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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
26 mai 2011

Mots d'excuse (Les parents écrivent aux enseignants)

                         Mots d'excuse

          Les parents écrivent aux enseignants

 

Mots_d_excuse_0001            Voici le livre que tous les enseignants ont rêvé de publier. A un moment ou à un autre de sa carrière, l'enseignant  a pensé ou pense qu'il serait intéressant de publier un livre fait de la somme des mots qu'il reçoit des parents. Patrice Romain l'a fait. Quel est donc cet intérêt ? Avant tout, montrer les rapports houleux entre cette profession et les familles. Permettre ensuite de voir, hors du cercle familial, la relation que les humains ont les uns aux autres avec l'enfant placé au centre des débats.

 

            Il est certain qu'une telle compilation révèle plus que l'humeur des hommes et des femmes. Elle est l'image d'une société à un moment donné. Et l'image de la société française en ce début du XXIè siècle est celle de l'amour de soi, des certitudes vite affichées et de la défense de l'enfant roi. Dans une cinquantaine d'années, d'autres  "mots" révéleront sûrement un autre état d'esprit de notre société.

 

            Mots d'excuse est un recueil plaisant dont la lecture ne peut se faire que ponctuée de rires qui arrachent des larmes. Bien sûr, quand rien ne va, c'est vers l'enseignant, Dieu le Père, qu'il faut se tourner à défaut de l'accuser de tous les maux.

 

            Monsieur,

                        Vous me dites que Christophe était encore en retard ce matin. Je vous promets pourtant que je le lève avant de partir travailler. Pouvez-vous lui expliquer que le plus court chemin pour aller d'un point à un autre c'est la ligne droite et non pas le tour du quartier parce que à mon avis il doit prendre le chemin des écoliers.

            Salutations.

 

            Certains mots sont d'une logique imparable !

 

            Monsieur,

                        Mon fils était en retard hier, mais il navait pas de mot parsse que si je fesais un mot il serait encore plus en retard et vous aurez été encore plus en colère.

 

            Madame,

                        Vous me demandez un mot d'excuse pour le retard exceptionnel de Charlotte. Soit. Ne pensez-vous pas cependant qu'à l'heure où se prépare peut-être la 3ème guerre mondiale il y a des choses plus importantes dans la vie ?

            Salutations distinguées.

 

            Et sur les retards, il ne faut pas être trop pointilleux ; sinon....

 

            Monsieur,

            Oui Thomas arrive souvent en retar et non je ne fait pas de mot. Mais si vous voulez maidé le matin avec les quatres a habiyé, ya aucun problème je vous ouvre la porte quand vous voulez.         

 

            Il arrive que ces mots nous introduisent directement au coeur des foyers et parfois même des conflits conjugaux.

 

            Monsieur,

                        Veuillez excusé l'absence de Cédric hier mais ses mon ex mari qui l'avez ce week end et il est parti chez les parents à son espesse de copine en Bretagne et ce faignant il a pas eu le courage de me le rendre dimanche soir il la gardé à dormir chez lui mais ne vous en faite pas j'ai téphoné à mon avocat et ça va chaufé pour son matricule car lécole ses important.

 

            Et c'est justement sur ce dernier chapitre que les avis divergent sur l'intérêt de Mots d'excuse. Dans le Cahier du "Monde" N° 20413 du vendredi 10 septembre 2010, Jean Birnbaum semble nous dire qu'il n'est pas sain d'étaler ainsi la photographie de la misère : « ... tout le malaise vient justement du fait qu'aucune photographie n'est neutre, et que celle-ci est livrée sans légende. Or, par de-là leur désordre apparent, les "mots d'excuse" laissent entrevoir une société d'ordre, un univers où tout accroc aux règles se trouve sanctionné par l'exclusion des plus faibles, à jamais "inexcusables". Pour en prendre la mesure, il aurait fallu inscrire ces écritures précaires dans leur contexte culturel et social. »

 

            Il apparaît évident que l'auteur de l'article a fait une lecture misérabiliste et catégorielle du livre. Nulle part dans ce recueil n'apparaît la volonté de montrer du doigt les plus pauvres même si dans l'esprit du commun l'orthographe approximative de certains "mots" nous y renvoie.

 

            Il convient ici de rappeler à Jean Birnbaum deux choses : La première, c'est que l'école de la République accueille indistinctement les enfants de tous les milieux sociaux et culturels. Il est même sûr que certains "mots" émanent de la plume de ceux que l'on nomme communément les notables des cités de France. La misère de l'esprit de notre époque y apparaît autant que dans les écrits à orthographe approximative. En d'autres termes, la misère de l'esprit n'est pas le monopole des pauvres. La deuxième chose, c'est que l'orgueil n'est pas non plus le monopole des riches. Et bien souvent les pauvres le clament beaucoup plus fort parce qu'ils pensent que les riches les croient indignes de ce sentiment.

