Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

Lectures, analyses et réflexions de Raphaël

1 février 2010

La sagesse du professeur de français

                    La sagesse du professeur de français

 

 

La_sagesse_du_prof            Cécile Revéret nous fait partager dans ce livre ses réflexions sur son métier d’enseignant et particulièrement sur sa fonction de professeur de français. Ses réflexions sont le fruit d’une trentaine d’années de pratique qu’elle a visiblement vécues comme un combat permanent pour le meilleur de la langue française, canal de tous les autres savoirs académiques mais aussi d’une culture générale qui élève l’être.

            Chaque fois que quelqu’un jette un regard en arrière pour rappeler ce qui, dans son métier, fonctionnait bien parce que produisant des fruits dont la bonne qualité n’est pas contestée, nous avons coutume de le qualifier de nostalgique. Eh bien, Cécile Revéret l’assume et démontre ici comment les multiples réformes qui se sont succédé depuis le début des années 80 ont contribué à transformer non seulement l’enseignement du français dans notre pays mais également à modifier la nature même des enfants dont la formation nous est confiée.

            Ce double constat, l’auteur de La sagesse du professeur de Français s’applique à le montrer par des exemples précis tirés de sa pratique professionnelle. Les parents d'élèves auraient tout intérêt à lire  ce livre afin de prendre connaissance de ce que pense un professeur de français du niveau actuel des enfants évoluant au collège et de ce qui est réellement attendu. Le chapitre consacré aux résultats des techniques de l'apprentissage de la lecture pratiquées dans les écoles primaires est éloquent. Un échec reconnu par tous les enseignants de France, sauf les hypocrites ou ceux qui n'aiment pas la lecture. Il est certain que ce n'est pas le maigre temps accordé à cet exercice dans le primaire - où l’on fait faire des exposés, et donc des recherches, à des enfants qui savent à peine lire - qui renversera la vapeur. C'est pourquoi, dans sa sagesse, l'auteur dit : « lorsque les élèves m'arrivent en 6è, je considère (...) que je travaille sur un terrain vierge. J'entreprends un travail de fond ». Combien de parents clament-ils désespérément que leur enfant n'aime pas lire ? Mais ont-ils vraiment pris la peine de vérifier que l'enfant sait lire, et surtout bien lire ? Car, à vrai dire, « lire mal, c'est à peine mieux que ne pas savoir du tout ».

            C'est avec ce ton franc que l'auteur analyse non seulement les méthodes d'enseignement imposées par l'Education Nationale mais également le système même qui les contrôle par le biais des inspecteurs.  Certes, la partie de sa réflexion touchant l'enseignement du latin apparaît comme un plaidoyer pour sa paroisse. Mais elle témoigne surtout de la grande attente des professeurs de langue vis à vis de leurs collègues de français qui apparaissent à leurs yeux à la fois comme la clef de voûte de notre système pédagogique et la source de toutes les solutions et peut-être aussi de tous les maux.

            Aujourd'hui, il semble que ce sont ceux qui n'ont pas aimé l'école qui en parlent le plus. On peut être certain que donner à organiser l'enseignement à ceux qui n'ont pas aimé l'école, c'est comme trouver le moyen de nous apprendre à la détester et préparer ainsi une ère de décadence culturelle. Aussi, je crois sincèrement que les enseignants doivent prendre plus souvent la parole plutôt que de laisser le soin à d'autres de dire ce qu'ils doivent faire. C'est aux enseignants de « s'enseigner » réciproquement en faisant connaître leurs expériences.   

 

Raphaël ADJOBI

 

 

Titre : La sagesse du professeur de français

Auteur : Cécile Revéret

Edition : L'œil neuf éditions

Publicité
18 janvier 2010

Le voile intégral et la ceinture de chasteté

      Le voile intégral et la ceinture de chasteté

 

Burqad_le_voile_2

            La multiplication du voile intégral dans le paysage social français semble suffisamment conséquente pour susciter  des questions sur l’avenir les valeurs de la France. Quand son usage se limitait  aux premières générations d’immigrés faites de femmes aux foyers et illettrées, peu nombreuses d’ailleurs, cela n’inquiétait pas les autres Français qui les voyaient comme des étrangères aux mœurs étranges. Depuis que – par on ne sait quel phénomène de mode – des lycéennes, des étudiantes, des employés de bureau  découvrent les délices du voile intégral, de nombreuses voix s’élèvent ça et là pour dénoncer son intrusion dans tous les lieux protégés par les lois de la République.

 

            Ce n’est donc pas le voile qui fait peur, mais son insinuation dans les lieux publics, les écoles, les administrations, les commerces, les lieux de loisirs entraînant par voie de conséquence la modification des règles de la vie sociale. Car, ne l’oublions pas, le voile est un signe religieux qui véhicule des croyances et des pratiques exigeant elles-mêmes des règles sociales appropriées et souvent sectaires.

            

            Plus nombreux sont sans doute ceux qui voient dans cette floraison du voile la main des islamistes étrangers ; ceux qui ont les moyens de financer des immenses mosquées pour les plus pauvres de la terre parce qu’ils voient dans ce signe tapageur le drapeau qu’ils plantent en terre conquise. Le voile des femmes serait donc la marque de l’appropriation d’un espace nouveau.

 

Sous le voile, le sexe

 

 

            Dans cette agitation devant le voile qui, peu à peu, recouvre la France, il me semble que l'on a oublié de parler de l'essentiel : la femme ! Or, celle qui porte le manteau du voile devrait être remise au centre des débats. Car dans la vie quotidienne c'est finalement elle qui inquiète et subit la désapprobation de ses concitoyens. L'homme, l'époux, est oublié. Interrogez-le. Il vous jurera par Allah que c'est sa femme qui a pris la liberté de se couvrir. Lui n'a pas eu son mot à dire. Interrogez la femme. Elle confirmera les propos de son mari et ajoutera que non seulement sa foi l'exige mais aussi qu'ainsi elle est respectée. Hors du voile, point de respect donc.

 

            Je retiens pour ma part qu'instrument ou non des islamistes ou des époux, la femme est l'otage des hommes. Placée entre le marteau planant sur sa tête et l'enclume (islamistes et époux d'une part, et les lois républicaines de l'autre), elle est contrainte de faire l'apologie de l'instrument de son asservissement à l'homme. De même que hier la ceinture de chasteté garantissait à l'homme l'exclusivité du précieux sexe féminin, aujourd'hui, c'est sous le couvert de la religion et de la foi que l'homme musulman français a trouvé dans le voile intégral la préservation de ce qu'il considère comme un bien privé qui ne saurait porter l'étiquette Liberté.

 

            Voilà qu'en France, des femmes venues d'ailleurs ou dont les parents sont venus d’ailleurs en clamant fuir la prison pour le pays des libertés, descendent dans les rues pour réclamer une prison dorée sous le voile ! Non contentes de cela, elles font de leur lugubre manteau le fer de lance d'un combat qui vise la révision des lois républicaines pour s'adapter  à leur pratique religieuse. Mais savent-elles qu’ici Dieu est mort ? Savent-elles qu’ici les lois de la République priment sur la chose religieuse reléguée au cercle privé ? Savent-elles qu’ici l’église et l’état sont séparés et qu’il appartient à ce dernier de prescrire les lois à suivre ? Qu’elles commencent par apprendre les règles du pays avant d’entreprendre de les changer ; car « quand on va au pays des crapauds et que l’on voit ses habitants accroupis, plutôt que de demander une chaise, on fait comme eux ». C’est sûrement cette sagesse qui les sauvera du joug des Islamistes et de leurs époux.

