuvent rapporter beaucoup d’argent aux Blancs. Alors, on met le feux aux forêts afin de les contraindre à fuir vers des contrées marécageuses où leur vie est synonyme de la mort. Face à la pandémie du coronavirus, ceux des villes sont sommés de ne jamais quitter leur maison insalubres pour aller travailler ou faire leurs courses dans les quartiers riches habités par les Blancs. Privés de soin et de nourriture, ils meurent à domicile.

          Si devant ce grand malheur que représente la cupidité et le mépris criminel de l’homme blanc les Noirs pleurent et meurent comme les moustiques de l’Amazonie, les larmes des «Indiens» interpellent encore plus profondément la conscience humaine et fait prendre conscience de l’ampleur de la suprématie blanche étendue sur la terre entière. En effet, le Noir a été forcé de partager sa vie avec les autres sur la terre des Amériques. Mais voir les larmes du maître des lieux réduit à l’animalité, voir l’autochtone des Amériques verser des larmes de douleur laisse croire aux Noirs que leur lendemain ne sera que souffrance avec l’homme blanc comme compagnon de route. 

          Combien de larmes ceux que l’homme blanc a appelé «Indiens» par ignorance doivent-ils verser pour enfin être libres sur leurs propres terres ? Les Blancs ne tordent le bras qu’à ceux qui font du mal aux Blancs ou les empêchent de s’enrichir ; les Blancs ne tordent jamais le bras à d’autres Blancs qui tuent des peuples qui ne sont pas des Blancs. Sur cette terre, depuis deux siècles environ, nous vivons sous le règne de l’union sacrée des Blancs contre les Noirs et les autochtones des Amériques.

         Cette situation n’est peut-être pas étonnante parce que les populations des Amériques se disent des «Noirs». Oui, c’est ainsi qu’ils se qualifient. Avec ceux de l’Afrique, ils ont des similitudes troublantes. Il n’y a qu’en Afrique et dans les Amériques que l’on trouve des peuples qui portent le plateau labial. Les constructions pyramidale de Koush (Nubie), d’Egypte et de l’Amérique central nous interpellent également. Les immenses têtes négroïdes de l’Amérique central sont la preuve que les Noirs ont longtemps partagé l’espace américain avec les populations que nous reconnaissons comme les premiers habitants des lieux ; même si tous les êtres humaines sortent du berceau africain.

Raphaël ADJOBI    

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17 juillet 2020

Le nouveau visage des Etats-Unis après la mort de George Floyd

            Le nouveau visage des Etats-Unis

                   après la mort de George Floyd

Theodore Roosvelt sera déboulonné

          Après la mise à mort filmée de George Floyd à Minneapolis, aucun pays européen ne s’attendait à son retentissement mondial et aux nombreuses manifestations anti-racistes qu’elle a provoquées. Et surtout, personne ne s’attendait à ce qu’elle interrogeât aussi profondément les Européens et leurs passés esclavagiste et colonial dont les conséquences perdurent dans nos sociétés modernes. Quand les premières vagues de manifestations atteignirent l’Europe, comme d’habitude, les médias français et quelques hommes politiques entonnèrent les éternels cantiques : c’étaient une «bavure policière» et des «manifestations communautaristes» ! Mais voilà qu’à partir du début du mois de juin nous parvient le bruit des statues que l’on fait chuter de leur piédestal.

          Après un moment de cacophonie, le débat a été sérieusement engagé aux Etats-unis, en Angleterre, en Belgique et a donné des résultats suite à une définition très claire de l’espace public : l’espace public reste un lieu soumis au changement ; ilappartient à tous et n’est nullement un lieu de culture ou de l’enseignement de l’histoire ! Et en un mois, les Etats-Unis et la Belgique semblent avoir rattrapé leur retard sur le Canada – champion du débat-citoyen sur ce qu’il convient de faire des statues et autres monuments commémoratifs jugés offensants pour les peuples autochtones.