 

            Aussi, on ne peut nullement considérer la publication de ces « Mots d’excuse » comme une façon de sanctionner les plus faibles ou de les montrer du doigt afin de les frapper d’une quelconque exclusion. Tous les parents qui s’expriment par ces mots n’ont absolument pas le sentiment d’être des faibles, des parias qu’il faut cacher, qui n’ont pas le droit de faire valoir leur sentiment parce qu’ils ont une orthographe boiteuse. Non ! Tous témoignent d’une volonté de se faire entendre, de dire qu’ils existent ! C’est justement pour cela qu’ils écrivent. A force de ne les considérer que comme des faibles, les médias et les hommes politiques ne les écoutent jamais. Bien sûr, on sourit et on rit en lisant ces « mots ». Mais chacun d’eux porte en lui la fierté des êtres, parfois fragiles certes, mais des êtres qui n’attendent qu’une chose : être entendus !  Et l’enseignant auquel ils s’adressent est pour eux un agent de l’Etat, une oreille de l’Etat. Pourquoi donc se gêner pour une fois qu’on a cette occasion ? Leurs propos devraient-ils être cachés parce que remplis de maladresses, de fautes lexicales et grammaticales ou parce qu'ils révèlent leur univers ? Quelle injustice ! 

 

Raphaël ADJOBI

 

Auteur : Patrice Romain

Titre : Mots d'excuse (125 pages)

Editeur : François Bourin Editeur, août 2010

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Commentaires
H
Avis à toutes et à tous : Patrice Romain, l'auteur, a sorti un deuxième livre : "Journal de bord d'un directeur d'école". C'est drôle, tendre et émouvant. A lire absolument !
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S
Je vois, mon cher Obambé, que comme moi tu as pris beaucoup de plaisir à lire ce livre. Il est génial ! Je ris beaucoup aussi ! Le niveau intellectuel de la France s'y peint de manière éclatante. Nous sommes d'accord sur ce chapitre. Tiens, ce mot n'est-il pas plaisant ? "Et encore une punition ! Et encore une fois, Stéphane me dit qu'il est innocent ! C'est de l'acharnement pédagogique, ça !"
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O
Quand j’avais entendu parler de la sortie de ce livre. J’avais ri. En lisant des extraits de ces mots de parents adressés aux enseignants, je me suis écroulé sur le sol. En achetant le livre et en le lisant, c’est autour de moi qu’on a été agacé : je dérangeai la paix sociale avec mes fous-rires !<br /> Je suis souvent partagé : longtemps, en France on m’a dit « Tu sais, pour les fautes, il faut comprendre les gens ! Beaucoup de Français n’ont pas le bac (…) » Faux et archi-faux car dans le monde de l’entreprise, quand on reçoit des mails de certains clients ou démarcheurs, des gens archi-diplômés de grandes écoles, on n’est pas loin de certains pauvres parents qui se sont arrêtés au CAP, au BEP etc.<br /> Je préfère donc en rire, ainsi va le monde. <br /> En parlant de vie privée : « Veuiller escusé mon fils qui en se moman na pas le tant de faire ses devoirs passque je suis encore enceinte passque mon ex mari est revenu me voire et sa na pas loupé pourtan sétait juste une fois. Du cou je vomi tout le tant et Franck pleure a la maison passque je cri et il doit socupé de ses frères et sœurs mais moi je ne peus pas. »<br /> Quand on écoute les sages conseils du juge… « Monsieur,<br /> Maintenant sa sufi laché mon fils<br /> ca commence à bien faire.<br /> C'est moi son père et ses mon problème.<br /> Je préfère pas me déplacé car le juge ma di qui fallait plu que je ménerve. »<br /> Quand on menace d’appeler SOS raciste : « Madame,<br /> J’ai bien vu que vous punisser souvant les gens de couleurs. Attention je connait SOS raciste et le RAP. »<br /> Quand on découvre que dans certains familles, la rivalité commence tôt : « Monsieur,<br /> Merssi pour le passage en 6ème a Kevin. Ces grace a vous que il va ratrapé son cousin qui redouble. Merssi encor »<br /> <br /> @+, O.G.<br /> <br /> P.S. : Merci St-Ralph. J’ai encore bien ri.
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S
Chère Liss, <br /> <br /> Je savais que tu t'arrêterais sur ce billet. N'est-ce pas que tu as rêvé d'une telle compilation ? Si sur le terrain ces mots ne nous font pas toujours rire, avec un peu de recul, ils sont un vrai plaisir. Quant à celui qui croit que les publier c'est faire tort aux classes socilales les moins armées culturellement et financièrement, il ferait bien de regarder avec un peu plus d'attention l'esprit de ceux qui l'entourent. Dans tous les milieux, on retrouve les mêmes portraits.
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L
Merci pour les extraits, il y a de quoi éclater de rire, en effet. Je ne vois pas non plus pourquoi se récrier, les fautes ne diminuent en rien la capacité de communication dont sont chargés ces "mots", au contraire ! <br /> c'est un livre qu'il ferait bon lire, surtout pour un enseignant ! Merci pour la découverte.
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