 

            Il est certain qu’avant d’être une question de foi, le voile est avant tout intimement lié au sexe. Quel homme n’aimerait-il pas, consciemment ou inconsciemment, voir sa femme évoluer librement dans n’importe quelle société avec la ferme conviction qu’elle porte un signe visible qui oblige tout autre homme à la considérer comme inaccessible. Comme la ceinture de chasteté, le voile est une marque répulsive pour les autres hommes mais que seul peut ôter l’époux pour s’offrir ce qu’il cache : le corps et le sexe !  Le voile n’est donc, avant tout, que l’expression du rêve masculin de la possession exclusive du sexe féminin enfoui en chacun de nous.

 

Raphaël ADJOBI

7 janvier 2010

Au secours, le prof est Noir !

                                           Au secours, le prof est noir

 

Au_secours__le_prof_est_noir__            Ce livre est à inscrire au nombre des témoignages sur les déchirures que nos concitoyens blancs infligent quotidiennement à notre âme et dont les solutions ne dépendent pas de nous. Le seul avertissement que je pourrais donner à tout Noir qui, dans son petit coin de France, dirait n’avoir jamais connu de racisme est de ne jamais accuser ceux qui disent en souffrir de paranoïa. Chacun sait bien que rares sont les individus qui se déclarent ouvertement racistes ou même qui reconnaissent avoir parfois une attitude raciste. Cependant, la similarité des expériences recensées ici  étonnera le lecteur, même le plus négationniste du racisme français.

            Serge Bilé et Mathieu Méranville livrent ici les résultats de leur enquête sur le racisme dans l’éducation nationale. Un livre construit donc sur la base des témoignages des enseignants noirs issus des Antilles françaises et d’Afrique francophone. Tous français de souche ou d’adoption, confiants dans les principes d’égalité prônés par la France.

            Il apparaît dans  cette enquête trois visages du racisme : d’une part, un racisme culturel qui se manifeste dans des propos apparemment anodins au point même où leurs auteurs n’ont pas conscience de leur caractère à la fois aberrant et blessant ;  d’autre part, un racisme épidermique qui vise délibérément à blesser par des expressions ou des mimiques méprisantes ;  enfin, un racisme à vocation institutionnelle, c'est-à-dire qui vise à se poser comme le défenseur d’un certain ordre républicain contre les principes républicains eux-mêmes. Le fait que ces trois visages du racisme s'expriment dans un corps professionnel où le niveau intellectuel élevé confère une certaine admiration étonne davantage et apparaît moins pardonnable. 

            Aussi, en lisant ce livre, on finit par se convaincre que la France a absolument tort de continuer à être le seul pays « occidental » à nier la nécessité de traiter certains problèmes sociaux sur la base ethnique. C’est uniquement en France, en effet, que l’on juge nécessaire de faire des enquêtes ou des sondages pour savoir comment les femmes, les personnes âgées, les homosexuels, les hétérosexuels, les riches, les pauvres, les obèses, les chiens, les chats, les gauchers… vivent dans notre société, quels sont leurs besoins, quels rapports entretiennent-ils avec tel ou tel groupe social, mais où l’on refuse de se poser les mêmes questions quand il s’agit des Noirs, des Beurs ou des Jaunes ; en d’autres termes quels sont les problèmes et les besoins spécifiques des minorités nationales. Pourtant, user du terme « minorité » signifie déjà identifier un groupe social reconnaissable et donc analysable.

            Le livre de Serge Bilé et Mathieu Méranville nous offre un outil inestimable pour juger de l’ampleur des dégâts que les blessures racistes quotidiennement répétées causent dans les âmes de ceux qui n'ont jamais la parole pour crier leur douleur. Le plus grave, c'est que l'on oublie que ces hommes et femmes aux âmes continuellement meurtries sont chargés de l'éducation des enfants qui sont l'avenir de la France. L’état lui, n’oublie pas de faire d’eux les pompiers des quartiers sensibles au système éducatif défaillant. Pratique qui alimente les débats au sein des minorités noires dans d’autres pays majoritairement blanc comme les Etats-Unis, le Canada et l’Angleterre où l’affectation des enseignants noirs dans des écoles noires s’institutionnalise.

            Quant à ce que disent les enseignants noirs sur le système éducatif français, il est exactement ce qu’en disent leurs compatriotes et collègues blancs : un échec sur le plan humain, relationnel, et aussi sur le plan du savoir.  Les familles pourront donc trouver dans ce livre matière à réflexion sur l'état de notre système éducatif. La crise est si profonde que les solutions à chercher ne relèvent plus seulement de la compétence des enseignants. 

 

Raphaël ADJOBI

Titre : Au secours, le prof est Noir !

Auteurs : Serge Bilé & Mathieu Méranville

Editeurs : Pascal Galodé

17 décembre 2009

Les autodafés et autres morts en spectacle

      Les autodafés et autres morts en spectacle

         

Dans mon précédent billet, je crois que ce fut une erreur d'avoir noyé la réflexion faite sur la mort en spectacle dans le commentaire que j'ai donné du livre de Jean Teulé. J'ai donc décidé de publier à nouveau cette réflexion indépendamment du livre qui l'a inspirée afin de rendre son accès plus aisé aux internautes.

                 La mort en spectacle, une culture Européenne

Autodaf__d_finitif            En lisant les pages monstrueuses de Mangez-le si vous voulez de Jean Teulé, je ne pouvais m’empêcher de penser à toutes ces personnes qu'on menait, partout en Europe, au bûcher dans une ambiance de kermesse. Je m’imaginais tous ces autodafés souvent organisés devant le parvis des cathédrales où les foules s’amassaient, hommes, femmes et enfants pour admirer dans des cris de joie les flammes emporter dan le néant les âmes accusées de je ne sais quelle peccadille ou crime imaginaire.

            Je comprends alors qu’une des profondes différences culturelles qui séparent radicalement l’Européen et l’Africain des siècles passés  se situe là, dans le spectacle de la mise à mort. Sans le savoir, cette pratique que l’on découvre dans tous les siècles de l’histoire de l’Europe a dû surprendre les peuples Africains quand de manière brutale ils ont été mis en contact avec les hommes blancs.

            En Afrique occidentale, en pays Akan, lorsque l’on sent sa vie menacée par un individu ou une colère collective, la première chose qui vient à l’esprit de celui qui se sent en danger est de courir se refugier auprès d’un vieil homme. Ce geste est reconnu par tous comme une demande de protection que tout agresseur se doit de respecter scrupuleusement. C’est un peu le drapeau blanc en cas de guerre pour les Européens ; à la seule différence que se refugier auprès d’un vieil homme annule immédiatement tous les droits de l’agresseur et place la victime sous l’autorité des sages. En Europe, aucun symbole protecteur n’existe dans la vie civile pour vous garantir une vie sauve en cas de lynchage, d’agression collective concertée. C’est ce qui a manqué à Alain de Monéys, le personnage principal du livre de Jean Teulé, à qui la présence du maire et celle du curé du village n’ont été d’aucun secours.