          Aux Etats-Unis, si à Richmond (Virginie), la statue de l’ancien président Jefferson Davis a été déboulonnée, si dans cette même ville la statue de Christophe Colomb a fini dans un lac, si celle le représentant à Boston a été décapitée, et une autre à Baltimore (Maryland) a été déboulonnée, dans de nombreux cas, ce sont les autorités elles-mêmes qui, sous la pression populaire, ont retiré les effigies des hommes honorés avant que les manifestants s’en chargent. Il en est ainsi de la statue de Christophe Colomb à San Francisco et de celle de l’ancien président Théodore Roosevelt à Central Park (New York). Même la monumentale statue de cet ancien président trônant à cheval - «flanqué d’un Amérindien et d’un Africain» à pied - depuis 1940 à l’entrée du Muséum d’histoire naturelle de New-York «va être déboulonnée» (New York Times) et placée à l’intérieur du bâtiment. L’université de Princeton quant à elle a décidé de retirer le nom de l’ancien président Woodrow Wilson de deux de ses bâtiments et d’une résidence d’étudiants ; «Les administrateurs ont conclu que la pensée et les politiques racistes de Woodrow Wilson faisaient de lui un homonyme inapproprié pour une école ou un collège dont les universitaires, les étudiants et les anciens doivent s’opposer fermement au racisme sous toutes ses formes» (Christopher Eisgruber – président de l’université). Phrase à méditer sous d’autres cieux ! Les bases militaires portant les noms de sudistes racistes ont été débaptisées. Des marques alimentaires du pays ont décidé de retirer les logos jugés racistes de leurs produits (exemple «Uncle Ben’s»). Pour forcer Facebook à étoffer les règles de sa responsabilité et à lutter contre la haine en ligne, des annonceurs (Coca Cola, Unilever…) ont décidé de rompre avec ce gérant de réseaux sociaux...

George Floyd Ranger 2

          Rappelons que le combat des anti-racistes américains contre les statues à la gloire des esclavagistes blancs a une longue histoire animée par diverses associations de Noirs et de Blancs. Ici comme au Canada, selon l’historien Alan Kraut de l’American University, la mort de George Floyd a servi de «catalyseur» à un mouvement de «réévaluation» du passé déjà engagé. L’un des moments les plus marquants de ce combat a été celui qui a opposé les partisans et les adversaires de la statue du général sudiste Lee à Charlottesville en Virginie. Suite aux affrontements entre ces deux groupes, le gouverneur de la Virginie déclara en août 2017 : «Les monuments aux confédérés sont devenus des points chauds de haine, de division et de violence. J’encourage les autorités des villes de Virginie et l’Assemblée générale (de l’État) disposant des pouvoirs nécessaires à démanteler ces monuments et à les transférer dans un musée ou dans un endroit plus approprié». Ce sont là encore des paroles à méditer sous d’autres cieux où l’on parle de cohésion sociale sans aucun geste symbolique. Après avoir tergiversé un moment, la ville fera retirer définitivement la statue en février 2018. 

         Selon un sondage de l’institut Pew, publié à la mi-juin, sept Américains sur dix, toutes origines et couleurs confondues, ont participé au débat sur la question raciale depuis la mort de George Floyd. Il faut se réjouir de voir les institutions de l’État qui sont indubitablement les plus représentatives des populations de la nation et donc des usagers des espaces publics du pays – conseils d’établissements scolaires, de municipalités, de départements et de régions – prendre l’initiative d’étudier les noms et les images des personnalités de leur histoire qui méritent leur hommage. C’est effectivement l’une des meilleures façons pour les institutions politiques de montrer à chaque citoyen la voie à suivre pour combattre le racisme. Il reste maintenant aux institutions judiciaires à ne plus se montrer complaisantes à l’égard des crimes racistes de la police.

Raphaël ADJOBI

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