            En réfléchissant bien, en nous plongeant dans le passé de l’Europe, on découvre que celle-ci a, face à la mort, une conception qui n’existe pas dans les cultures africaines : la dimension du spectacle dans la mise à mort. Dans la mort que l’on inflige à l’autre, l’Afrique connaissait la dimension sacrificielle ; quant à l’Europe, c’est la dimension spectacle qu’elle a toujours cultivée.

            Au premier siècle de notre ère, Néron, soupçonné d'avoir incendié Rome, prit la décision de faire massacrer les chrétiens qu'il accusait à son tour d'être à l'origine de ce forfait qui menaçait son honneur et son pouvoir. Le peuple qui avait sans doute ses raisons d'en vouloir aux chrétiens avait alors applaudi cette décision. Mais ce à quoi il ne s'attendait pas, c'était la mise en scène des supplices qui étaient devenus des spectacles publics où hommes et femmes flambaient comme des torches. Cette pratique spectaculaire de la mise à mort à donné partout - particulièrement dans les pays latins - naissance à l'édification d'arènes publiques immenses. Le jeu de la mise à mort fut donc pendant très longtemps un élément essentiel de la culture des pays Européens tournés vers la Méditerranée.

            Nous retrouvons cette pratique de la mort spectacle pendant les quatre siècles d'esclavage des Noirs dans le nouveau monde. Les parties de chasse aux nègres, les lynchages concertés de noirs après le culte du dimanche, ces noirs que les familles blanches rôtissaient tout en prenant la pause pour la photo qui sera ensuite envoyée à des amis, tout cela n'était que la survivance logique d'une pratique européenne très ancienne. Mais dans ce nouveau monde, pour certains, réduire au cercle privé des plantations cette façon spectaculaire de donner la mort était  insuffisante. Aussi, ont-ils parfois tenté d'instituer les grands spectacles des arènes du passé qui attiraient les foules.

            Certes, les autodafés étaient apparemment rares dans le nouveau monde. Le supplice le plus commun était le châtiment corporel public destinée à terroriser les esclaves. Mais pour distraire le public blanc, il fallait bien sûr quelque chose de plus grand. Nous en avons un exemple précis tiré des archives de l’histoire de France dans Le crime de Napoléon (p.150-151) de Claude Ribbe. « Louis de Noailles va chercher à Cuba, au mois de mars 1803, quelque six cents dogues avec l'intention de ne les nourrir que d'indigènes. Le ministre le la Marine en est informé par une lettre de l'Amiral Latouche-Tréville du 9 mars. Les bêtes et leurs nouveaux maîtres défilent en triomphe au Cap. Renouant avec la tradition des sévices imposés aux premiers chrétiens, Rochambeau a fait construire un cirque à l'entrée du palais national où il réside. Un poteau est destiné aux suppliciés. Des gradins munis de confortables banquettes sont dressés pour les spectateurs "blancs". Pour inaugurer ce spectacle d'un nouveau genre, le général Boyer livre un de ses jeunes domestiques [...]. On lâche les chiens affamés. L'assistance applaudit. [...] Il ne restera que des os ensanglantés. Finalement, le public est horrifié. Mais le spectacle recommence tous les après-midi. »

            N'allons pas plus loin dans cet historique de la mort en spectacle. On comprend aisément que la torture, la guillotine et la chaise électrique sont des inventions issues de la même culture. Terminons avec cette dernière image extraite du Nouvel Observateur du début du mois de décembre 2009. Il est certain qu'aucun journal africain ne peut se permettre de proposer un tel dessin humoristique à ses lecteurs. L'autodafé ne faisant pas partie de la culture africaine, le public n'y comprendrait rien. Par contre, le public français comprend très bien cet humour parce que l'image évoque un élément culturel de son passé ; il sait que les tableaux de peintres représentant cet élément font partie du patrimoine culturel national. La pratique de ce spectacle était si courante qu'aujourd'hui encore on dit à l'adresse de celui qui commet une faute grave qu' « il y a des gens qui ont été brûlés pour moins que ça ! »  

Autodaf__1

Raphaël ADJOBI

12 décembre 2009

Mangez-le si vous voulez (Jean Teulé)

                               Mangez-le si vous voulez

Mangez_le

            Je ne me souviens pas du précédent livre dont l'histoire a autant troublé mes nuits.  Je ne parle point de ces sujets qui ne quittent pas votre esprit quand vous gagnez votre lit et qui parfois vous tiennent longtemps éveillé. Je parle bien de cauchemar nocturne. Le genre de ceux que, enfant, l’on redoute en allant au lit après avoir écouté un mauvais conte.

            Alain de Monéys, le nouveau premier adjoint de la mairie de Baussac (Dordogne), quitte un matin la demeure familiale de Bretanges pour se rendre à Hautefaye, à trois kilomètres de là. Appelé au front de Lorraine où la France mène la guerre contre la Prusse, le beau Alain de monéys tenait, avant son départ, à soulager ses concitoyens de leurs petits soucis et profiter de la foire de ce mardi 16 août 1870 pour saluer les uns et les autres.

            Sur son chemin, quand il saluait les paysans se rendant à la foire, tout le monde le reconnaissait et l’appelait avec affection et déférence « Monsieur de Monéys ». Sa beauté qui charmait les dames était la marque extérieure de sa bonté et de son dévouement. A une époque où c’était par tirage au sort que l’on rejoignait les troupes au front et où les miséreux qui ont tiré un bon numéro les dispensant de la guerre le revendaient à des garçons plus aisés ayant tiré un mauvais, Alain de Monéys a tenu a gardé le sien alors que le conseil de révision l’avait rejeté pour « faiblesse de constitution ». Non, malgré sa claudication, il ne voulait pas envoyer le fils de quelqu’un d’autre risquer sa vie à sa place.

            A l’entrée de Hautefaye, un malentendu sur l’honneur de la France va précipiter sa vie en enfer. Alain de Monéys va vivre en plein jour, le cauchemar que tout être humain redoute comme la folie soudaine. Tout à coup, plus personne ne le reconnaît. Il devient un objet que l’on fait rouler, un animal que l’on va ferrer, un Christ que l’on va clouer sur le bois, un gibier que … Mangez-le si vous voulez est un livre qui remue la conscience parce que basé sur les comptes rendus du procès d’un fait réel.

La mort en spectacle, une culture Européenne

            En lisant ces pages monstrueuses qui m’obligeaient souvent à m’arrêter, je ne pouvais m’empêcher de penser à toutes ces personnes qu'on menait, partout en Europe, au bûcher dans une ambiance de kermesse. Je m’imaginais tous ces autodafés souvent organisés devant le parvis des cathédrales où les foules s’amassaient, hommes, femmes et enfants pour admirer dans des cris de joie les flammes emporter dan le néant les âmes accusées de je ne sais quelle peccadille ou crime imaginaire.

            Je comprends alors qu’une des profondes différences culturelles qui séparent radicalement l’Européen et l’Africain des siècles passés  se situe là, dans le spectacle de la mise à mort. Sans le savoir, cette pratique que l’on découvre dans tous les siècles de l’histoire de l’Europe a dû surprendre les peuples Africains quand de manière brutale ils ont été mis en contact avec les hommes blancs.

            En Afrique occidentale, en pays Akan, lorsque l’on sent sa vie menacée par un individu ou une colère collective, la première chose qui vient à l’esprit de celui qui se sent en danger est de courir se refugier auprès d’un vieil homme. Ce geste est reconnu par tous comme une demande de protection que tout agresseur se doit de respecter scrupuleusement. C’est un peu le drapeau blanc en cas de guerre pour les Européens ; à la seule différence que se refugier auprès d’un vieil homme annule immédiatement tous les droits de l’agresseur et place la victime sous l’autorité des sages. En Europe, aucun symbole protecteur n’existe dans la vie civile pour vous garantir une vie sauve en cas de lynchage, d’agression collective concertée. C’est ce qui a manqué à Alain de Monéys à qui la présence du maire et celle du curé du village n’ont été d’aucun secours.

            En réfléchissant bien, en nous plongeant dans le passé de l’Europe, on découvre que celle-ci a, face à la mort, une conception qui n’existe pas dans les cultures africaines : la dimension du spectacle dans la mise à mort. Dans la mort que l’on inflige a l’autre, l’Afrique connaissait la dimension sacrificielle ; quant à l’Europe, c’est la dimension spectacle qu’elle a toujours cultivée.

            Au premier siècle de notre ère, Néron, soupçonné d'avoir incendié Rome, prit la décision de faire massacrer les chrétiens qu'il accusait à son tour d'être à l'origine de ce forfait qui menaçait son honneur et son pouvoir. Le peuple qui avait sans doute ses raisons d'en vouloir aux chrétiens avait alors applaudi cette décision. Mais ce à quoi il ne s'attendait pas, c'était la mise en scène des supplices qui étaient devenus des spectacles publics où hommes et femmes flambaient comme des torches. Cette pratique spectaculaire de la mise à mort à donné partout - particulièrement dans les pays latins - naissance à l'édification d'arènes publiques immenses. Le jeu de la mise à mort fut donc pendant très longtemps un élément essentiel de la culture des pays Européens tournés vers la Méditerranée.

            Nous retrouvons cette pratique de la mort spectacle pendant les quatre siècles d'esclavage des Noirs dans le nouveau monde. Les parties de chasse aux nègres, les lynchages concertés de noirs après le culte du dimanche, ces noirs que les familles blanches rôtissaient tout en prenant la pause pour la photo qui sera ensuite envoyée à des amis, tout cela n'était que la survivance logique d'une pratique européenne très ancienne. Mais dans ce nouveau monde, pour certains, réduire au cercle privé des plantations cette façon spectaculaire de donner la mort était  insuffisante. Aussi, ont-ils parfois tenté d'instituer les grands spectacles des arènes du passé qui attiraient les foules.

            Certes, les autodafés étaient apparemment rares dans le nouveau monde. Le supplice le plus commun était le châtiment corporel public destinée à terroriser les esclaves. Mais pour distraire le public blanc, il fallait bien sûr quelque chose de plus grand. Nous en avons un exemple précis tiré des archives de l’histoire de France dans Le crime de Napoléon (p.150-151) de Claude Ribbe. « Louis de Noailles va chercher à Cuba, au mois de mars 1803, quelque six cents dogues avec l'intention de ne les nourrir que d'indigènes. Le ministre le la Marine en est informé par une lettre de l'Amiral Latouche-Tréville du 9 mars. Les bêtes et leurs nouveaux maîtres défilent en triomphe au Cap. Renouant avec la tradition des sévices imposés aux premiers chrétiens, Rochambeau a fait construire un cirque à l'entrée du palais national où il réside. Un poteau est destiné aux suppliciés. Des gradins munis de confortables banquettes sont dressés pour les spectateurs "blancs". Pour inaugurer ce spectacle d'un nouveau genre, le général Boyer livre un de ses jeunes domestiques [...]. On lâche les chiens affamés. L'assistance applaudit. [...] Il ne restera que des os ensanglantés. Finalement, le public est horrifié. Mais le spectacle recommence tous les après-midi. »

            N'allons pas plus loin dans cet historique de la mort en spectacle. On comprend aisément que la torture, la guillotine et la chaise électrique sont des inventions issues de la même culture. Terminons avec cette image extraite du Nouvel Observateur du début du mois de décembre 2009. Il est certain qu'aucun journal africain ne peut se permettre de proposer un tel dessin humoristique à ses lecteurs. L'autodafé ne faisant pas partie de la culture africaine, le public n'y comprendrait rien. Par contre, le public français comprend très bien cet humour parce que l'image évoque un élément culturel de son passé ; il sait que les tableaux de peintres représentant cet élément font partie du patrimoine culturel national. La pratique de ce spectacle était si courante qu'aujourd'hui encore on dit à l'adresse de celui qui commet une faute grave qu' « il y a des gens qui ont été brûlés pour moins que ça ! »  

Autodaf__1

Raphaël ADJOBI

Titre : Mangez-le si vous voulez (129 pages)

Auteur : Jean Teulé

Editeur : édit. Julliard 2009.

Publicité
26 novembre 2009

Les traites négrières d'Olivier Pétré-Grenouilleau : une analyse de Raphaël ADJOBI

                             Les traites négrières

                                             d'Olivier Pétré-Grenouilleau

                                    Une analyse de Raphaël ADJOBI

Les_traites_de_P_tr__G

            Voici un livre qui a fait fureur en son temps. Disons plutôt que son auteur a eu l’heure de sa gloire. Porté avec les honneurs sur les ondes françaises, l’homme et ses pensées ont fini par asseoir dans la conscience collective des doutes et affermi les convictions de ceux qui en avaient déjà sur l’esclavage des Noirs. J’ai voulu aller à la rencontre de ses pensées et m’en faire une idée exacte en me fiant à ses écrits plutôt qu’à ses brefs propos entendus et aux commentaires de ses contradicteurs. C’est à la fois déçu et écoeuré que je ressors de cette lecture.

            Ce qui domine avant tout dès les premières pages de ce livre, c’est le ton présomptueux de l’auteur. Il nous annonce qu’il va faire œuvre originale en rompant avec les « on dit », les « je crois », « les rancoeurs et les tabous idéologiques accumulés, sans cesse reproduits par une sous-littérature n’ayant d’historique que les apparences » qui ont dépouillé l’histoire de la traite des Noirs de sa substance et « permis l’enracinement de mémoires souvent antagonistes ». Une œuvre de titan en perspective, pour asseoir une vérité définitive destinée à constituer une mémoire unique!

            Parce que pour Olivier Pétré-Grenouilleau « toute bonne histoire (…) est forcément comparative », il se donne pour visée l’écriture d’une histoire globale des traites négrières, à travers le temps et l’espace, en cernant « les logiques à partir des pratiques » qui ont constitué leurs phases successives. En d’autres termes, il propose de faire connaître la logique qui a commandé toutes les traites négrières ayant marqué l’histoire de l’humanité.

            Malgré le ton présomptueux, l’idée paraît séduisante. Malheureusement, très vite, on se rend compte que l’auteur a une idée fixe dans sa recherche sur les différentes traites. Ce qui lui importe, c’est de savoir « pourquoi (l’Afrique) répondit-elle si favorablement aux demandes extérieures » en esclaves. Chercher à nous faire « comprendre (…) comment certaines logiques africaines ont pu s’accommoder de logiques extérieures (…), comment l’Afrique noire est concrètement et volontairement entrée dans l’engrenage négrier » est le but qu’il s’est donc fixé. Mais, avant même d’aller plus loin, le lecteur remarque que les adverbes « favorablement » et « volontairement » trahissent un jugement personnel qui est posé comme le préalable et le moteur de ses recherches. Le but de son travail n’est donc pas innocent.

 

            A ce moment de la lecture du livre, celui qui a quelques connaissances des traites négrières ou qui a lu La traite des Noirs et ses acteurs africains de Tidiane Diakité, L’Esclavage en Terre d’islam de Malek Chebel, ou Le génocide voilé de Tidiane N’diaye, se dit qu’il y a quelque chose qui a échappé à ces derniers auteurs. Mais voilà que Pétré-Grenouilleau déçoit en avançant sous la marque du « magister dixit » et non point avec les archives des différentes époques pour interpréter les événements.

            Malgré tout, on attend avec impatience les éléments témoignant d’une logique sociale ou naturelle propre aux africains et qui les a rendus « favorables » à la traite des leurs pour les y lancer « volontairement ». On découvre que c’est en usant du conditionnel (p.102) qu’il avance les « deux éléments (qui) auraient donc été finalement à l’origine de la naissance plus ou moins simultanée de la traite négrière et du mode d’organisation des sociétés d’Afrique noire ». Pétré-Grenouilleau émet clairement donc l’hypothèse selon laquelle la traite négrière serait née en même temps (« simultanée ») que l’organisation en sociétés des africains. Il veut nous faire croire que dans la formation de toute forme de sociabilité, l’Africain a introduit l’esclavage dans ses relations avec ses voisins immédiats. La traite est donc innée chez les Noirs puisque l’esclavage est inhérent à leurs sociétés. Dès lors, l’auteur des Traites négrières peut se permettre d’émettre cette autre hypothèse selon laquelle la traite arabo-musulmane ne  serait qu’une suite logique de l’esclavage traditionnel africain. Enfin, il conclut, satisfait, que l’« On comprend alors la rapidité de la réponse africaine au renforcement de la demande européenne en captifs, à partir de la seconde moitié du XVII è siècle. La matière première – le captif – était là, abondante, et parfois encombrante » ! Oui, vous avez bien lu. L’Afrique était encombrée d’esclaves ; et l’Europe s’est contenté de la débarrasser du  trop plein.

            A partir de ce moment de son livre, Pétré-Grenouilleau a le sentiment de détenir une vérité absolue. En théorisant sur les traites négrières en marge des archives, en situant sa thèse à l’origine de la formation des sociétés africaines que personne n’a connue, l’auteur emprunte une démarche pseudo scientifique pour aboutir à une affirmation qu’il voudrait une vérité générale et absolue. On peut dire qu’avec ce livre d’Olivier Pétré-Grenouilleau, on quitte la démarche de la recherche pour entrer dans le roman de la traite négrière. L’objet du livre apparaît alors clairement être la déculpabilisation de la conscience européenne vis à vis de la traite atlantique.

      

Nous savons que la preuve de la contribution active des Noirs eux-mêmes à la traite négrière arabo-musulmane et atlantique a été établie avec certitude par différents auteurs dont ceux cités plus haut. Nous savons comment, progressivement les Noirs sont devenus des ardents défenseurs de l’esclavage au point d’avoir été, avec les négriers du XIX è siècle, les derniers adversaires du mouvement abolitionniste européen.  Mais ce qui est inadmissible dans la démarche d’Olivier Pétré-Grenouilleau, c’est non seulement l’affirmation du caractère inné de l’esclavage chez le Noir, mais également le mélange des époques qu’il fait dans son livre. Quand il parle de cette inclination des Noirs à la traite, on ne sait pas toujours s’il parle d’une inclination qui date de la traite atlantique, de la traite arabo-musulmane ou d’une pratique antérieure à ces deux époques. Vu que personne ne peut soutenir que la traite négrière pratiquée en Nubie aux temps des pharaons était un phénomène général en Afrique, il convient de qualifier ses affirmations de hasardeuses et gratuites.

            En fait, aux yeux d’Olivier Pétré-Grenouilleau, toutes les archives d’Europe qui ont constitué la source des différentes publications sur la traite atlantique et qui relatent les manœuvres européennes pour contraindre les Africains à leur fournir des esclaves ne sont que mensonges. Toutes les oppositions locales à la traite atlantique que mentionnent les textes de l’époque ne sont pas, selon lui, dignes de foi. Ainsi, il s’arroge le droit, comme tout bon dictateur – mais dictateur d’idées – de décréter qu’il est le maître incontestable de l’histoire des traites négrières et par voie de conséquence de l’esclavage. Malheureusement, l’affirmation sur laquelle est bâti tout son travail n’a rien à voir avec une réalité historique ; et le fait qu’il n’a nullement cherché ailleurs d’autres logiques qui auraient pu servir de moteurs à l’adhésion des Africains à la traite des leurs trahit son souci de justifier le rôle des Européens dans la traite atlantique.

            La violence et l’asservissement de l’autre sont certainement à l’origine de toutes les sociétés humaines, sans distinction de couleurs. C’est ce qui faisait dire au philosophe anglais Thomas Hobbes (17 è S.) que « l’homme est un loup pour l’homme » ; idée reprise à Plaute (255-184 av. J.C.) qui fut le premier à l’affirmer. Appliquer cette vérité communément admise à la seule Afrique pour justifier son attitude « favorable » et « sa volonté » d’implication dans la traite atlantique me semble indigne d’un universitaire. D’autre part, n’est-il pas admis aujourd’hui – à la suite de Jean-Jacques Rousseau – que le développement des sciences et des arts ont largement contribué à l’asservissement de l’autre pour en tirer le plus de profit possible ? Si l’esclavage que connaissaient toutes les sociétés humaines a atteint son point culminant avec la traite atlantique, c’est grâce au développement de la navigation, de l’architecture et le goût du luxe. L’auteur des Traites négrières semble reconnaître lui-même ce facteur quand il parle de « la révolutionnaire expansion mondiale de l’Europe » grâce d’une part aux banquiers qui fournissaient le capital et la technologie, et grâce d’autre part aux marins qui permirent l’établissement d’empires commerciaux en Afrique et en Asie et la colonisation de terres américaines. La traite négrière pratiquée en Nubie aux temps des pharaons et l’esclavage pratiqué en Europe - dans l’antiquité et à une époque plus moderne avec le servage - n’ont donc aucune commune mesure avec la traite Atlantique.

   

            A vrai dire, la renommée soudaine et éclaire de Pétré-Grenouilleau tient moins à l’affirmation de l’implication des Noirs dans la traite négrière atlantique (d’autres l’ont également prouvé) qu’à la circonstance favorable qui s’était offerte à lui avec le débat suscité par la guyanaise Christiane Taubira à travers sa proposition de loi qui a abouti en 2001 à la reconnaissance de ce commerce et de l’esclavage qui en a résulté comme crimes contre l’humanité. On comprend pourquoi le succès médiatique qu’a connu alors l’auteur des Traites négrières n’a nullement entraîné le succès du livre en librairie.

            Demain, un autre Olivier Pétré-Grenouilleau s’élèvera pour asseoir comme une vérité absolue que les africains ont « favorablement » accepté la colonisation de leurs terres et contribué « volontairement » à son pillage par les sociétés européennes sans nullement tenir compte des luttes d’influences qui se déroulent aujourd’hui en Afrique. Mais ne pourrait-on pas se demander si la France n’a pas une inclination naturelle à l’asservissement. Les serfs (forme élégante pour désigner les esclaves européens au Moyen Âge) dont le travail permettait à quelques individus de vivre dans l’oisiveté et passer le plus clair de leur temps à l’entretien de la blancheur de leur peau - quand ils ne chassaient pas ou ne guerroyaient pas pour agrandir leurs domaines – avaient-ils l’état de servitude inné ?  Les Chinois et les Indiens avaient-ils l’esclavage inhérent à leur culture pour avoir été transportés dans les Caraïbes ? Il faudra sans doute un jour envisager un traité pour comprendre le moteur de cette inclination des Européens blancs des siècles passés à mettre tous ceux qu’ils rencontraient en esclavage.

 

Raphaël ADJOBI

 

Titre : Les traites négrières (558 pages)

Auteur : Olivier Pétré-Grenouilleau

Editeur : Gallimard (collection : Folio histoire), 2004

7 novembre 2009

Les murs de la honte

                                          Les murs de la honte

 

 

            En France, comme certainement ailleurs en Europe, des manifestations sont prévues pour fêter le 20 è anniversaire de la chute du mur de Berlin dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989. Afin que cette commémoration ne soit pas un culte du Mur, France Inter associe aux manifestations l’ensemble des murs qui séparent les hommes à travers le monde. Je m’en réjouis très fort et voudrais ici en faire l’écho.

Mur_Allem_1

 

            Je trouve juste en effet que l’Europe ne se contente pas de se réjouir d’avoir lavé cette honte tout en fermant les yeux sur d’autres murs auxquels elle pourrait trouver quelque vertu. Bravo donc aux journalistes de cette station de radio d’avoir une pensée pour tous ceux qui vivent –délibérément ou par la contrainte - derrière des murs en béton ou en fer.

 

            Le mur de Berlin était un mur idéologique – symbole de la guerre froide entre l’Amérique et l’occident d’une part, et l’Union Soviétique et l’Europe de l’est d’autre part. Celui dressé entre les Etats-Unis et le Mexique ainsi que celui de Rio au Brésil sont des murs anti-pauvreté. Ceux élevés ça et là dans la ville de Bagdad séparant quartiers chiites et sunnites sont des murs de séparation confessionnelle ; celui érigé par Israël est d’ordre ethnique. N’oublions pas le mur idéologique et militaire de cantonnement élevé par les Américains à Bagdad pour se couper de la population irakienne. Tous sont des murs de la honte !

Mur_Israel_2

 

            Entre tous ces murs, celui dressé par Israël revêt deux caractères singuliers. Il est à la fois un mur de séparation ethnique mais aussi un mur d’annexion des terres cisjordaniennes. Sa forme très sinueuse épousant celle des villages palestiniens sans tenir compte des terres que ceux-ci cultivent et qui se retrouvent ainsi derrière le mur du côté Israélien en est la preuve. Il est également un mur d’isolement des palestiniens qui ne peuvent communiquer entre eux de village en village, et un mur d’enfermement psychologique pour les Israéliens eux-mêmes. En effet, ce mur empêche ces derniers de s’intégrer à leur région. Les Israéliens sont ainsi clairement isolés de leur géographie naturelle et ne se voient plus qu’européens (ligue de football européen, Eurovision) ou Américains. Dans leur inconscient, leur pays n’existe pas dans un espace géographique naturel supposant un voisinage et des limites humaines exigeant des efforts de cohabitation.

Mur_USA_3

 

            Pour finir, osons cette réflexion tout en pensant au vulgarisateur de l’ethnologie qui vient de nous quitter : Claude Lévi-Strauss. L’égalité entre les hommes que l’on demande à travers la terre entière et dans l’enceinte des frontières des nations n’est nullement une demande de nivellement des états et des conditions des personnes, mais la mise en place de politiques qui permettent à chacun d’avoir la même chance de réussir sa vie. Oui, c’est cela la vraie égalité.

 

Raphaël ADJOBI

15 octobre 2009

La taxe carbone et nous

                                 La taxe carbone et nous

            Nous y sommes ! Nous l’avons cherché, nous allons l’avoir ! A force de vivre de manière irraisonnée, il nous faudra payer un tribut. Il se présentera sous la forme d’une taxe – une contribution, disent certains (c’est plus doux !) - pour lutter contre le changement climatique qui nécessite, selon les experts, « un changement organisationnel et comportemental de nos sociétés ». Il faut entendre par là un changement de comportement de l’humanité tout entière.

Taxe_carbone_1            La taxe carbone a été mise en place dans les années 1990 en Suède, en Finlande, et au Danemark. Elle devrait entrer en vigueur en France dès le 1er janvier 2010. Les autres pays de l’Union européenne suivront car celle-ci a besoin d’ « un outil pour réduire les émissions de gaz à effet de serre » et des « ressources appropriées pour financer une politique climatique mondiale » (site maxisciences) ; c’est encourager les investissements dans les énergies renouvelables ou peu productrices de gaz à effet de serre. Mais tout cela restera certainement de belles paroles dans bon nombre de pays européens, notamment

la France.

            Je ne veux point ici remettre en question le bien fondé de la nécessité d’un changement de comportement des particuliers et des entreprises industrielles et commerciales. Chacun, au regard de l’état des sociétés développées et des comportements individuels, sent le besoin de se tourner vers des énergies propres ou moins polluantes. Je voudrais tout simplement et franchement dire ici que le gouvernement s’y prend très mal pour nous faire accepter cette « contribution » qu’il juge nécessaire pour nous « inciter à modifier nos comportements les plus énergivores, responsables du réchauffement climatique ».

            L’histoire de l’humanité nous enseigne des comportements qui semblent imposés par la nature et que la morale a fini, sous tous les cieux, par codifier en nous. Elle nous enseigne que les hommes travaillant la terre pour en tirer leur subsistance ont vite compris que la nature exigeait d’eux du repos pour pouvoir produire à nouveau et les satisfaire. Par contre, notre époque en a décidé autrement. Forçant la nature à produire nuit et jour et par toutes les saisons la nourriture qu’elle n’offrait qu’à un moment précis de l’année, les hommes ont fini par croire la dominer impunément. Les engrais qu’il enfouissait dans le sol à coups de pelleteuse ont fini par polluer les nappes phréatiques ; Les canalisations issues des usines et conduites dans les cours d’eau les ont rendus imbuvables, nécessitant une technologie industrielle pour les rendre potables.

            L’avènement de l’industrie avec la transformation massive de produits uniformes destinés la consommation d’un grand nombre de personnes pour un bénéfice financier toujours plus grand, a fini par couvrir la terre entière de cheminée polluantes ; la concentration humaine dans des villes de plus en plus grandes avec des moyens de transports plus rapides, plus nombreux et polluants ont contribué à rendre l’air que nous respirons et celui qui , à ce qu’il paraît, protège la terre, impropre à la vie humaine.

Heures_sup            Malheureusement, au moment où le besoin de changer de comportement s’impose, on nous incite à travailler plus pour gagner plus, c’est à dire à faire tourner davantage les usines, à faire fonctionner davantage toutes les machines grandes consommatrices d’énergie. Non content de cela, on voudrait même empêcher à la nature d’avoir le temps de reprendre son souffle. Aussi, on nous demande même de travailler le dimanche. On refuse à la nature un jour de repos pour se renouveler, un jour de repos pour que le gaz rejeté dans l’air toute la semaine ait le temps de se dissiper avant la reprise de nos activités. On prétend que rouler moins vite nous évite les pics de pollutions. Foutaises que cela !

            Devant ce qui apparaît comme un paradoxe, certains soupçonnent l’état français de faire de la taxe carbone un moyen de  faire des  recettes fiscales pour combler ses dettes. Si donc demain, vous ne voyez pas se multiplier les pistes cyclables et les tramways, si vous voyez autant de camions sur les routes, si vous voyez que le travail du dimanche se généralise, obligeant plus de déplacements et maintenant des machines en tous genres en action, si les villes sont de plus en plus illuminées et plus longtemps, tant qu’il vous faudra continuer à laisser couler des litres d’eau froide avant d’avoir de l’eau chaude, sachez que votre « contribution » n’aura effectivement servi qu’à combler les dettes de l’état. Pour changer de comportement, il appartient à celui-ci de proposer des alternatives à nos habitudes actuelles. En attendant la mort par suffocation ou par détérioration de notre environnement, le rythme de la vie que nous nous imposons, lorsqu’il ne nous pousse pas au suicide, génère en nous tant de stress que nous passons le plus clair de notre temps à avaler des anti-dépresseurs qui ruinent notre santé. Mourir ou devenir fou par le travail en attendant la fin du monde semble la seule alternative qu’on nous propose pour l’instant.

Raphaël ADJOBI

17 septembre 2009

Le Gabon, l'Afrique francophone et la démocratie

                          Le Gabon, l’Afrique francophone

 

                                         et la démocratie

 

Carte_du_Gabon

 

           Les récentes élections présidentielles et les affrontements qu’elles ont engendrés nous obligent à une sérieuse réflexion sur l’idée que nous nous faisons de la démocratie en Afrique et les moyens à mettre en œuvre pour la réussir.

            Afin de faciliter la compréhension de la démarche que je vous propose, éliminons momentanément la pieuvre Françafrique et retrouvons le socle nu de la chose gabonaise et africaine. Dès lors, posons-nous ces quelques questions : le peuple gabonais, dans sa majorité, était-il désireux de tourner la page de la famille Bongo ? Les leaders de l’opposition au régime qui a toujours dirigé le pays désiraient-ils sincèrement un changement du mode de fonctionnement et de gouvernement de l’état ?

            A la première question, on peut répondre sans hésiter par l’affirmative au regard  des totaux des voix de l’opposition. A la deuxième, je suis bien obligé de répondre par la négative. Car, quoi ? Malgré des années d’opposition, les adversaires d’Omar Bongo n’ont-ils jamais pensé à la nécessité d’une coalition pour affronter celui que tout le monde savait qu’il serait l’héritier du père ? 17 candidats, drainant chacun ses partisans - et donc en rangs dispersés - à l’assaut d’un pouvoir qui semblait déjà détenu par Ali Bongo, voilà le spectacle qu’il nous ont offert. Signe que cette opposition n’était point sérieuse et donc absolument pas crédible. En privilégiant l’égoïsme et l’opportunisme, elle a démontré que le seul objectif qu’elle poursuivait était s’asseoir sur le trône du roi afin de jouir à son tour des honneurs et de tous les autres avantages attachés à cette fonction. S’il s’avère qu’ils ont été loyalement battus (malgré quelques tricheries), les opposants ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes.

            Mais dans cette entreprise électorale, un autre maillon incroyablement faible a été la commission nationale chargée de sa gestion. Qu’il y ait des fraudes dans une élection d’une telle importance n’est nullement un signe de sous-développement puisqu’elles sont courantes sous tous les cieux. Mais que la commission électorale ne soit pas capable de juger de l’ampleur de la fraude pour invalider le vote de telle ou telle circonscription ou pour déclarer l’invalidité des élections pour fraude généralisée est la preuve même d’une incapacité à assumer une charge dans une structure qui se veut démocratique. La commission électorale gabonaise a-t-elle joué la transparence ? A-t-elle pris toutes les dispositions pour que le doute ne soit pas jeté sur son action ? La clarté et la fermeté à ce moment crucial d’une élection sont absolument nécessaires. A ce sujet, je voudrais saluer ici l’intégrité de la commission électorale de la Côte d’ivoire lors des élections de 2000 au cours de laquelle son président a refusé de se plier aux injonctions du pouvoir du général candidat, l’obligeant à s’autoproclamer élu avant d’être chassé par la rue.Gabon_les_3_pr_tendants

            Ce qui manque en effet à la base des élections troubles africaines, c’est cette assise solide des institutions. Mais je reconnais qu’avant d’être l’œuvre du temps, cette solidité doit avant tout être l’œuvre de la ferme volonté de quelques individus capables de faire abstraction de leurs intérêts personnels pour se sacrifier sur l’autel des idées républicaines. C’est par la volonté des hommes que commence la force des institutions. L’habitude ou le temps ne fait que leur donner la respectabilité nécessaire à leur ancrage dans le paysage politique d’une nation.

 

Le poids de la relation avec la France

            Mais voilà que dans le cas de l’Afrique francophone, un joug pèse lourdement sur les événements politiques et les font apparaître comme la chaleur d’une marmite qui tente vainement de se débarrasser de son couvercle pour laisser voir la réalité de son contenu. L’Afrique francophone est aussi malade de sa relation excessivement exclusive avec cette France dont les institutions interdisent à son peuple et à ses élus d’avoir un droit de regard sur ce que son président et ses hommes d’affaire font sous d’autres cieux. Ce qui autorise une manipulation sans borne de l’opinion publique via les médias.

            Un fois n’est pas coutume. Alors qu’elle a fermé les yeux devant le pétrissage des institutions ivoiriennes dans le giron chiraquien sur les bords de la Seine, alors qu’elle est restée muette devant les images des urnes togolaises en fuite sur les épaules des militaires, la presse française cette fois n’a pas hésité à montrer du doigt la nébuleuse Françafrique qui a accentué l’opacité des élections gabonaises à travers les propos de ses multiples intervenants. Voilà qu’on ose enfin déclarer publiquement qu’un ministre français a été « proprement viré » par Omar Bongo, le président défunt. Voilà qu’elle juge que les saccages des biens français au Gabon sont le résultat du mécontentement populaire à l’encontre de l’attitude de la France qui est très loin d’être impartiale.

            Profitons donc de l’occasion pour enfoncer le clou et apportons des éclaircissements à deux affirmations récurrentes dans les propos publics français. Ici, je requiers l’attention des lecteurs français.

L’Afrique francophone n’est pas un boulet pour la France mais un marché d’exploitation et d’exportation ! Le sous-sol de l’Afrique francophone n’est pas pauvre ; bien au contraire il permet aux voitures des français de rouler, à leurs avions de voler et à leurs usines de tourner ; sa population est grande consommatrice de produits français permettant de préserver des emplois ; son espace est un champ d’investissements pour les entreprises françaises privées comme publiques (ce  n’est point dans les pays déjà développés que l’on investit !). La pauvreté de l’Afrique est donc une occasion de richesse pour la France. Il est connu que ce sont les pauvres qui entretiennent les maisons des riches ; sans eux, le désordre s’installerait dans la demeure. Qu’est-ce qu’un châtelain sans les pauvres serfs ?

Aussi, il est incorrect de dire que l’Afrique francophone n’est rien sans la France ; il convient plutôt de dire que la France n’est rien sans l’Afrique francophone. La chute de celui qui est plus proche du sol est moins douloureuse que celle de celui qui est juché sur un piédestal. Il y en a qui peuvent se contenter de rien et d’autres incapables de se contenter de peu. La France est ainsi dans l’incapacité de lâcher prise par peur de sa propre chute. Et pourtant un autre rapport entre elle et ses anciennes colonies est possible pour qu’il n’y ait pas à proprement parlé de chute pour ses affaires. Mais la peur est maîtresse de bien des maux infligés à ceux qui vous l’inspirent. Le commun des africains sait aujourd’hui que quand un pays Européen lâche un pays du tiers-monde, il s’entend avec ses amis au sein de l’Onu pour mettre le pays rebelle sous embargo afin de ruiner toutes ses chances de développement loin du giron néo-colonial. On tue en quelque sorte pour l’exemple, pour obliger les autre pays pauvres à se tenir tranquilles. Les cas de la Guinée de Sékou Touré et de Cuba de Fidel Castro ne s’effaceront jamais de nos mémoires.

  La démocratie dans les pays francophones dépend donc dans sa forme – c’est à dire dans la structure de ses institutions et de leur maniement - des africains eux-mêmes. Mais elle ne peut atteindre son objet qui est le développement dans une gestion libre de l’économie que lorsque les relations avec la France seront défaites de l’opacité du joug françafricain. Malheureusement, les interférences entres les intérêts du joug françafricain et la vie politique de ces nations sont telles que l’entreprise démocratique s’avère une véritable épopée avec les soubresauts que nous connaissons.

 

Raphaël ADJOBI

1 septembre 2009

Case à Chine de Raphaël Confiant

Case___chine_001   Case à Chine

 

(Raphaël Confiant)       

            La présidence d’Alberto Fujimori au Pérou (1990-200) m’avait beaucoup intrigué et suscité en moi des questions quant à l’histoire de la présence des asiatiques en Amérique latine. Plus tard, un passage de Chasseur de lions, un roman d’Olivier Rolin dont l’histoire se passe dans cette partie du monde, parlant de « voiliers en rade, par dizaines, chargés de guanos ou de coolies importés de Chine pour remplacer les esclaves sur les plantations » avait accentué ma curiosité. Curiosité que Case à Chine de Raphaël Confiant vient de satisfaire.

 

            C’est en effet ici l’épopée de cette « immigration » de Chinois et d’Indiens, de leur installation et de leur créolisation dans les Antilles françaises après la dernière abolition de l’esclavage en 1848. Raphaël Confiant choisit (mais aussi pour accomplir une vieille mission) de raconter l’histoire de trois familles, en remontant quant à la sienne jusqu’aux parents du premier immigré de la Chine lointaine. Mais le récit navigue constamment entre le passé lointain et le passé plus récent.

 

Très vite, le lecteur comprend que le contact des asiatiques avec cette terre du nouveau monde s’est passé dans la violence et le mépris comme l’ont vécu précédemment les nègres devenus libres. Outre cela, les relations entre les différentes communautés sont une véritable foire aux préjugés avec heureusement, parfois, des situations délicieuses magnifiquement racontées. C’est avec un style chatoyant, grâce à une multitude de mots créoles nullement gênants pour la compréhension du texte, et un réalisme sans complaisance et équitable à l’égard des différentes communautés que l’auteur parvient à donner à ce roman un équilibre parfait. On y découvre en effet des peintures absolument belles des querelles, des rivalités, des complicités et des préjugés entre les différentes communautés et sous-communautés de la Martinique post-esclavagiste : les Noirs, les Noirs-Congo, les Blancs créoles, les Blancs-France, les Chinois-pays, les Chinois-Chine et les Indiens. Tout ce monde baignant dans un créole savoureux où dominent parfois les taquineries des nègres à l’adresse des Yeux-Fendus. Le livre contient également des portraits magnifiques. Vous adorerez celui de la chabine Justina et surtout celui de la négresse Fidéline, l’arrière grand-mère de l’auteur, et ses joutes verbales avec son « chinois fou dans le mitan de la tête » dont l’histoire est absolument passionnante. Les colères de Poupée-Porcelaine sont également mémorables.

 

Ce livre se révèle aussi une véritable mine d’informations sur la manière dont les différentes communautés ont pu mêler leur sang : les chinois plus souvent avec les mulâtres (quand ils ne font pas venir du sang neuf de Chine), les Blancs-France sans le sou avec les « négresses charitables ou désireuses d’avoir une progéniture aux cheveux plats ». Mais les plus belles pages des histoires d’amour dans cette Martinique où se créolisent progressivement Chinois et Indiens - les souffre-douleur désignés des négrillons - et que relate l’auteur sont celles qui se nouent laborieusement entre les Noirs, les Indiens et les Chinois.

 

Tous ces éléments font donc de Case à Chine un roman historique, réaliste et drôle. Mais au-delà de la beauté du texte et des situations parfois amusantes ou charmantes, le fond social fait de violences et de mépris reste constamment présent. Aussi, ceux qui s’étonnent du peu de progrès accompli par les Noirs antillais dans les différents arts devraient se mettre à l’esprit que l’esclavage n’octroyait qu’une journée par semaine de liberté contrôlée aux nègres et que la colonisation s’est appliquée à sa suite à freiner par tous les moyens leur accession aux sciences et aux arts. La simple création d’un lycée ou de tout autre établissement d’enseignement ne manquait jamais de soulever des protestations de la part des Blanc-pays (Blancs créoles ou Békés). Bien au contraire, c’est miracle que nous devrions dire, si de cet univers de mépris, de suspicion, de frustration des ambitions individuelles, quelques-uns sont parvenus à se hisser parmi l’élite française dans certains domaines.  Rapha_l_Confiant

 

Ce livre vient donc à sa manière confirmer que l’élément déterminant de l’histoire des Antilles que tout le monde s’applique à ignorer ou à négliger est bien la volonté immuable des Blancs-pays - depuis l’esclavage jusqu’à ces jours du XXIè siècle - de ruiner tout espoir de changement de la condition des descendants d’Afrique et d’Asie pour maintenir la leur : la servitude pour les uns, la domination pour les autres. Dans un tel contexte, hier comme aujourd’hui, il semble donc juste que ces Noirs qui « lassés de manger leur âme en salade et de subir crachats, insultes, méprisations, ricanements, claironnent qu’en terre créole, seule la folie est raisonnable, oui. »

 

Raphaël ADJOBI

 

Titre : Case à Chine (487 pages)

Auteur : Raphaël Confiant

Edition : Gallimard (collection Folio)

Publicité
Publicité
Publicité